Diviser pour rassembler

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Les incohérences de Fournier sont nombreuses, même si elle a mis le doigt sur une vérité : l'irréformabilité du PQ


Il y a quelque chose de paradoxal dans la démarche de la députée de Marie-Victorin, Catherine Fournier, qui a annoncé qu’elle siégera désormais comme députée souverainiste indépendante. L’élue appelle au rassemblement des souverainistes, alors que son geste relève de la division. C’est en fait un appel au schisme qui, s’il est écouté, doit conduire le Parti québécois à se saborder.


Son mentor, Jean-Martin Aussant, avait lui aussi claqué la porte du PQ en 2011 pour fonder Option nationale (ON). Mais le mutin était profondément en désaccord avec la stratégie du PQ pour promouvoir l’indépendance, une stratégie qui plaçait la réélection du parti avant son option. D’ailleurs, on ne peut dire que l’expérience fut éblouissante : ON a recueilli moins de 2 % des votes aux élections de 2012.


Ainsi, Catherine Fournier ne dit pas qu’elle quitte le PQ en raison d’un différend idéologique ou, encore, sur un désaccord stratégique, comme l’avait fait Jean-Martin Aussant. Le parti épouse les valeurs des jeunes, a-t-elle même affirmé. La dernière plateforme électorale péquiste, social-démocrate et écologiste, est d’ailleurs conforme à ces valeurs.


Catherine Fournier ne quitte pas le PQ après avoir livré bataille en coulisses pour convaincre ses pairs de ses vues ou encore après avoir fait des sorties publiques pour créer un « véritable électrochoc » au parti, comme elle le souhaite pour l’ensemble du mouvement souverainiste. Cela n’aurait donné lieu qu’à « des chicanes partisanes contre-productives », selon son expression.


Ce ne sont donc pas les idées du PQ qui sont en cause, et le projet souverainiste, selon la députée, est encore bien vivant et « transcende les générations ». C’est le véhicule : vieille minoune, usée, battue, un parti « perdant » que les Québécois n’écoutent plus, à commencer par les jeunes.


Il faut dire que l’examen de conscience du PQ depuis la défaite d’octobre fut des plus limités. Le conseil national de novembre dernier fut l’occasion pour Jean-François Lisée de se féliciter d’avoir « évité le pire », tandis que le chef parlementaire, Pascal Bérubé, affirmait platement que le PQ n’avait qu’à faire comme la Coalition avenir Québec et se poser, aux prochaines élections, comme la solution alternative au pouvoir, recette éventée, s’il en est. De même, bien que divertissantes, les analyses circonstancielles qu’élabore dans son dernier opus l’ex-chef péquiste, redevenu auteur, ne brillent pas par leur profondeur.


De façon réaliste, Catherine Fournier juge qu’il n’y a pas de place pour un autre parti souverainiste au Québec. De fait, elle ne semble pas croire à l’efficacité des partis politiques — sources de « chicanes » et de « luttes intestines », selon elle — pour faire progresser l’option souverainiste. Pour rassembler les souverainistes, il faut « s’élever au-dessus des luttes partisanes actuelles ». Plus qu’un parti, c’est un « mouvement » qu’il faut créer, c’est « un nouvel espace politique » qu’il faut définir.


La démarche de Catherine Fournier peut apparaître naïve. Des regroupements, issus de la « société civile » et visant la promotion de l’indépendance, il en existe déjà des dizaines. En outre, même si elle juge que le PQ est irrécupérable, on peut douter qu’il accepte de se saborder prestement. Sa démarche témoigne toutefois d’une tendance chez les jeunes : l’action politique passe par l’adhésion à des causes plutôt qu’à des partis. Avant le parti vient le mouvement et, dans un monde idéal, comme une irrésistible vague de fond.


Tôt ou tard, un tel mouvement doit s’incarner dans un parti politique. En choisissant de partir avant même de se battre pour ses convictions au sein du PQ, Catherine Fournier trahit un désabusement bien de son temps face à la politique partisane, pourtant un instrument indispensable de notre démocratie.









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