Voter n'est pas un devoir!

Élection Québec 2012 - analyses et sondages


PIERRE SIMARD - L'auteur est professeur à l'ENAP, à Québec.

Alors que le «promessomètre» électoral québécois atteint des niveaux ridicules, les chantres de la démocratie investissent les médias pour nous rappeler qu'il est de notre devoir d'aller voter. Devrait-on les écouter? À vous de décider!
Vous avez le sentiment que les politiciens vous racontent n'importe quoi. Aucun parti politique ne répond à vos aspirations. À vos yeux, qu'un parti prenne le pouvoir plutôt qu'un autre ne change rien. Dans ce cas, il n'y a pas de mal à rester chez vous et à vous abstenir. (Ô sacrilège!)
Pourquoi donneriez-vous votre consentement à des propositions électoralistes du simple fait qu'on clame, haut et fort, que vous devez remplir votre devoir de citoyen? Voter n'est pas un devoir, c'est un droit!
Achèteriez-vous une maison qui vous rebute? L'achèteriez-vous sans la visiter ou sans vous informer des frais qui s'y rattachent? Sûrement pas! Pourquoi donneriez-vous votre aval à ce que des élus s'accaparent une part appréciable de vos revenus en échange de l'adoption de centaines de lois et de règlements dont vous ignorez la teneur et les conséquences; en échange de services publics dont vous jugez ne pas avoir besoin?
Soyons honnêtes, comme l'expliquent les économistes des choix publics, beaucoup d'électeurs font désormais la sourde oreille aux politiciens. Ce sont pour la plupart des citoyens avisés (des ignorants rationnels) qui ont décidé de ne plus investir de temps et d'argent à connaître les tenants et aboutissants des promesses des partis politiques. Estimant que leur vote a peu de chance d'influer sur le résultat des élections, ils ne voient pas d'intérêt à analyser de vagues et pompeuses promesses électorales dont les conséquences sont, avouons-le, pratiquement inextricables.
Malgré tout, on ne cesse de les harceler pour qu'ils aillent voter. Comme s'il suffisait de développer un slogan accusateur ou un message télévisé culpabilisateur pour ramener les électeurs dissidents dans l'isoloir.
Évidemment, l'insistance de la classe politique à amener le plus grand nombre de citoyens aux urnes n'est pas désintéressée. D'abord parce que chaque parti politique reçoit du Directeur général des élections une allocation annuelle basée sur les votes recueillis lors des dernières élections (0,85$ par électeur en 2012). Ensuite, et surtout, parce que nos politiciens ont besoin du consentement du plus grand nombre pour se légitimer.
Même si l'absentéisme électoral n'empêche pas la prise du pouvoir, le silence d'une partie significative de l'électorat est un acte politique non négligeable. Le refus de l'électeur de cautionner les diverses propositions politiques qui lui sont offertes remet en question la légitimité des élus dans l'exercice de ce pouvoir. Par exemple, lorsque le citoyen refuse de voter à l'aveuglette, il devient plus difficile de justifier des politiques à caractère électoraliste ou partisan en affirmant qu'un fort pourcentage de l'électorat appuie la démarche.
Rassurez-vous, s'abstenir de voter n'est pas inutile. C'est aussi envoyer un message aux politiciens: celui qu'ils ont été incapables de répondre à vos aspirations. Au risque de déplaire aux hérauts de la participation électorale, lorsque les politiciens ne sont plus capables de donner aux électeurs une bonne raison d'aller voter, l'absentéisme a le mérite de servir de coup de semonce à une élite politique déconnectée de ceux qu'elle aspire à représenter. C'est aussi ça, la démocratie!


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