On le voit sur Vigile et ailleurs depuis quelques jours, plusieurs
souverainistes sont en colère, devant la campagne fédérale actuelle et son
aboutissement annoncé.
Il est vrai que si les Québécois tendent à délaisser le Bloc pour un parti
pan-canadien, cela pourrait être perçu ou décrit comme un geste
d'acceptation, au moins pour un temps, du statut de repli provincial auquel
les confine l'ordre canadian.
Mais il y a lieu, tout de même, de relativiser un peu. S'il y a remise en
question, lundi, ce ne sera pas tant de l'indépendance ni même du
nationalisme québécois, que de l'idée du Bloc, comme opposition fédérale
défenderesse des intérêts du Québec à Ottawa. Et ce, du moins pour le
moment, puisque rien ne dit qu'après avoir été déçus une ennième fois par
les partis canadian, les Québécois ne pourraient pas de nouveau, un jour,
se tourner vers les souverainistes pour les représenter au Canada.
Quoi qu'il en soit, le Bloc n'a jamais vraiment mené une campagne
indépendantiste. Il s'est plutôt employé à relayer, tantôt l'opposition,
tantôt la colère, tantôt l'indifférence des Québécois. Il l'a fait, bien
sûr, sous la marque de commerce " souverainiste ", mais sans plus
d'initiative indépendantiste. C'est d'ailleurs cette même mise-en-marché
que le Parti Québécois, d'une certaine façon, a éventuellement importée au
Québec, tant et si bien que, depuis un bon moment déjà, le souverainisme est
une sorte de langage codé pour consommation interne, trop ampoulé et
parabolique pour rejoindre l'électorat en dehors des cercles très militants
et partisans du PQ et du Bloc.
L'indépendance du Québec, reportée à l'infini par les souverainistes
eux-mêmes, n'est donc plus à l'ordre du jour, depuis bien avant la présente
campagne. Évidemment, cela ne peut pas aider le Bloc qui, devant la fuite
d'appuis qu'il avait conquis à titre de simple caution fédérale, tente
désormais de retenir un vote souverainiste peu mobilisé.
***
Pour la suite des choses, maintenant, l'épisode actuel soulève
l'interrogation suivante : Serions-nous devant le prélude à d'éventuelles
difficultés du même genre pour le PQ ? Voilà une question que les péquistes
se dépêcheront probablement de ne pas se poser, si on se fie à leur
attitude des dernières années. Encore grisés par les grands sparages de
leur récent congrès, ils préféreront se dire que la glissade du Bloc, si
elle se concrétise et qu'elle soit légère ou plus appréciable, aura été
provoquée par les médias, les sondages, une mauvaise campagne, une mode ou
l'inconséquence de l'électorat. Mieux encore, les uns diront que le Bloc
était trop à gauche, et d'autres, trop à droite.
Imaginons tout de même une prochaine élection québécoise où le PQ, aussi
uni soit-il, continuerait de vendre à temps partiel son souverainisme
dilatoire et incohérent, face à une quelconque figure soudainement montante
qui canaliserait une forte envie de changement. À la lumière de ce qui se
passe en ce moment au fédéral, comment ne pas penser que cela pourrait
constituer un épineux problème pour les péquistes ?
À ce jour, en tout cas, le souverainisme-démissionnaire officiel ne
bronche pas. Il faut continuer de se tirer furieusement dans le pied. Être
souverainiste en 2011 doit absolument vouloir dire : faire semblant de
rien, désirer l'indépendance mais dire ne pas vouloir la faire tout en
essayant quand même de la faire sans le dire. Ou quelque chose comme ça.
Il est possible que la conjoncture actuelle soit exceptionnelle. Va,
aussi, pour le légendaire biais du journal La Presse, véritable et
redoutable adversaire politique des indépendantistes. La Presse fait de la
politique, c'est entendu. Quant à Radio-Canada, c'est plus complexe, mais
on ne peut ignorer les déclarations de son ancien président sur son rôle en
regard de l'Unité Canadian, ni la propension de cette maison à distiller du
Canada à tours de bras.
