DSK n'est pas au bout de ses peines

Condamné à rester en prison à New York, le directeur général du FMI pourrait faire face en France à une autre plainte pour harcèlement sexuel

DSK à New York



Dominique Strauss-Kahn comparaissant devant le tribunal pénal de Manhattan, hier. Le directeur du FMI a été inculpé d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration.

: Agence France-Presse Emmanuel Dunand


Paris — L'avenir s'obscurcit un peu plus pour Dominique Strauss-Kahn, qui demeurera en prison dans les jours qui viennent et qui pourrait devoir faire face à une seconde plainte pour harcèlement sexuel, déposée en France cette fois.
Le mince espoir que caressaient encore ses partisans de voir s'évanouir les graves accusations qui pèsent sur le directeur général du FMI s'est effondré hier lorsque le tribunal de New York a, à la surprise générale, rejeté sa libération conditionnelle. La juge Melissa Jackson, du tribunal de New York, lui a refusé la liberté sous caution de peur qu'il n'échappe à la justice américaine et compte tenu de l'importance des accusations corroborées par les rapports des experts, selon le parquet. La juge n'a pas cru à la thèse des avocats Benjamin Brafman et William Taylor, deux vedettes du barreau américain, selon qui le candidat socialiste pressenti à la présidence française ne tentait pas de s'enfuir lorsqu'il a été arrêté dans un avion d'Air France samedi dernier après qu'une femme de chambre du Sofitel eut averti la police qu'elle avait été l'objet d'une tentative de viol.
Fait nouveau, le procureur a déclaré enquêter sur une seconde affaire dans laquelle DSK aurait «eu une conduite similaire», mais sans donner plus de précisions. «Le fait que votre client était à l'aéroport et s'apprêtait à s'envoler soulève un certain nombre de questions», a déclaré la juge. Même une proposition de caution d'un million de dollars et l'assurance que DSK demeurerait chez sa fille à New York n'ont pas convaincu la magistrate. Il faut dire qu'en cas de fuite vers la France, l'accusé ne pourrait pas être renvoyé aux États-Unis et devrait être jugé en France. La décision pourrait être revue le 20 mai prochain par le grand jury qui devra choisir entre le non-lieu ou un procès, qui aura lieu au mieux dans plusieurs mois. «La bataille ne fait que commencer», a déclaré Benjamin Brafman. La défense soutenait hier que la reconstitution de son horaire disculpait le patron du FMI et lui offrait un alibi.
Une seconde plainte
Cette décision a été accueillie en France comme un nouvel épisode du cauchemar, en forme de mauvaise série policière américaine, que vit le pays depuis bientôt trois jours. Les humiliantes de l'ancien ministre de l'Économie menotté et celles de son visage dépité pendant l'audition ont particulièrement choqué le public peu habitué à une telle exposition médiatique des prévenus strictement interdite en France (comme au Québec). Visiblement révolté par les méthodes de la justice américaine, l'ancien ministre socialiste Jack Lang s'est exclamé: «On a envie de se payer un Français!»
Mais, comme si cela ne suffisait pas, on a appris hier qu'une seconde plainte d'agression sexuelle pourrait être déposée en France contre Dominique Strauss-Kahn par Tristane Banon. La journaliste et romancière avait déjà raconté à l'émission de télévision 93, Faubourg Saint-Honoré avoir subi en 2002 les assauts sexuels de DSK dont le nom avait alors été dissimulé. La jeune fille n'avait cependant pas porté plainte. «On envisage de déposer plainte. Je travaille avec elle», a déclaré son avocat Me Koubbi au quotidien Libération. Le motif précis et la date du dépôt n'ont pas été précisés. Comme ce type de crime n'est pas prescrit, la plainte peut être déposée à tout moment. Les avocats de DSK n'ont pas répondu aux appels des médias.
Hors-jeu politique
L'accumulation des mauvaises nouvelles concernant celui qui était hier encore le favori des à l'élection présidentielle de 2012 semble avoir aujourd'hui raison des plus incrédules. «C'est un destin qui se brise sous nos yeux», affirmait le présentateur du journal télévisé de France 2. Hier, l'éditorial du quotidien Le Monde concluait que, même s'il était reconnu innocent, le «coup de tonnerre» survenu depuis quelques jours «chasse» inévitablement DSK «de la scène politique».
Le Parti socialiste se réunira aujourd'hui afin de tenter de sortir de sa torpeur et de tourner la page. La première secrétaire, Martine Aubry, a rappelé que le PS n'était «pas dans une situation où la primaire aurait déjà eu lieu» et que le calendrier qui doit désigner un candidat à l'automne serait respecté. «Le PS n'est ni décapité ni affaibli», a ajouté le numéro deux du parti, Harlem Désir. Hier discrédité par ceux qui souhaitaient le couronnement pur et simple de DSK, le processus des primaires est aujourd'hui loué par tous. «Les socialistes devraient être soulagés d'avoir adopté la procédure des primaires», écrit le politologue Gérard Grunberg.
On s'attend à ce que l'éviction de DSK favorise dans l'immédiat François Hollande, dont la campagne sobre sur le terrain commençait à porter ses fruits. À droite, plusieurs sources considéraient d'ailleurs DSK comme un candidat plus fragile que Hollande qui se positionne depuis plusieurs semaines comme le candidat «anti-bling-bling». Martine Aubry, qui s'était engagée à ne pas y aller si DSK était candidat, devrait aussi subir de très fortes pressions pour se lancer dans la course. Il ne faut pas non plus oublier l'ancienne candidate Ségolène Royal, qui a une bonne expérience de ce type de combat.
Et la victime?
Quelques personnalités, de droite comme de gauche, évoquent toujours la possibilité que DSK soit tombé dans un traquenard. «J'ai encore en tête le fait qu'on avait promis à DSK le feu nucléaire dès qu'il ferait ses premiers pas de candidat», a déclaré son ami et bras droit Jean-Christophe Cambadélis qui veut croire qu'«il sera bientôt au milieu de nous». Il faut dire que la France a déjà connu de telles mises en scène visant par exemple François Mitterrand ou, plus récemment, le maire de Toulouse, Dominique Baudis.
La militante écologiste Clémentine Autain a appelé à avoir une pensée pour la victime. «Il faut rappeler que le viol est un crime, a-t-elle déclaré. Je suis stupéfaite par le manque de considération à l'égard de cette femme de ménage. Tout le monde a le mot "décence" à la bouche, mais la décence, ce serait d'avoir au moins un mot pour cette femme.»
D'ailleurs, on s'est subitement souvenu que, dès 2007, le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, avait déjà mis en garde la classe politique contre DSK et son rapport aux femmes «qui frôle souvent le harcèlement», écrivait-il alors. Hier, dans un échange sur Internet avec des lecteurs, le journaliste a rappelé ce qu'il avait déjà constaté. «Ayant suivi DSK entre 1997 et 1999, comme ministre des Finances, j'ai pu assister à plusieurs reprises à son comportement à l'égard de certaines femmes qui m'a particulièrement choqué, et je disposais de plusieurs témoignages de consoeurs qui avaient fait l'objet de comportements "inappropriés" de DSK. Ce que je n'arrive toujours pas à comprendre, c'est pourquoi personne n'en a parlé avant moi. En Suède, aux États-Unis ou en Angleterre, DSK n'aurait même pas commencé sa carrière politique.»


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