Éloge de la (vraie) clarté

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« N'en déplaise aux constitutionnophobes et autres grands brûlés de Meech, il subsiste ici un vieux malaise depuis 1982 »

On l'a dit et répété, l'exercice qui vient de se terminer en Écosse aura été un triomphe de la clarté. Un triomphe unanimement salué à travers le monde. Ici, chose rarissime, souverainistes et fédéralistes ont même vanté à l'unisson la limpidité du processus écossais.
S'il est vrai que le référendum écossais doit maintenant être considéré comme le modèle à suivre, cela changerait la donne ici (advenant un nouveau référendum, ce qui paraît bien hypothétique en ce moment).
Les Bernard Drainville et Stéphane Dion peuvent bien s'émerveiller devant le processus écossais, mais le fait est que leur camp respectif devrait s'amender pour atteindre le même idéal de clarté.
La démarche des péquistes n'a pas toujours été d'une clarté irréprochable. La réplique d'Ottawa, post -1995, elle, est incomplète et même malhonnête.
Notre question référendaire de 1980 comptait 119 mots. Celle de 1995, 40 mots. Les Écossais, eux, ont répondu jeudi à une question de six mots (Should Scotland be an independent country?).
Si je reproduisais le texte des questions de 1980 et de 1995, ils occuperaient 20 % de cette chronique! Et pas une seule fois vous ne retrouveriez les mots «pays» ou «indépendance».
Saluer la démarche ouverte et la question claire du Scotish National Party, c'est, pour le PQ, reconnaître qu'il doit opter lui aussi pour une question simple et précise. Les mots sont importants. On appelle un pays un pays.
Du coup, les péquistes pourraient cesser de répéter qu'il leur faut éduquer et faire de la pédagogie pour expliquer aux Québécois, comme si ceux-ci ne comprenaient pas, après plus de 40 ans de débat, ce que veut dire faire du Québec un pays indépendant.
Par ailleurs, l'incapacité chronique du PQ, depuis 1994, de promettre ouvertement un référendum s'il forme le gouvernement rend toute sa démarche suspecte aux yeux de bien des électeurs. En ce sens, l'exemple écossais est une belle démonstration de courage politique et de conviction.
Pour les souverainistes québécois, épouser l'esprit de l'entente d'Édimbourg, c'est aussi admettre qu'il faudra négocier avec Ottawa les termes d'un éventuel référendum et ses suites. Or le PQ (l'Assemblée nationale, en fait) n'a jamais reconnu la loi fédérale sur la «clarté» et se comporte généralement comme si celle-ci n'existait pas. Elle existe pourtant, et qu'on l'aime ou non, il faudrait faire avec. Chose certaine, la communauté internationale, elle, en tiendrait compte.
Plusieurs leaders souverainistes ont salué l'attitude de Londres, mais ils n'accepteraient jamais qu'Ottawa prenne autant de place dans le processus ici. Songez, notamment, que Londres a approuvé la question, mais seulement après l'avoir réduite à sa plus simple expression. Une des versions soumises par le gouvernement Salmond disait: Do you agree that Scotland become an independent country? , mais le Do you agree a été biffé. Trop suggestif, selon Londres. Vous voyez vraiment PKP, Bernard Drainville ou Jean-François Lisée subir l'humiliation d'une correction sémantique par Ottawa?
Ottawa aussi doit refaire ses devoirs à la lumière des résultats du référendum écossais. En fait, terminer ses devoirs. La comparaison entre la réaction de Londres dans la préparation du référendum de jeudi en Écosse et celle d'Ottawa avant et après 1995 n'est pas à l'avantage du gouvernement canadien.
La loi sur la «clarté» adoptée par le gouvernement Chrétien en 1999 était essentiellement une réplique défensive motivée par la grande frousse d'octobre 1995. Au Québec, elle a été largement perçue comme une tentative déloyale de changer les règles du jeu. Dans le reste du Canada, elle a été accueillie comme un rempart légal contre la séparation du Québec, un cadenas, en quelque sorte. La loi, plutôt que de forcer les parties à s'entendre, comme ce fut le cas avec l'entente d'Édimbourg, les a éloignées encore davantage.
Il y a un trou resté béant dans la loi sur la «clarté», un trou plutôt gênant lorsqu'on la compare à l'entente d'Édimbourg: le seuil acceptable de victoire n'est pas précisé. Londres a accepté 50 % + 1. Voilà qui a le mérite d'être clair.
Là où Londres et Ottawa se rejoignent, toutefois, c'est dans leur réaction de panique, à minuit moins une, quand le feu prend dans la maison. Tout d'un coup, devant la perspective d'une défaite, pleuvent les promesses et les déclarations d'amour. Pourquoi faut-il absolument qu'une crise menace l'unité du pays (ou du royaume) pour que, soudainement, le pouvoir central reconnaisse la légitimité des demandes historiques d'une province ou d'un territoire? La réconciliation ne passe pas par une crise majeure tous les 20 ans. Ça vaut pour la relation Écosse-Angleterre, comme pour Québec-Canada.
N'en déplaise aux constitutionnophobes et autres grands brûlés de Meech, il subsiste ici un vieux malaise depuis 1982.


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