Que dire de plus, suite aux résultats qui ont été observés lundi, au Québec? Les clichés d’usage, bien qu’usés, restent valables pour analyser l’humeur des rares électeurs qui se sont déplacés aux urnes.
Parce que le taux de participation fut misérable, comme d’habitude, dans ce type d’exercice démocratique. Les experts parlent d’environ 40% pour les trois circonscriptions. Comme le gouvernement ne risquait pas de tomber, plusieurs ont exprimé un choix qui ne sera pas le même lors du prochain scrutin général.
Sinon, comment expliquer la victoire décisive du candidat conservateur dans la circonscription de Roberval-Lac-Saint-Jean? Ce bastion indépendantiste n’est pas devenu fédéraliste lundi soir! Ces Québécois savent très bien que, minoritaires à Ottawa, ils n’ont aucun poids décisionnel au gouvernement fédéral. Encore moins dans celui que dirige Stephen Harper. Les politiques militaristes de ce dernier, celui qui encourage l’exploitation des sables bitumineux tous azimuts dans son Alberta natale, heurtent de plein fouet les valeurs de ceux qui lui ont donné un député de plus! Denis Lebel a été élu parce qu’il est un puissant baron local. Tant mieux pour lui. Probable que le scrutin aura permis à des clans rivaux de l’endroit de régler des comptes.
La victoire de l’ex-ministre libéral provincial Thomas Mulcair dans la circonscription d’Outremont s’inspire d’un scénario qui rappelle puissamment celui qui a prévalu au pays des Bleuets. Là aussi, l’élection a permis au bouillant irlandais de prendre sa revanche sur une organisation politique associée à celle qui l’a laissé tomber il y a quelques mois. Celui qui a par la suite hanté son ancien patron dans le dossier du mont Orford, a profité du capital de sympathie qu’il a engrangé pour coiffer ses adversaires au fil d’arrivée. Le transfuge néo-démocrate sait toutefois qu’il aura fort à faire pour conserver son siège lorsqu’une élection générale sera déclenchée. Entendre son chef affirmer que sa victoire est le signal que d’autres de son camp l’imiteront au Québec, doit le faire frémir…
Rien à signaler de particulier dans le verdict populaire de la circonscription de Saint-Hyacinthe-Bagot. Certes, la majorité dont a joui la candidate du Bloc québécois a fondu. Son adversaire conservateur est arrivé second, propulsé assurément par la victoire serrée de l’ADQ dans ce comté, en mars dernier. Transporté par un désir obscur de changement alimenté par le statu quo politique, celui qui voulait servir sous les ordres de Stephen Harper s’est autorisé le luxe de refuser toutes les tribunes auxquelles se sont présentés ses adversaires pour débattre d’enjeux locaux… Il y a tout de même des limites que les électeurs maskoutains lui ont signalé de ne pas transgresser!
Il faudra donc attendre la dissolution du gouvernement conservateur pour évaluer précisément ce que pensent les Québécois de leur rôle dans le Parlement canadien. Sans stratégie concrète du Bloc québécois pour démontrer que les choses se règlent à Québec et non pas dans un État fédéral au service de la majorité anglophone, la situation pourrait se dégrader sérieusement. L’attitude défensive de Gilles Duceppe, lors du dernier scrutin général, lui a coûté très cher. Lui qui héritait de l’appui d’environ 54% des électeurs Québécois, a soudainement adopté un discours réservé. On connaît la suite.
L’humoriste Yvon Deschamps a fait montre de la même retenue, lors de son passage à l’émission « Tout le monde en parle » du 16 septembre dernier. Ce dernier affichait une mine qui ne suscitait aucun rire lorsqu’il a parlé de ses convictions indépendantistes. Presque embarrassé de l’être encore, l’homme s’est quasiment excusé auprès des générations à venir d’entretenir le souhait que la langue française soit encore le ciment de la nation québécoise dans 50 ans. Triste.
C’est à se demander si la nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, ne s’abreuve pas à la même source. Celle-ci a carrément parlé de gifle pour le camp souverainiste, lorsqu’elle a commenté les résultats électoraux de lundi. Presque heureuse de voir que son parti n’est pas le seul dans le pétrin, la leader péquiste a de nouveau répété que le lien de confiance devait être rétabli, entre les souverainistes et la population. Alarmiste est son diagnostic. Le vrai test arrivera avec la prochaine élection générale. Il est vrai qu’un profond changement de stratégie s’impose, une modification qui aurait dû avoir lieu depuis des lustres. Pourquoi cependant jeter de l’huile sur le feu en s’appuyant sur le résultat d’élections partielles dont l’effet ne dure souvent que le temps des roses? Pourquoi fournir des munitions aux fédéralistes qui n’ont triomphé de rien, lundi dernier?
