S’il faut en croire les prédictions de L’Action nationale basées sur le
sondage Léger Marketing du 19 novembre
et compte tenu de la marge d’erreur, la situation n’a pas changé
significativement depuis le sondage CROP-La Presse du 15 novembre. Seules
les circonscriptions de Lévis et Groulx sont passées du camp libéral à
celui du PQ, comptant maintenant 49 sièges. Le politilogue Jimmy Grenier et
l’avocat René Gauvreau seraient donc actuellement parmi les candidats
péquistes qui ont le plus de raisons de faire campagne. Il y aurait enfin
73 députés libéraux élus et 3 adéquistes.
Plusieurs commentateurs ont été stupéfaits de constater dans ce sondage
que 52% des électeurs faisaient plus confiance à Jean Charest pour gérer
les relations avec Ottawa dans le meilleur intérêt du Québec. Il est
dommage que le rapport détaillé de Léger Marketing ne donne pas les
résultats de cette question pour les seuls francophones, chez qui ont
aurait pu vraiment apprécier la performance des chefs en cette matière. En
effet, même dans le contexte actuel où la menace « séparatiste » est pour
le moins modérée, on peut encore considérer que pour un forte majorité de
la communauté anglophone, toutes les élections générales au Québec
demeurent des référendums sur la souveraineté. Il y a fort à parier, par
exemple, que les 3% d’électeurs libéraux pour qui le Premier ministre
Charest ne mérite pas d’ëtre réélu, même minoritaire, mais qui votent pour
lui quand même sont d’expression anglaise. Mais même si on gonflait jusqu’à
20% la proportion de non-francophones et qu’on exagérait encore en les
considérant tous comme des Libéraux inconditionnels, il y aurait encore 40%
d’électeurs francophones faisant plus confiance à Jean Charest pour gérer
les relations avec Ottawa dans le meilleur intérêt du Québec, contre 33%
pour Pauline Marois et 15% pour Mario Dumont.
On ne peut expliquer un tel revirement par le seul fait que Charest se
soit montré nationaliste et critique du gouvernement Harper durant la
récente campagne fédérale. Le PQ n’a pas suffisamment fait le procès du
fédéralisme canadien au cours des dernières années. Il en paie le prix
aujourd’hui. Ainsi, selon ce sondage, après avoir envoyé 49 députés
souverainistes sur 75 à Ottawa, les Québécois sont sur le point d’élire 73
députés fédéralistes sur 125 à Québec. À l’époque où ils votaient pour le
fédéraliste Trudeau à Ottawa et le souverainiste Lévesque à Québec, les
Québécois étaient contradictoires mais cohérents. Si le 8 décembre, ils
envoient pour la troisième fois le souverainiste Duceppe à Ottawa et
fédéraliste Charest à Québec, les Québécois se montreront pour le moins
déroutants.
Que peut donc faire le PQ pour améliorer son sort? Parmi les 39%
d’électeurs qui déclarent pouvoir encore changer d’idée d’ici au 8
décembre, on compte pas moins de 50% des sympatisants adéquistes.
L’électorat de Mario Dumont étant le plus instable, Pauline Marois a tout
intérêt à le draguer. Mais que veulent entendre ces gens que le PQ peut
leur offrir sans se renier lui-même? Certainement pas renchérir à la chasse
adéquiste aux assistés sociaux. Et comment attirer au PQ les 22%
d’adéquistes qui voteraient OUI à un référendum sur la souveraineté sans
perdre les 23% d’électeurs péquistes qui voteraient NON? En parlant de
renforcement de la loi 101 (ce pour quoi le PQ est de loin le plus
crédible, avec 54%), et de rapatriement de tous les pouvoirs actuellement à
Ottawa en matière de culture, comme Pauline Marois l’a fait cette semaine.
Mais selon ce sondage, les électeurs adéquistes sont nettement les plus
nombreux à n’être pas intéressés par cette campagne (54%) et à se dire
moins enclins à aller voter qu’en 2007 (52%). Et courtiser 22% de
souverainistes parmi les 15% d’adéquistes, c’est chercher à conquérir une
partie d’un maigre 3% de l’ensemble des électeurs.
