Québec — Non seulement Georges Lalande corroborera lundi une bonne partie des allégations de Marc Bellemare, mais il révélera en plus que Franco Fava et Charles Rondeau lui ont enjoint d'intercéder auprès du ministre pour le convaincre de faire certaines nominations à la magistrature.
Député libéral au début des années 1980, Georges Lalande a été sous-ministre associé lorsque Marc Bellemare détenait le portefeuille de la Justice. Il sera le premier témoin à se présenter à la barre de la commission Bastarache lundi matin. Selon des sources très bien informées, Georges Lalande rapportera que les deux collecteurs de fonds libéraux lui ont dit que le ministre se prenait pour un «pur» et ne comprenait pas qu'il devait nommer les amis de la famille libérale dans certains postes de juge. Franco Fava aurait évoqué le cas de Marc Bisson, fils de l'organisateur libéral dans l'Outaouais Guy Bisson, lors de rencontres avec Georges Lalande.
À partir de l'été 2003, Franco Fava aurait rencontré à quelques reprises Georges Lalande, qui était devenu sous-ministre associé le 28 mai. Ce dernier était le responsable de la réforme des tribunaux administratifs au ministère de la Justice, pendant que M. Fava siégeait au conseil d'administration de la CSST. Le collecteur de fonds s'inquiétait de l'effet de cette réforme — si chère à Marc Bellemare — sur la Commission des lésions professionnelles (CLP), tribunal d'appel de la CSST. Sachant que Georges Lalande était proche de Marc Bellemare, Franco Fava et Charles Rondeau auraient profité de rencontres, dont au moins une au restaurant Michelangelo, pour lui demander d'intercéder auprès de M. Bellemare. Charles Rondeau lui aurait parlé du cas de Michel Simard. Ce dernier a été nommé à l'automne 2003 juge en chef adjoint à la Chambre civile, ce qui fait de lui un membre d'office ou presque, des comités de sélection des nominations à la magistrature. Les deux auraient aussi parlé à M. Lalande du fait qu'ils harmonisaient leurs listes de noms avec la responsable des nominations au bureau du premier ministre, Chantal Landry.
Dès le premier jour de témoignage de Marc Bellemare, M. Lalande avait indiqué, sur les ondes du 98,5 FM, qu'il inclinait à penser comme son ancien patron. L'animateur Benoît Dutrizac l'avait questionné au sujet de l'influence de Franco Fava et sur le fait que ce dernier se servait de son siège au conseil de la CSST pour «rencontrer le plus souvent possible Marc Bellemare [afin de] pousser des nominations [...] des gens [...] qu'il voulait voir être nommés juges». M. Lalande avait alors répondu: «Oui, et ce n'était pas fictif, effectivement. [...] C'était réel, son influence qu'il avait à l'intérieur de ce milieu-là.»
La «famille»
Dans son témoignage à la commission Bastarache hier après-midi, l'ancien argentier du PLQ Marcel Leblanc a admis que des avocats qui voulaient devenir juges s'adressaient à des collecteurs de fonds du parti. Responsable du financement au PLQ pour l'Est-du-Québec entre 2003 et 2009 pour qui MM. Fava et Rondeau ont été des «mentors», M. Leblanc a dit avoir reçu 5 ou 6 curriculum vitae d'avocats entre 2003 et 2009. Il a expliqué les avoir transmis au ministère de la Justice ou à Chantal Landry au bureau du premier ministre, sans se préoccuper toutefois de faire quelque «suivi» que ce soit par la suite, a-t-il insisté. Selon ses dires, Mme Landry est le «point de chute» des demandes d'emploi: «Je ne pouvais pas prendre le CV et le mettre à la poubelle», a-t-il dit en parlant des gens qui demandaient son aide. «Si c'était, par exemple, pour un poste de juge, j'envoyais ça au cabinet du ministre de la Justice et à la coordonnatrice au bureau du premier ministre, Chantal Landry.»
Lorsque le procureur de la commission lui a demandé s'il avait entendu parler de Michel Simard, M. Leblanc a dit «j'ai entendu ce nom», sans être capable de préciser si c'était avant ou après sa nomination.
Plus tôt, la directrice du financement du Parti libéral du Québec, Violette Trépanier, avait expliqué le fonctionnement des activités-bénéfices du parti et évoqué le concept de «famille libérale». Notion sur laquelle Marcel Leblanc est revenu par la suite: «Quand on décide de claquer la porte [de la famille libérale], on vit avec les conséquences.»
Après son témoignage, M. Leblanc a nié avoir reçu de l'argent comptant au restaurant Michelangelo. M. Bellemare n'a jamais publiquement identifié M. Leblanc, mais des médias ont soutenu que c'était lui. Pendant son témoignage, il s'est dit surpris qu'on l'ait présenté comme «un gars croche qui comptait de l'argent» dans un restaurant.
Retour fracassant
En matinée, Marc Bellemare était revenu devant la commission, laquelle voulait l'interroger au sujet de son carton de notes, qui avait fait l'objet d'une expertise en analyse de l'encre la veille. Avant d'entrer à la commission, il l'a critiquée fortement, la qualifiant de «cirque pitoyable» et soutenant que le commissaire Bastarache avait été complaisant l'endroit d'avocats et de témoins ne cherchant pas la vérité, mais voulant plutôt détruire sa réputation.
Pendant l'interrogatoire du procureur de la commission, Giuseppe Battista, M. Bellemare s'est montré exaspéré, semblant se demander pourquoi il devait répondre à des questions extrêmement pointues sur les moments où il avait rempli son carton de notes et les stylos ou crayons qu'il avait utilisés: «Ça fait trois fois Me Battista que vous me posez la même question. Alors je vais vous répondre: je ne peux pas vous dire ou vous confirmer que ç'a été écrit en même temps. Ç'a peut-être été écrit distinctement et avec des stylos différents.» L'avocat de M. Bellemare, Rénald Beaudry, a soutenu que la commission faisait preuve d'«acharnement».
Un autre avocat, Jean-François Bertrand, accompagnait Marc Bellemare hier matin. M. Bertrand représente M. Bellemare dans le cadre de la poursuite en diffamation intentée par Jean Charest contre son ancien ministre. Me Bertrand assistera désormais M. Bellemare à la commission Bastarache et interrogera M. Charest la semaine prochaine. M. Bertrand a réclamé de nouveau à la commission les agendas du premier ministre du bureau de Québec et de Montréal, les registres d'entrées aux deux bureaux ainsi que les registres d'appels téléphoniques. Le commissaire Bastarache et le procureur Battista ont laissé entendre que c'est le cabinet du premier ministre qui retardait la production de ces éléments de preuve.
Commission Bastarache
Fava aurait aussi fait pression sur Lalande
L'ancien sous-ministre fera plus que corroborer la version de Bellemare
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