Les parties d'opposition réclament unanimement que Jacques Duchesneau vienne expliquer son rapport devant la commission de l'Assemblée nationale sur l'administration publique. Et Jean Charest prétend voir cette comparution d'un bon oeil. Si cela se concrétise, ce sera l'occasion de clarifier bien des choses. En voici quelques-unes.
En mettant en ligne le rapport dévastateur de l’Unité anticollusion, Radio-Canada a tenu à préciser que « certains passages ont été expurgés afin de protéger la source à l’origine de l’obtention du rapport, conformément aux Normes et Pratiques journalistiques de Radio-Canada. ». On constate d’ailleurs dans les 72 pages du fichier rendu public l’absence de toute pagination et une table des matières tronquée elle aussi de ses références aux numéros de pages. Mais puisque le Ministère des transports est en possession du rapport original, ne suffit-il pas pour le gouvernement de comparer les deux versions pour identifier ces passages prétendument incriminants pour la personne responsable de la fuite? Et comment diable un passage de ce rapport pourrait-il potentiellement trahir cette source? La véritable raison de ces expurgations ne serait-elle pas plutôt de ne pas rendre publics des indices menant à des personnes ou firmes fortement soupçonnées par Jacques Duchesneau d’activités illégales de collusion ou de corruption?
Dans son texte du 16 septembre de La Presse, le chroniqueur Patrick Lagacé écrit que le fameux rapport a été coulé « à Radio-Canada et à La Presse ». Ce quotidien serait donc lui aussi en possession de la version intégrale du rapport. Le même jour, son collègue André Pratte écrit en éditorial que seules « la page 50 et le tiers de la page 51 » sont consacrées aux allégations sur l’existence d’un « système reliant le milieu criminel, les dépassements de coûts sur les chantiers et le financement des formations politiques ». Or, dans le fichier rendu public par Radio-Canada, ces deux pages sont les pages 47 et 48 (44 et 45 si l’on exclut la table des matières). Ce sont donc plusieurs pages qui ont été mises à l’abri des yeux des béotiens que nous sommes. Par ailleurs, la section intitulée « La question du politique » dont parle M. Pratte est la seule à ne pas figurer à la table des matières du document. Elle comporte aussi un numéro de section plus élevé que la section suivante. Cela montre bien que c’est dans le « politique » que Radio-Canada a exercé ses diligentes coupures, ce qui a déréglé la numérotation des sections du fichier et sa table des matières.
Voilà qui pousse à conclure que Jacques Duchesneau a déjà sa petite idée sur les personnes ou firmes qui auraient usé de corruption et, par extension, sur ceux et celles de nos élus qui en auraient profité. Le gouvernement Charest y aurait-il aperçu des liens un peu trop proches des cercles libéraux? Si on lui offre l'immunité le mettant à l'abri des poursuites de ceux qu'il pourrait dénoncer (et une protection policière), M. Duchesneau est-il prêt à déposer la version intégrale de son rapport et dire tout ce qu'il a à dire? En un an et demi d'enquête, il a sûrement eu amplement le temps de se faire une bonne idée sur l'identité de la ou des formations politiques que ce système parallèle sert le plus. S'agit-il d'un des partis qui exigent depuis des lustres une enquête publique sur l’ensemble de cette vaste assiette au beurre? Ou n'est-ce pas plutôt le parti qui refuse obstinément cette enquête que tous réclament? À vous la parole, M. Duchesneau.
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Christian Gagnon
Montréal
Lors de sa comparution en commission sur l'administration publique
Des questions à poser à Jacques Duchesneau
Actualité québécoise - Rapport Duchesneau
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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005
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