Élection municipale à Montréal ou la belle occasion manquée

Montréal et la question nationale : aucun rapport?

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Il faut rapatrier Montréal au Québec

La société québécoise éprouve présentement une grande difficulté à assumer la question nationale ou à être en mesure de produire des analyses politiques et sociales qui relèvent de son cadre. Aujourd’hui, en pleine élection municipale – et particulièrement dans le cas montréalais - on nous affirme qu’il serait grossier de confondre la question nationale avec la situation municipale et que les paramètres québécois ne peuvent s’appliquer aux différents cas relevant de la ville.
Il n’y aurait, nous dit-on, pas de « manière souverainiste » ou de « façon fédéraliste » de déneiger les rues, de gérer les taxes ou d’envisager les relations de travail avec les employés municipaux. Seule la compétence, nous dit-on, devrait prévaloir dans le choix du premier magistrat d’une ville.
Si le raisonnement est en soi véridique, il n’en témoigne pas moins d’un manque flagrant de perspective. Limiter les affaires municipales à la simple administration quotidienne témoigne à la fois d’une étroitesse de point de vue, d’une pauvreté d’ambition et d’une adhésion à une conception purement gestionnaire du politique, où le projet commun cède la place à la vision comptable et où on administre là où il faut combattre.
La ville qui réfléchit
N’en déplaise à certains, la direction municipale implique l’établissement de relations avec deux gouvernements en compétition et, realpolitik oblige, la constitution de grands réseaux d’influence. Pourquoi, de surcroît, serait-il interdit de réfléchir à la contribution d’une ville à une entité qui l’englobe, soit l’État nation?
Si la question nationale était absente d’un regard judicieux sur les entités municipales, pourquoi les milieux fédéralistes auraient-ils consacré autant d’énergies à les investir? Les Commissions Gomery et Charbonneau ont constitué des témoignages éloquents de l’étendue des réseaux de corruption et de copinage avec les milieux mafieux qui se sont déployés pour maintenir le statu quo, soit le maintien des intérêts canadiens dans la métropole.
Mais la bataille d’influence politique se double de celle de la pénétration idéologique. Les fédéralistes ont depuis plusieurs années davantage centré leur argumentaire sur les « vraies affaires » que sur l’adhésion enthousiaste au Canada. Le fardeau de vendre le Canada au Québec avait le malheur de forcer Ottawa à définir une offre suffisamment adéquate pour mener les Québécois à oublier momentanément tout autant les ratés du régime que le projet d’indépendance du Québec.
Le pseudo-réalisme
Or, de par l’échec flagrant démontrant le caractère irréformable du Canada par lesquelles ces tentatives se sont soldées, il est devenu beaucoup plus efficace de se complaire dans un pseudo-réalisme se traduisant par une rhétorique basée sur la lassitude face à la question nationale. Il était plus judicieux de mettre cette dernière sous le boisseau en se confinant dans la ligne du « ni souverainiste, ni fédéraliste », laquelle en est une, dans les faits, d’absence de remise en question du lien canadien. « Ne pas mélanger le municipal et le national » s’inscrit dès lors à merveille dans une telle entreprise mais trop peu saisissent pleinement à qui profite le crime. La démocratie et le citoyen sont les grands perdants d’un système où ils ne constituent que des données négligeables car inoffensives.
Outre l’enjeu strictement constitutionnel, la réalité de la désaffiliation identitaire de Montréal est indéniable, laquelle, plutôt qu’être la métropole du Québec, indique plutôt de nombreux signes d’une grande ville relevant des idéaux hypermodernes canadiens du multiculturalisme, du culte de l’individu-roi et « citoyen du monde » ainsi que de la bien-pensance se déclinant tous par une fragmentation sociale débridée. Montréal est désormais reconstituée en tant que Cité-État aux portées prétendument internationales mais dans les faits neutralisée en contexte québécois.
Montréal au service d’Ottawa
L’opposition virulente des quatre principaux candidats à la mairie – certains envisageant même la contestation judiciaire de l’éventuelle Charte des valeurs québécoises - témoigne bien de ce fossé bien réel qui se creuse entre le Québec et Montréal, laquelle souhaite se maintenir comme métropole de l’avant-garde de nos élites servant de facto le régime d’Ottawa.
C’est d’ailleurs à Montréal que la loi 101 a rencontré son Waterloo alors que la Charte de la langue française permettait la faille majeure qu’est la coexistence de deux réseaux prônant le bilinguisme institutionnel.
Cette élection municipale, dans le cas montréalais, aurait dû être cruciale. Son importance fondamentale est majeure. Mais à ce constat succède celui qu’aucun des quatre principaux candidats ne sera en mesure de renverser le déclin, l’effritement du lien et l’assujettissement dont notre métropole est victime.
Le prochain maire sera le gérant d’une bourgade au milieu d’un jeu politique qui le dépassera totalement, que ce soit par inconscience ou que ce soit librement consenti. La réalité aurait pourtant commandé que l’intérêt national dicte davantage les comportements électoraux que la gestion à la petite semaine : il aurait été temps de rapatrier Montréal au Québec. Cette consultation populaire sera à ajouter à la liste des occasions manquées.
Simon-Pierre Savard-Tremblay est président de Génération Nationale et candidat à la maîtrise en sociologie à l’UQÀM.

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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