Mais, tout cela ne devrait pas nous dispenser, nous, indépendantistes, de
faire notre propre examen de conscience, en portant notamment un regard
lucide et objectif sur ceux qui prétendent nous représenter.
Sans blague, qui pensons-nous convaincre avec nos discours, disons-le,
contradictoires et vaseux ?
***
Explorons maintenant une autre hypothèse.
Il est possible qu'après avoir appuyé, en bonne part, un parti canadian à
Ottawa, les Québécois soient naturellement portés vers le caractère
revendicateur du PQ à Québec. On peut aussi imaginer ces revendications
trouvant une certaine sympathie de la part d'un Mulcair, par exemple, dont
on remarque depuis son passage au NPD les efforts d'ouverture envers un
certain nationalisme québécois.
Ce scénario serait d'une logique implacable : retour à la soumission
fédérale, et donc, des réflexes auxquels cela nous condamne : nationalisme
défensif -- d'autres diraient : affirmation nationale --, quémandage, et
observation fréquente de notre nombril. Voilà justement ce à quoi nous
convie le PQ avec son programme, d'abord autonomiste.
Évidemment, autant dans cette éventualité que dans celle où le PQ serait
battu par un phénomène plus ou moins inattendu, l'indépendance n'est pas au
menu dans un avenir prévisible. Encore ici, la logique triomphe :
l'indépendance ne reviendra probablement pas dans l'actualité politique
sans que quelqu'un, quelque part, agisse en ce sens.
Nic Payne
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
3 mai 2011Le NPD (maintenant riche du revenu d'une centaine de députés) et Québec Solidaire formeront l'équipe dont le Bloc et le PQ n'ont jamais su faire.
Le SPQLibre doit rejoindre QS.
Le Réseau Liberté Québec est complètement démoralisé par l'effondrement de la droite au Québec.
L'ADQ et Legault feront mieux d'être très créatifs.
Luc Bertrand Répondre
2 mai 2011Votre réflexion, monsieur Payne, est tout à fait pertinente, peu importe les résultats de ce soir. C'est possible que les scénarios apocalyptiques que les médias cherchent à propager ne se concrétisent pas, mais il faut rester lucides. Ce n'est pas d'hier que les appuis au Bloc sont plus hésitants, mais il n'y a pas à chercher de midi à quatorze heures pour comprendre que cette situation s'explique par la démission du Parti québécois dans le combat pour faire l'indépendance. Malheureusement pour nous, Jean Charest a profité du manque de communication entre Bernard Landry et Jacques Parizeau pour causer un revirement de l'opinion publique et être élu à Québec le 14 avril 2003. Lorsque, à peine quelques mois plus tard, des journalistes ont permis au Bloc de mettre au jour le scandale des commandites, le Parti québécois n'était plus au pouvoir pour capitaliser sur la situation et relancer la marche vers l'indépendance. On sait ensuite ce qui est arrivé, l'impatience des militants et les querelles d'égos entre Landry, Pauline Marois et François Legault ont fait le reste, Landry a démissionné et on connaît la suite.
Que le Bloc parvienne à conserver ses 47 sièges ou n'en sauve qu'une vingtaine, le problème avec le Parti québécois et Pauline Marois reste entier. Quand bien même Gesca aurait inventé de toutes pièces la fuite voulant que même les stratèges du PQ admettaient l'impopularité de leur cheffe, le mal est fait. Les sondages indiquent invariablement un plafonnement des appuis au PQ et une opinion sur Pauline Marois à peine supérieur à celle sur Jean Charest, pourtant le pire premier ministre que le Québec ait connu depuis les débuts de la Révolution tranquille. Sans même avoir dit un traître mot, Legault était propulsé au premier rang dans les intentions de vote.
