Une loi paraphée par le président Bush en 2008 interdit l’aide militaire américaine et la vente d’armes aux pays dont les forces armées recrutent ou conscrivent des enfants comme combattants.
L’administration Trump vient d’annoncer qu’elle accorde des dérogations à la loi à l’Afghanistan, à la République démocratique du Congo, à l’Irak, au Mali, à la Somalie, au Sud-Soudan et au Yémen qui sont autorisés à avoir recours à des enfants-soldats.
Par contre, la loi américaine s’applique au Myanmar, à l’Iran, au Soudan et à la Syrie. Pas à l’Arabie saoudite, le plus important acheteur d’armes américaines de la planète contrevient aussi à cette loi. Des enfants combattent dans des milices qui dépendent d’elle dans la guerre du Yémen. Le secrétaire d’État, Mike Pompeo, a personnellement bloqué l’inscription de l’Arabie sur la liste des contrevenants.
Et il y a encore pire. Le Washington Post révélait en 2017 que des officiers afghans, au vu et au su de leurs conseillers militaires américains utilisaient des enfants-soldats comme esclaves sexuels. La pratique appelée bacha bazi a pourtant été dénoncée par les Nations unies qui ont appelé l'Afghanistan à adopter des lois pour pénaliser la pratique et servir contre les officiers qui s’y adonnent.
Vous trouvez que ces dérogations sont d’une duplicité dégoûtante? L'administration Trump ne fait que poursuivre une pratique commencée par l'administration Obama qui, en 2010, a accordé des dérogations au Tchad, à la RDC, au Soudan et au Yémen. Le lauréat du prix Nobel de la paix a donné instruction à sa secrétaire d'État, Hillary Clinton, de s'abstenir de sanctionner ces pays. Obama estimait qu'il était «dans l'intérêt national» de continuer d’entraîner leurs armées et de leur vendre des armes pour lutter contre le terrorisme.
C’est la neuvième année consécutive que les États-Unis accordent des dérogations aux pays qui violent leur loi anti-enfants-soldats.
Le cas des enfants-soldats n’est pas le seul où les États-Unis accordent à leurs amis des exemptions aux lois et aux principes qu’ils exigent des autres et qu’ils prétendent défendre.
En 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies a demandé à la Cour internationale de justice d’enquêter sur des crimes de guerre commis dans la guerre civile libyenne. À la demande de Washington, la résolution accordait cependant l’immunité à des mercenaires étrangers algériens, éthiopiens et tunisiens, responsables d’une bonne partie de ces crimes. Les États-Unis ne voulaient pas que la résolution s’applique aux mercenaires provenant de pays qui ne reconnaissent pas la juridiction de la Cour internationale de La Haye.
Le paragraphe clé a été inséré dans la résolution par la représentante américaine à l’ONU, Susan Rice, alors même qu’elle venait de faire un discours dans lequel elle affirmait que tous ceux qui «massacrent des civils» seraient «tenus personnellement responsables» de leurs crimes.
Pourquoi, vous demandez-vous, les États-Unis se sont-ils abaissés à se servir d’une telle manœuvre ignoble pour protéger des criminels de guerre?
C’est que Washington voulait éviter de créer un précédent. En 2002, George W. Bush a soustrait son pays de la compétence de la Cour de La Haye. Les États-Unis ne veulent pas qu’un jour ce soient leurs politiciens, leurs généraux et leurs soldats qui doivent répondre de leurs crimes devant ce tribunal. Il ne faudrait tout de même pas que les lois internationales s’appliquent à eux. Le respect de conventions, des lois, des règles, c’est pour le reste de l’humanité. Les Américains font partie de la race des Seigneurs.
Le célèbre politologue américain Stephen M. Walt de l’Université Harvard a déjà noté dans son blogue de la revue Foreign policy que la justice américaine n’a absolument rien fait pour enquêter sur les crimes de guerre commis par les Américains ni pour accuser les responsables américains qui les ont ordonnés, George W. Bush, Donald Rumsfeld et Dick Cheney. Walt rappelle que l’administration Bush a violé le droit international quand elle a décidé d’envahir l’Irak en 2003, que des hauts fonctionnaires américains ont perpétré des crimes de guerre quand ils ont ordonné la torture de prisonniers, et que la politique officielle des États-Unis d’«assassinats ciblés» en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Somalie, au Pakistan et ailleurs, contrevient aux lois de la guerre. Obama a exclu d'ouvrir des enquêtes judiciaires sur ces prédécesseurs concernant ces crimes.
Les donneurs de leçons américains ne veulent pas se soumettre eux-mêmes aux règles qu’ils édictent pour les autres.