Sondages 2008

Extinction de l’ADQ : la fin d’un cycle? (4)

Élection Québec - 8 décembre 2008

À la veille du débat des chefs, les prédictions de L’Action nationale
fondées sur le sondage Léger Marketing-TVA-The Gazette-Journal de Montréal
diffusé le 24 novembre sur les ondes de TVA annoncent le poursuite de
l’hécatombe pour l’ADQ. En effet, des trois députés résistant encore à la
débâcle anticipée par les prévisions antérieures de L’Action nationale
sur la foi du sondage
Léger Marketing du 19 novembre, seul Mario Dumont survivrait. Comme tant de
leurs collègues, les députés adéquistes sortants de Beauce-Nord et
Chute-à-la-Chaudière mordraient la poussière au profit des Libéraux, ces
derniers mettant aussi la main sur Lévis, que le sondage précédent
accordait au PQ. Le PLQ emporterait donc 76 sièges contre 48 pour le PQ. Si
c’est le sondage CROP-La Presse de ce 25 novembre qui est plus fidèle à
l’état des choses, alors le PLQ déroberait en plus les circonscriptions de
Groulx, Matane, Dubuc et Roberval. Le partage des sièges serait alors de 80
libéraux et 44 péquistes. Et encore, nul ne peut prédire quel effet aura la
candidature de Victor Lévy-Beaulieu dans Rivière-du-Loup. Le défaite de
Mario Dumont dans son fief du Bas Saint-Laurent, quoique peu probable, ne
peut donc être totalement exclue.
À moins de mettre les variations depuis le sondage précédent sur le compte
des marges d’erreur, Léger Marketing observe chez les francophones une
légère polarisation des intentions de vote au profit des deux meneurs. En
effet, le PLQ et le PQ ont grimpé chacun d’un point alors que l’ADQ et
Québec solidaire en perdaient chacun un. Voilà qui est paradoxal puisqu’à
la question de savoir qui ferait le meilleur Premier ministre, Jean Charest
a perdu deux points et Pauline Marois en a perdu un, tandis que Mario
Dumont en perdait quatre. Ainsi, les chefs se sont tellement efficacement
dénigrés mutuellement depuis une semaine qu’un nombre croissant d’électeurs
pense qu’aucun d’entre eux ne serait un Premier ministre compétent ou ne
savent plus qu’en penser. À divers degrés, les trois chefs ont donc une
côte à remonter ce soir. CROP nous montre cependant que seulement 12% des
Québécois pensent que Charest a amélioré la situation dans notre système de
santé, malgré ses promesses de 2003 et 2007. Aussi, 30% des électeurs
francophones considèrent Pauline Marois mieux placée que Jean Charest (28%)
pour rétablir l'accès aux soins. Il y a donc là pour le PQ un mince filon
que Marois devra exploiter ce soir.
CROP accorde un point de plus que Léger Marketing à Québec solidaire et au
Parti vert (5% chacun). Pis encore, CROP donne 6% à QS chez les
francophones. Voilà une situation qui ne pourrait nuire à aucun autre parti
qu’au PQ et lui être fatale dans Mercier et Gouin. Pourtant, si l’ADQ verse
fréquemment dans le populisme de droite, QS n’offre rien d’autre que du
populisme de gauche. Rien de plus facile puisque personne ne leur donne la
réplique. QS peut donc promettre la lune sans se gêner. Régler, par
exemple, le problème de l’endettement étudiant en remplaçant les prêts
étudiants par des bourses tient franchement de la pensée magique. Idem pour
l’abolition des frais de scolarité universitaires, au mépris du
sous-financement de nos universités. Si Charest est sur la sellette avec
son plan financier, celui de Québec solidaire tient du burlesque.
L’échantillon de Léger Marketing est trois fois plus gros que celui de
CROP, ce qui donne à Léger Marketing une marge d’erreur presque à moitié
plus petite que celle de CROP. N’empêche, un faible taux de participation
et une sortie de vote déficiente du PQ nous rapprocherait davantage du
scénario de CROP.
Ainsi, c’est en faisant face à la menace de disparition pure et simple de