La réalité, c'est que le PQ, présenté complaisamment par les médias comme le seul parti capable de faire l'indépendance, est hypothéqué à la fois par sa cheffe et le souvenir de sa "job de bras" accomplie sous Lucien Bouchard en réponse aux coupures des transferts de Jean Chrétien. Aucun chef du parti depuis la défaite de 2003 n'a admis l'erreur d'avoir accompli ces gestes sans consultation de la base et l'acharnement du parti à conserver le pouvoir à tout prix, même avec les moyens insuffisants d'une province, a considérablement discrédité l'idée d'indépendance aux yeux de la population. Le parti a manqué une chance unique de renouvellement de son leadership en élisant André Boisclair et en laissant Pauline Marois reprendre la direction sans coup férir. Deux chefs fortement impliqués dans les décisions impopulaires du dernier gouvernement péquiste et largement vulnérables à la critique des médias et des fédéralistes, pour leur personnalité ou prises de décision. Même après trois mandats de destruction des acquis de la Révolution tranquille, Charest continue à talonner les appuis de Marois et n'importe quelle "promesse de changement", aussi grossière et futile soit-elle, obtient instantanément la cote.
Donc, si le ras-le-bol des électeurs est tel qu'on préfère (comme en 2007) élire des "poteaux" inconnus et inexpérimentés juste à cause d'une campagne d'image réussie pour leur chef de parti (Jack Layton) plutôt que le seul parti non fédéraliste à Ottawa, il ne sert à rien de se mettre la tête dans le sable.
Il n'y a pas de temps à perdre. Il ne reste qu'un an et demi à deux ans pour se ressaisir. L'anglicisation croissante de Montréal et de ses banlieues du 450, la mainmise toujours plus grande des fédéralistes et du privé (proches du PLQ) sur l'État québécois et l'irrationalité croissante du vote francophone font que la prochaine élection, plus que jamais, soit notre dernière chance pour faire l'indépendance.
Première étape: bilan de cette élection fédérale et analyse lucide et non complaisante de la situation indépendantiste d'ici la prochaine échéance électorale. C'est là qu'on se devra de faire tomber les masques: si le PQ et QS ne s'engagent pas immédiatement se fusionner et à réaliser l'indépendance une fois porté au pouvoir, les indépendantistes seront conviés à militer au sein d'un nouveau parti politique avec cet objectif;
Deuxième étape: États généraux de l'indépendance du Québec. Tout le mouvement indépendantiste (partis, sociétés, mouvements, réseaux, etc.) doit se réunir et s'entendre sur une action commune ainsi qu'une constitution provisoire du Québec indépendant. Un registre national des militants et sympathisants indépendantistes de toutes tendances devrait être bâti, des moyens de communication établis (jusqu'à un journal indépendantiste à grand tirage), des responsabilités d'organisation politique réparties, etc;
Troisième étape: constituer un unique parti politique engagé formellement à réaliser l'indépendance une fois élu de façon majoritaire. Il en existe présentement un déjà reconnu par le DGEQ et fondé par trois auteurs de Vigile.net: le Parti indépendantiste. Ce parti, à cause de l'omertà des médias vis-à-vis tout ce qui s'active, à part le PQ et le BQ, en direction de l'indépendance et de l'indifférence des gens, ne parvient pas à atteindre la masse critique minimale pour aspirer à former ce gouvernement national majoritaire si une élection avait lieu aujourd'hui. Un congrès national serait tenu pour revoir le programme et les statuts du parti, choisir un nouveau nom ou conserver l'appellation et le logo actuels, élire un chef et un nouvel exécutif national. Des assemblées générales seraient ensuite tenues dans tous les comtés pour élire des exécutifs locaux, monter une structure organisationnelle et électorale et organiser des activités de financement.
