Un couple de Sorel-Tracy vit un véritable cauchemar depuis qu’un terminal pétrolier s’est installé à 300 m de sa maison, l’enveloppant d’une forte odeur d’hydrocarbures et d’un bruit tel que dormir est parfois impossible.
«Ils nous ont gâché notre vie, ces gens-là», grogne Élias Harvey en fixant la file de bateaux qui a jeté l’ancre devant sa maison.
Son épouse Rita et lui ont investi les économies de toute leur vie dans ce modeste pavillon. Ils espéraient y passer une retraite paisible au bord de l’eau, après 30 ans de dur labeur dans les mines de fer du Nord.
«Ça devait être la paix, la tranquillité», souffle Mme Harvey en se berçant devant la baie vitrée qui offre une vue panoramique sur le fleuve. Finalement, «c’est une perte totale, la maison ne vaut plus rien, c’est un cauchemar», complète son époux.
Un à un, les navires jetteront leurs amarres sur le quai à côté de la maison. Moteur ronflant et éclairés comme des gratte-ciel, ils rempliront leur cale de pétrole, puis repartiront.
Pendant le transbordement, qui peut durer plusieurs jours, l’odeur est si forte que les Harvey sont incapables de rester dehors et, pour fuir le bruit, ils s’enferment au sous-sol avec des bouchons dans les oreilles.
Certains bateaux, les superpétroliers, sont aussi longs que trois Airbus 380 alignés. Le premier est arrivé en septembre, ouvrant la voie à de 20 à 30 navires du même genre par an, selon les prévisions de Kildair, la compagnie qui exploite le terminal.
Ces géants s’ajouteront à tous les autres bâtiments qui fréquentent déjà le quai. En 2013, Mme Harvey en a compté 81, contre 56 en 2012 et seulement 6 en 2003, quand le couple s’est installé.
D’hydro-Québec à Kildair
C’est qu’entre-temps, en 2011, la compagnie Kildair a racheté les installations de la centrale thermique d’Hydro-Québec, qui était en phase de démantèlement quand les Harvey ont acheté leur terrain, en 1987.
«Ça devait être débâti. Il ne devait plus y avoir de bateaux, plus rien. On n’aurait jamais acheté sinon», explique Mme Harvey.
«Les installations étaient là avant les résidents. Le quai a été bâti en 1965», réplique le PDG de Kildair, Daniel Morin.
Progressivement, son entreprise a réhabilité les vieux réservoirs à mazout et le quai d’Hydro-Québec. Puis, en 2013, elle s’est associée à Suncor et au Canadien National pour établir un terminal pétrolier.
Les navires viennent ainsi récupérer du brut que Suncor extrait de l’Ouest canadien et américain, et qui est livré à Sorel-Tracy au rythme de 60 000 wagons-citernes par jour, sept jours sur sept.
Le tout est stocké dans d’immenses réservoirs qui peuvent contenir 210 000 barils d’hydrocarbures chacun. En tout, ce sont pas moins de 3,2 millions de barils qui dorment à côté du lit des Harvey. En comparaison, 30 000 barils ont été déversés à Lac-Mégantic.
«Ce qui nous inquiète le plus, c’est la sécurité. S’il y a un feu ici, personne n’aura le temps de partir», craint M. Harvey, en évoquant la tragédie ferroviaire qui a coûté la vie à 47 personnes à Lac-Mégantic, en juillet 2013.
TERMINAL PÉTROLIER PRÈS DE LA MAISON
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