En dépit de certaines critiques outrées, le gouvernement libéral n'a jamais été si prêt de ses promesses en matière culturelle dans son budget de la semaine dernière. De l'argent pour les artistes, la formation, Télé-Québec, l'industrie musicale, les bibliothèques, les musées, et surtout, enfin! le patrimoine. Il y avait urgence d'agir dans ce dernier cas, et ce passage à l'action doit être salué comme il se doit.
Le Mouvement pour les arts et des lettres et l'Union des artistes ont accueilli avec colère le budget de jeudi dernier : rien pour les artistes, tout pour le béton. Le gouvernement libéral n'avait-il pas promis le contraire en arrivant au pouvoir ?
En fait, le vrai leitmotiv des libéraux, c'était «moins de "dollar-gestion" pour plus de "dollar-création"». Dans le détail, il était notamment question de mesures fiscales en faveur des artistes, comme l'étalement des revenus -- que l'on trouve dans ce dernier budget -- et d'appui à la formation -- également présent dans les annonces de la semaine dernière. D'autres engagements, sur le filet de sécurité sociale par exemple, ont aussi été tenus depuis le début du mandat. Il est donc plutôt grossier d'entendre certains porte-parole du milieu culturel déchirer leur chemise en clamant que «la ministre nous abandonne», qu'elle «n'a pas la culture à coeur» et qu'«on ne lui fait plus confiance» !
Au contraire, ce sont les autres promesses culturelles des libéraux qui avaient été jusqu'ici négligées, au premier chef celles touchant le patrimoine -- dont il faut pourtant s'occuper de façon urgente. Il y a si peu de sensibilité pour ces questions au Québec qu'il est indispensable que l'État envoie, sans discontinuer, le signal qu'il en fait une priorité. Le gouvernement Charest, qui avait promis une politique du patrimoine, semble se réveiller. Enfin ! Bravo ! Laissons pleurer les Cassandre et appuyons !
Évidemment, cet appui reste prudent ! La ministre Line Beauchamp n'a toujours pas déposé de politique du patrimoine; on ne sait pas encore comment fonctionnera le Fonds culturel du patrimoine québécois qui a été annoncé dans le budget de jeudi; les dix millions de dollars par année qui seront consacrés à ce fonds restent une petite somme par rapport aux besoins, même si ce montant doit être quadruplé par d'éventuels partenaires; on ne sait pas encore comment seront ventilés les 58 millions annoncés pour le patrimoine religieux et les bibliothèques municipales, de toute façon applicables seulement dans l'avenir même si l'annonce a été faite cette année.
Néanmoins, c'est un tournant. Nous avons trop accusé le gouvernement libéral d'indifférence relativement aux questions patrimoniales pour ne pas constater qu'enfin les planètes s'alignent.
De récents dossiers, comme celui du sort du Carmel à Montréal, ont entraîné une certaine prise de conscience dans le grand public et parmi les communautés religieuses. On attend sous peu le rapport de la commission parlementaire de la culture qui s'est consacrée l'automne dernier au patrimoine religieux. Certes, il s'agissait d'un mandat d'initiative des députés, mais la ministre Beauchamp semble disposée à saisir la balle au bond. Et le discours budgétaire, en mettant l'accent sur le patrimoine, envoie enfin le message que la mise en valeur et l'entretien des oeuvres d'art comme des vieilles pierres, ou des archives, valent d'être encouragés.
L'effort semble modeste si l'on compare avec ce qui se fait ailleurs; il est énorme si l'on prend notre je-m'en-foutisme collectif comme point de comparaison. Et pourtant, que vaut la création si on ne veille jamais à en assurer la pérennité ?
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