Étant donné la divergence des positions individuelles des indépendantistes, le programme du parti devrait indiquer que l'objectif du PI est de constituer un cadre politique et juridique national québécois, en remplacement du cadre constitutionnel canadien, et qu'il appartiendrait aux électeurs québécois rencontrant les critères de citoyenneté établis de choisir ses orientations politiques, sociales et économiques lors d'une première élection nationale québécoise. Celle-ci serait tenue le plus tôt possible après le transfert réel des pouvoirs fédéraux à l'Assemblée nationale. Entre ces deux élections, il y aurait repositionnement des partis politiques existants en fonction de la nouvelle réalité politique et constitutionnelle.
Yves Rancourt Répondre
1 mai 2011Bonjour monsieur Payne,
Il me semble qu'un minimum de décence et de bon jugement commande que l'on attende l'issue du scrutin avant de se lancer dans de "savantes" analyses, à moins de vouloir faire le jeu de certains médias qui annoncent déjà la débâcle avant le fait, sans doute pour influencer l'électeur indécis à voter comme ils le souhaitent.
Je suggère également de bien réfléchir avant de tirer toutes sortes de conclusions faciles qui vont sans doute aller dans le sens de ce que l'on croit déjà mais qui reposent souvent sur des bases d'une fragilité à faire pleurer. Je suggèrerais enfin à ceux et celles qui ont la critique facile de joindre à celle-ci des pistes de solutions de sorte que les lecteurs puissent les apprécier au mérite et n'aient pas la désagréable impression d'être laissés devant une situation sans issue. Je ne crois pas que les Québécois qui, en ces temps difficiles, nourrissent toujours de grands rêves, aient besoin de témognages qui ne se limitent qu'à tuer ce qui leur reste d'espoir.
Mes salutations à vous.
Archives de Vigile Répondre
1 mai 2011On a oublié (ou jamais su) qui fut l'auteur infatigable de la Charte de la langue française au Québec, de la Politique québécoise de développement culturel, de la Réforme de l'école, etc... souvent malgré les bois dans les roues par l'homme de New Carlisle...
C'était le docteur Camille Laurin!
Il se peut qu'on n'ait retenu de lui que ses interminables discours soporifiques. Pourtant, sa profonde conviction indépendantiste, son indifférence (feinte) devant les injures, l'ont poussé à la construction de ce qui devait être le Québec, avant cet infâme premier référendum!
Pour s'en rappeler, relire cette biographie par J.-C. Picard: Camille Laurin. L'homme debout. Boréal, 2003
Son oeuvre est inachevée du point de vue de la langue. La loi 101 au CEGEP, ça prendra un porte parole de sa trempe.
Pierre Schneider Répondre
1 mai 2011Il est de bon ton en cette époque de confusion de proclamer dans les médias que l'idée de l'indépendance de notre pays est dépassée, Et quand on écoute nos élus dits souverainistes, on voit bien que le coeur n'y est pas. Vous avez raison de soutenir qu'on parle de souveraineté que du bout des lèvres, comme si c'était accessoire.
Or, les dits souverainistes attendent désespérément des conditions gagnantes. Ils se montrent toujours en réaction aux actions et discours des fédéralistes qui, pendant ce temps, amènent le débat ailleurs, sous prétexte que l'économie ou l'environnement sont plus importants pour les jeunes que la naissance du pays.
Je me sens trahi par les satisfaits provincialistes du Pq et du Bloc qui, au lieu de PROVOQUER l'accouchement, attendent bien penauds que le miracle se produise.
Le mouvement indépendantiste manque hélas d'une volonté inflexible capable d'insuffler la ferveur essentielle à notre projet.
Il manque terriblement d'un grand leader charismatique qui n'a pas peur de crier haut et fort ses convictions indépendantistes et sache reprendre la pédagogie de la république.
Ne jamais oublier que les électeurs votent avec leur coeur, plutôt qu'avec leur tête.
Mais les intellectuels patentés semblent ignorer ces choses essentielles.