par Suzanne Dansereau
Il y a trois ans à peine, le nombre de projets d'infrastructures réalisés sous forme de partenariats public-privé (PPP) était si faible au Canada que le pays avait du mal à susciter l'intérêt des grands acteurs internationaux. Aujourd'hui, la formule des PPP semble avoir le vent dans les voiles au pays de la feuille d'érable.
Lors du dernier congrès du Conseil canadien pour les partenariats public-privé (CCPPP) qui a eu lieu à Toronto, les 20 et 21 novembre dernier, on a appris que 62 projets d'infrastructures majeurs au Canada étaient prévus sous le mode PPP, que le gouvernement de Stephen Harper est très intéressé par cette formule dans le cadre de ses projets de financement d'infrastructures et que les firmes étrangères sont à nos portes, notamment les britanniques, dont le marché commence à être saturé.
" Nous avons accueilli cette année un nombre de record de représentants de l'extérieur du pays et nous avons même dû en refuser à cause du manque de places ", a précisé l'organisatrice du congrès, Jane Peatch.
En Ontario, une trentaine de projets en PPP d'une valeur totale de près de 30 milliards de dollars (G$) sont en cours, et une quarantaine en tout sont prévus d'ici cinq ans, dont une grande partie dans le secteur hospitalier.
Dans cette province, le gouvernement libéral qui, alors qu'il se trouvait dans l'opposition, avait émis des réserves face à ce mode de financement, a modifié leur appellation et parle maintenant de " Projets de financement alternatif ". Pour mener à bien ces projets, le gouvernement a créé Infrastructure Ontario, qui compte maintenant une centaine d'employés, soit quatre fois plus que l'Agence des partenariats public-privé au Québec.
Dans les Maritimes, une douzaine de PPP sont à l'ordre du jour, parmi lesquels le premier traversier au Canada à être réalisé de cette façon.
En Colombie-Britannique, la province la plus expérimentée dans le domaine, 21 projets, totalisant près de 4,7 G$, dont 3 G$ de capital privé, sont en construction.
Une petite révolution
Qui plus est, la Colombie-Britannique vient d'annoncer que dorénavant, tous les projets d'infrastructure de 20 M$ et plus faisant appel au financement provincial devront être réalisés en PPP, à moins que l'on monte un dossier d'affaires prouvant que le projet serait mieux réalisé sous le mode classique. C'est, en soi, une petite révolution.
" Avant, il fallait démontrer que les PPP étaient mieux que le mode classique; maintenant, c'est l'inverse ", a indiqué Larry Blain, président de l'agence BC Partnerships, responsable des PPP dans la province. " Cela indique que la province est satisfaite du travail accompli. "
Il y a toutefois un paradoxe : selon le dernier sondage commandé par le CCPPP, c'est en Colombie-Britannique que l'appui de la population aux PPP est le plus faible au Canada (57 %, comparativement à 64 % dans l'ensemble du pays. Au Québec, l'appui est de 73% ).
L'équipe de BC Partnerships joue un rôle de soutien auprès des autres agences provinciales. Lors du congrès, elles ont tenu des réunions dans le but de coordonner et d'harmoniser leurs processus - appels de propositions, appels de qualification, processus de sélection, rémunération des soumissionnaires, etc. - afin que le mode de fonctionnement soit uniforme d'une province à l'autre et que le pays puisse devenir plus attrayant pour les investisseurs internationaux.
" De plus en plus d'acteurs sont intéressés par le Québec et comprennent le sérieux de son approche ", commentait par ailleurs Pierre Lefebvre, président de l'Agence des partenariats public-privé du Québec, à la suite d'un discours de la présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget. Elle a indiqué qu'après les hôpitaux et les routes, son gouvernement songeait à des PPP dans les écoles et qu'il était " ouvert aux consortiums internationaux ".
Lors du congrès, les participants ont pris connaissance de plusieurs réalisations en PPP et ont pu en tirer des leçons. " Avant, nous venions nous faire expliquer par des avocats et des comptables comment ça allait fonctionner. Maintenant, ce sont les opérateurs qui partagent leurs succès et échecs, a signalé François Dépelteau, président de l'Institut pour le partenariat public-privé du Québec. Cela devrait inciter le Québec à accélérer la cadence. "
suzanne.dansereau@transcontinental.ca
Encadré(s) :
Quelques sujets clés tirés du congrès
Suzanne Dansereau
> Les versements en fonction des résultats sont une bonne façon de transférer le risque au secteur privé, estime Larry Blain, de BC Partnerships. Le gouvernement fédéral pourrait fonctionner de cette façon, mais il devra alors revoir sa façon de financer les projets, car il a l'habitude de verser l'argent d'un coup, au lieu de l'étaler sur la durée du projet.
> Une des questions clés dans le domaine hospitalier porte sur les équipements médicaux. Doit-on ou non les inclure dans les contrats de partenariats public-privé (PPP) ? Pierre Lefebvre, président de l'Agence des partenariats public-privé du Québec, est catégorique : leur acquisition doit en être exclue, mais le privé aura la responsabilité de les intégrer au bâtiment. " Le partenaire public est mieux placé pour négocier avec le personnel médical pour l'acquisition des équipements ", a-t-il dit aux AFFAIRES.
Mais plusieurs sont en désaccord avec lui. Graham Bird, du Centre de santé mentale de l'hôpital Royal à Ottawa, dit qu'en Ontario, le gouvernement a voulu procéder de cette façon mais se rend maintenant compte que c'est un véritable casse-tête, car le choix de l'équipement a une incidence sur la conception de l'immeuble. François Dépelteau, président de l'Institut pour le partenariat public-privé du Québec, croit lui aussi qu'il vaut mieux confier l'achat de l'équipement au partenaire privé : il obtiendra une aussi bonne offre et ça assurera une meilleure intégration de l'équipement.
> Les critiques que formulent les syndicats vis-à-vis des PPP équivalent souvent à de la désinformation, a accusé Richard Abadie, responsable de l'unité des Private Financement Initiatives au Conseil du trésor du Royaume-Uni. " Quand on dit que les coûts sont plus élevés, on oublie de mentionner que les projets en mode traditionnel ne font pas une évaluation des coûts en fonction de l'analyse cycle de vie et que dans le PPP, l'infrastructure doit être remise au public dans un état " comme neuf ".
" On ne mentionne pas non plus qu'il y a un transfert significatif de risque vers le privé ", a-t-il soutenu.
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