Peut-on encore débattre sereinement de ce qui cloche dans l’intégration des nouveaux arrivants lorsque le premier ministre lui-même soupçonne tout questionnement de «souffler sur les braises de l’intolérance»? Voyons voir...
Le Devoir nous apprenait hier que «près de la moitié des immigrants choisis par le Québec pour répondre aux besoins du marché du travail partent pour d’autres cieux». Du moins, s’ils parlent l’anglais à leur arrivée, mais pas le français.
Traduction: en 2015, 46 % des immigrants choisis par Québec de 2003 à 2014 pour leurs «qualifications professionnelles» et connaissant l’anglais, mais pas le français, avaient quitté le Québec. En majeure partie, pour le Canada anglais.
Par contre, chez ceux qui «connaissaient le français, mais pas l’anglais à leur arrivée», 84 % sont restés au Québec. L’écart est notoire. Propagande? Non. Ce sont les résultats d’une analyse produite en juin 2015 par le ministère lui-même de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion.
Pas étonnante
Ahurissante, la donnée n’est cependant pas étonnante. S’il est vrai que plusieurs facteurs contribuent à une telle saignée, elle témoigne néanmoins d’un immense échec sur le plan des politiques publiques.
De Lucien Bouchard à Philippe Couillard, cet échec est celui d’un laisser-faire irresponsable sur le front pourtant névralgique de la francisation. Et tout particulièrement, dans les entreprises de moins de 50 employés. Lesquelles ne sont toujours pas soumises à la loi 101.
Si le français était devenu aussi essentiel pour travailler à Montréal que l’anglais à Toronto, notre taux de rétention d’immigrants dits «économiques» serait sûrement supérieur. Y compris chez ceux qui, à leur arrivée, parlent l’anglais, mais pas le français.
Si le français était devenu, tel que le stipule la loi 101 originelle, la «langue normale et habituelle» du travail, leur francisation y serait d’autant accélérée. Et ce faisant, leur intégration économique et sociale – deux éléments cruciaux au développement d’un véritable sentiment d’appartenance.
Moins essentiel
Or, à Montréal, de moins en moins essentiel, le français est encore et toujours supplanté par le «bilingue anglais-français» parmi les premiers critères d’embauche. Incluant au salaire minimum. Dans les grandes villes du Canada anglais, le «bilingue anglais-français» est au contraire un critère d’embauche pour ainsi dire inexistant.
Même les immigrants «économiques» connaissant le français à leur arrivée doivent apprendre l’anglais illico après qu’on leur a fait miroiter une vie nouvelle dans une société moderne de langue française.
En faire le constat n’est pas pour autant un réquisitoire contre l’apprentissage individuel de l’anglais. La chose, en Amérique du Nord, serait aussi impensable que non souhaitable.
Il illustre tout simplement la nécessité d’augmenter les ressources en francisation pour tous les nouveaux arrivants. Pour les immigrants dits «économiques», il parle aussi de l’urgence de mieux franciser les lieux de travail dans la grande région montréalaise.
Bref, c’est au gouvernement d’agir et d’investir pour que le Québec soit vu enfin comme une véritable terre d’accueil. Et non pas, du moins encore trop souvent, comme un vulgaire lieu de passage.
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