son parti que Mario Dumont se présentera au débat des chefs. Et c’est à un
cuisant échec de la récupération des déserteurs adéquistes que Pauline
Marois s’expose si elle ne s’illustre pas ce soir. La tactique ayant
démontré son efficacité, il est à prévoir que chacun aura préparé un ou
deux « lapins » à sortir de son chapeau. En 2007, la fameuse lettre brandie
par Mario Dumont sur les avis inquiétants du Ministère des transports au
sujet du viaduc lavalois écroulé quelques mois plus tôt avait tellement
fait parler d’elle dans les jours suivants que les Québécois –
particulièrement ceux qui n’avaient pas écouté le débat – avaient fini par
être majoritairement convaincus que c’était le chef de l’ADQ qui en était
le grand gagnant. De la même façon, le soir même du débat de 2003, une
majorité des analystes donnait Bernard Landry pour gagnant de l’échange.
Mais l’attaque de Jean Charest au sujet d’une déclaration de Jacques
Parizeau faite le même jour et voulant que ce dernier ait réitéré sa
célèbre envolée sur « l’argent et des votes ethniques » avait tellement
fait jaser ensuite que les sondages avait fini par déclarer Charest
vainqueur. Il y avait pourtant eu détournement du sens véritable de ce que
M. Parizeau avait répondu à la question d’un étudiant de cégep. Mais la
politique est ainsi faite. À sa première expérience dans un tel
affrontement, Pauline Marois saura-t-elle tirer son épingle du jeu face à
ses deux adversaires dont c’est la quatrième participation au débat des
chefs? La commande est grosse.
Puisque les chefs libéral et adéquiste s’en prendront immanquablement à la
péquiste au sujet de la souveraineté, il m’apparaîtrait nettement
préférable que Marois aborde ce thème dès son discours d’introduction de la
soirée. Si elle ne le faisait pas suffisamment rapidement, elle courrait le
risque que ce soient ses adversaires qui en parlent en premier, ce qui lui
donnerait l’air de chercher à cacher l’article 1 de son parti. De deux
choses l’une, ou bien Marois répliquera alors aux attaques de ses
adversaires en critiquant la sclérose du fédéralisme, ou bien elle se
contentera de dire qu’il n’y aurait pas de référendum dans un premier
mandat péquiste.
Cette seconde option serait vraiment symptomatique de l’appauvrissement du
débat national. Après tout, on n’a qu’à se rappeler les cinq conditions «
minimales » de Robert Bourassa formulées en 1987 pour illustrer la
disparition de toutes les attentes des Québécois à l’égard du Canada. La
reconnaissance constitutionnelle du Québec comme société distincte (ou
nation, au sens juridique du terme) n’aura jamais lieu. L'obtention d'un
droit de veto est totalement illusoire. Le droit de regard sur la
nomination des juges québécois à la Cour suprême n’est même plus pensable.
La maîtrise complète du Québec en matière d'immigration est à oublier tout
de suite. Et enfin, avec un gouvernement libéral à ce point majoritaire le
8 décembre, l’encadrement autre que cosmétique du pouvoir de dépenser
d'Ottawa en territoire québécois n’est pas pour demain. Bientôt 20 ans
après le naufrage de Meech, les ambitions collectives des Québécois sont
étonnamment rachitiques. Le cycle des grands échecs constitutionnels qui
avaient donné naissance à l’ADQ et au Bloc Québécois semble tirer à sa
fin.
« Je ne suis jamais méchante », répondait madame Marois à un journaliste
qui lui demandait hier si elle allait sortir ses griffes durant le débat.
Compte tenu de ce qu’annoncent les sondages, elle devrait peut-être s’y
résoudre, et vite. Car, sans un K.O. infligé au meneur libéral, les
intentions de vote ne broncheront pas.
Christian Gagnon

Montréal
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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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