Les fonctionnaires indépendants du Parlement sont un rouage indispensable des mécanismes de surveillance du gouvernement. Ils appuient le travail des parlementaires et sont, dans plusieurs cas, la voix des citoyens. La durée de leur mandat inscrite dans la loi rend leur départ prévisible. Malgré cela, le gouvernement Trudeau n’a pas réussi en deux ans à en remplacer un seul.
En mai 2017, le gouvernement pensait avoir franchi un premier pas en nommant, malgré l’absence d’appui des autres partis aux Communes, l’ancienne ministre libérale ontarienne Madeleine Meilleur au poste de Commissaire aux langues officielles. Ce qui devait être le résultat d’un processus indépendant et fondé sur le mérite est plutôt apparu comme un choix à forte saveur partisane. Le rejet qui s’annonçait au Sénat a fini par convaincre Mme Meilleur de retirer sa candidature à la mi-juin.
Le processus de sélection a été relancé, mais on n’a toujours pas nommé de successeur au commissaire Graham Fraser, qui est parti en décembre 2016. Le poste est encore occupé de façon intérimaire par Ghislaine Saikaley.
Quatre autres postes de fonctionnaires indépendants du Parlement sont dans la même situation. À moins de deux ans des prochaines élections, on attend toujours de connaître le successeur du directeur général des élections Marc Mayrand, qui est pourtant parti en décembre 2016.
La Commissaire au lobbying et celle aux conflits d’intérêts et à l’éthique en sont à leur troisième mandat intérimaire de six mois. La Commissaire à l’information a annoncé en avril dernier qu’elle partirait à la fin de son mandat qui se terminait en juin dernier. Elle a finalement accepté de garder le fort pour six mois de plus, soit jusqu’à la fin décembre. On ignore toujours qui la remplacera.
Les libéraux ont modifié le processus de nomination pour, disent-ils, le rendre plus « transparent, indépendant et fondé sur le mérite », mais il revient toujours au ministre responsable de choisir le candidat à recommander au premier ministre, qui doit ensuite consulter les chefs des autres partis reconnus aux Communes. Ce que M. Trudeau n’a pas vraiment fait dans le cas de Mme Meilleur.
Dans tous les cas cités plus haut, des appels de candidatures ont été lancés, certains tout récemment, et des comités de sélection ont été mis sur pied, mais cela traîne. Le souci de bien faire n’explique pas pareille inefficacité. L’affaire Meilleur a démontré que le nouveau processus n’était pas à l’abri des considérations partisanes, et ces retards entretiennent l’impression que le gouvernement attend des candidats à sa convenance.
Des garde-fous supplémentaires sont visiblement nécessaires, mais le temps commence à manquer pour les nominations en attente, car il y a urgence. Les personnes qui les occupent de façon intérimaire font le travail, mais leur position précaire atténue leur autorité auprès du gouvernement et du public. Cela alimente l’incertitude au sein des organisations.
Or, les fonctionnaires du Parlement sont des chiens de garde qui offrent aux parlementaires des outils pour comprendre des enjeux souvent complexes et pour exiger des comptes au gouvernement. On n’a qu’à penser au travail du vérificateur général ou du directeur parlementaire du budget pour s’en convaincre. Certains de ces fonctionnaires, comme les commissaires aux langues officielles, à l’information ou à la protection de la vie privée, reçoivent des plaintes du public, les analysent et font des recommandations qui peuvent embêter le gouvernement. Leur indépendance est donc primordiale.
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