Il vaudrait peut-être mieux se tourner vers les 21% de Libéraux (9% de
l’ensemble des électeurs) qui estiment que Charest ne mérite pas plus que
de former un autre gouvernement minoritaire. Si ces gens réalisent que le
PLQ se dirige clairement vers une confortable majorité, plusieurs d’entre
eux pourraient retourner leur veste. La chef péquiste pourrait profiter du
débat pour tenter de remonter sa cote auprès d’eux en matière de santé et
d’économie, là où Charest domine largement. C’est d’autant plus le cas que
ce sondage a été réalisé du 14 au 17 novembre, donc avant le mauvais quart
d’heure de Marois au sujet des retraites anticipées de médecins et
infirmières ainsi que du contingentement des nouvelles infirmières.
Cependant, lorsque Jean Charest affirme que même si elle répondait à une
demande de l'Ordre des infirmières, Pauline Marois avait la responsabilité
de s'assurer que suffisamment de nouvelles infirmières seraient formées, il
démontre implicitement qu'elle n'avait rien à voir avec la mise à la
retraite anticipée de médecins et infirmières à cette même époque.
Effectivement, madame Marois était alors ministre de l'Éducation et non
ministre de la Santé ou Première ministre. Ce programme de retraite n'a
donc jamais été son dossier. C’est l’un ou c’est l’autre, mais pas les
deux. Jean Charest le sait pertinemment mais il est incapable de résister à
la tentation de marquer des points en faisant de la petite politique. En
d'autres termes et comme le disait avec raison madame Marois, il ment. Et
par son incohérence, il l'admet. Marois devra tirer ça au clair au débat
des chefs. Après, il sera trop tard.
Quant à la basse servilité de La Presse, elle atteint des sommets avec
l’histoire de la prétendue fatigue de Pauline Marois. Alors
qu’habituellement, les médias se seraient retenus pour aborder pareil
sujet, peut-on imaginer Le Devoir titrant en première page « EXCLUSIF :
Charest est exténué » à grands coups de sources anonymes? Poser la
question, c’est y répondre. Dans cette affaire, le travail de Denis Lessard
tient moins du journalisme que du militantisme. N’empêche, les effets cette
semaine difficile seront douloureux pour la chef péquiste dans le
prochain sondage CROP-La Presse, probablement samedi.
Quant à Mario Dumont, grand racoleur devant l’éternel, il mettra
brillamment la table pour le débat des chefs lors de l’émission « Dieu
merci! » de dimanche. Deux jours avant le débat de sa dernière chance,
voilà un sketch qui tombe à point pour donner au leader adéquiste des airs
de Premier-ministrable. Grand penseur de la Nation, il placera les
Québécois devant un choix déchirant : les faux cheveux de sa perruque
blonde ou les vrais cheveux teints en blond de Pauline Marois.
Manifestement, de la radio-poubelle à la télévision d’humour, Dumont
vendrait son âme pour un vote.
En terminant, ces jours-ci, Amir Khadir s’agite pour exiger l’inclusion de
Parti Vert et de Québec solidaire au débat des chefs. Il se base sur le
fait que ces deux formations politiques ont recueilli ensemble près de 300
000 suffrages en 2007. Dans les faits, si les chefs de ces partis étaient
conviés au débat, ce serait à titre individuel et non en duo. Or, le Parti
Vert et Québec solidaire ont respectivement obtenus 153 000 et 144 000
votes, ce qui correspond à 3,85% et 3,64%. À titre de comparaison, aux
élections fédérales de 1980, le Parti Rhinocéros a eu l’appui de plus de 88
000 électeurs en ne présentant des candidats que dans 59 des 75
circonscriptions du Québec. Compte tenu que l’actuelle population de 7,8
millions de Québécois n’était que de 6,4 millions à l’époque, on constate
par quelques élémentaires règles de trois que le succès moyen d’un candidat
du Parti Vert ou de Québec solidaire demeure comparable à celui d’un
candidat ouvertement loufoque du Parti Rhinocéros de 1980. De toute
évidence, cela indique bien que la population ne considère aucun de ces
partis comme une alternative sérieuse de gouvernement. Il faut donc en
conclure que le Parti Vert et Québec solidaire ont encore des devoirs à
faire avant d’être jugés dignes de participer au débat des chefs.
Christian Gagnon
Montréal
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Sondages 2008
Le PLQ majoritaire : De Trudeau-Lévesque à Charest-Duceppe (3)
Élection Québec - 8 décembre 2008
Christian Gagnon138 articles
CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005
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