Patrice Boileau
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2 commentaires
Luc Bertrand Répondre
24 septembre 2007Monsieur Bousquet, avant d'accuser de "carriérisme" les député(e)s du Bloc à Ottawa, prennez donc la peine de vous mettre à leur place et de penser, ne serait-ce que deux minutes, à ce que vous feriez en tenant compte de la réalité politique qui prévaut depuis le fameux "chant des sirènes" de Stephen Harper un certain 19 décembre 2005 à Québec.
Si les député(e)s du Bloc sont actuellement contraint(e)s à faire figure de Tanguys du Québec et s'incruster à Ottawa, c'est parce que la locomotive capable de faire du Québec un pays n'a tout simplement pas fait son travail. En effet, quand bien même tous les 75 comtés fédéraux du Québec votaient à 100% pour le BQ lors de la prochaine élection fédérale, nous serons encore une province inféodée au tout canadian tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale restera occupée (le caractère gras l'est délibérément pour indiquer une occupation dans le sens militaire) par une majorité de député(e)s qui se satisfont des pouvoirs que leur laisse la constitution canadian de 1982.
Et la situation politique est encore plus frustrante qu'en 2003, l'année où le Parti Québécois a perdu le pouvoir. Malgré un contexte inespéré depuis pour fouetter les ardeurs du mouvement indépendantiste (scandale des commandites, révélations sur le financement occulte d'Option Canada, impopularité record du gouvernement libéral de Jean Charest, cas médiatisés de mauvais accomodements "raisonnables", réaction populaire à Hérouxville, nouveau jugement défavorable des tribunaux canadians face à la Loi 101, etc.), non seulement le Parti Québécois n'a pas retrouvé l'initiative dans le combat pour le pays, mais il s'est totalement discrédité auprès de l'électorat et de ses propres militant(e)s en ayant permis l'élection de deux chefs déconnecté(e)s des problèmes des Québécois(e)s moyen(ne)s et, pire, a fini par renoncer à toute vélléité en vue de conduire le Québec à un statut de pays pour tout avenir prévisible. Et cette situation n'est pas causée par l'absence de volonté de la population: les intentions de vote au PQ ont grimpé un moment jusqu'à 50% et l'appui à la souveraineté n'est jamais descendu en bas de 40%. De son côté, le Bloc a canalisé du mieux possible le ressentiment des Québécois(e)s en parvenant à faire élire 51 député(e)s souverainistes à Ottawa en janvier 2006.
Bien sûr, comme Patrice Boileau l'a énoncé avec justesse, Gilles Duceppe a raté une occasion historique de donner un mandat inégalé au Bloc en déclinant le défi lancé par Paul Martin, mais, à sa décharge, la molesse de la détermination de son grand frère péquiste l'a contraint à la modération, s'il ne voulait pas voir son homologue André Boisclair lui faire regretter son audace en cafouillant à cause de son mauvais jugement et sa grande vulnérabilité politique face à des adversaires aguerris.
Effectivement, le Bloc va éprouver beaucoup plus de difficultés à convaincre les Québécois(e)s de lui faire encore confiance pour défendre leurs intérêts à Ottawa. Cependant, la situation d'impuissance de ses député(e)s n'est absolument pas de leur responsabilité. L'utilité du Bloc Québécois à Ottawa, c'est les Québécois(e)s, dans leur cohérence politique, qui l'établit. Pour ça, il importe nécessairement que le Parti Québécois leur en offre la possibilité!
Archives de Vigile Répondre
20 septembre 2007Très bon éditorial M. Boileau sauf pour avoir éctit : «Pourquoi fournir des munitions aux fédéralistes qui n’ont triomphé de rien, lundi dernier ?.»
Les fédéralistes n'ont pas besoin de la confirmation de Mme. Marois à l'effet que le Bloc a un gros problème, ils le savaient bien avant.
Le Bloc fait le le jeu du fédéralisme en tentant tout ce qu'il peut pour améliorer les choses pour le Québec pendant qu'il est encore dans la fédération canadienne, ne fait que rassurer ces derniers et retarder ainsi la souveraineté du Québec, si elle doit arriver un jour. Le carriérisme des Bloquistes à Ottawa semble maintenant prendre le pas sur leur idée de souveraineté du Québec.