Réaffirmation du modèle interculturel d'intégration des immigrants, définition plus précise du concept de laïcité ouverte et confirmation des balises légales sur les accommodements raisonnables, les experts sont généralement satisfaits de constater que les commissaires Bouchard et Taylor inscrivent leurs recommandations dans la continuité.
Il restera à s'assurer que ces grands principes vivent concrètement sur le terrain, grâce à la formation et à la diffusion de balises aux intervenants, à l'éducation à la citoyenneté du primaire à l'université en passant par les groupes d'éducation populaire, et en favorisant l'intégration effective des nouveaux arrivants. Voilà ce qui se dégage des propos recueillis auprès de plusieurs experts consultés par la commission Bouchard-Taylor.
«On n'a pas jeté le bébé avec l'eau du bain. [...] On aurait perdu beaucoup d'acquis si on avait fait table rase des principes en vigueur depuis vingt ans», croit Pierre Bosset, de la faculté de sciences politiques et de droit de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
Le rapport propose de réaffirmer le modèle interculturel québécois en l'enchâssant dans un texte officiel. Or ce dernier est déjà en vigueur depuis une vingtaine d'années, rappelle M. Bosset.
Le juriste est particulièrement satisfait de voir la commission retenir le concept de laïcité ouverte, voulant que l'État soit laïque, et non le citoyen. Cela dit, il croit que les débats en cette matière sont encore loin d'être clos.
Auteur d'un récent rapport sur l'accommodement raisonnable en milieu scolaire, Bergman Fleury constate lui aussi que les recommandations s'inscrivent «dans la continuité de ce qui se faisait déjà, mais qui reste à être assumé complètement». En ce sens, il voit d'un bon oeil l'idée d'un énoncé politique sur l'interculturalisme, «auquel on pourrait se référer pour développer des outils de gestion» pour les intervenants des services publics.
Cela dit, tout cela ne restera que de «beaux discours» si on n'offre pas une formation adéquate aux intervenants confrontés à la diversité culturelle, notamment dans les réseaux de la santé et de l'éducation. «Dans les milieux où une formation est offerte, les problèmes ne se posent pas. Mais seule une minorité y a accès», affirme M. Fleury.
Constatant que la commission Bouchard-Taylor ne réinvente rien, la professeure Rachida Azdouz, spécialiste des relations interculturelles, demeure perplexe. «On dit qu'il n'y a pas eu de crise, mais on a créé une commission; on dit que l'identité n'est pas menacée mais que l'heure est à la réconciliation; que les gestionnaires ne sont pas outillés, mais qu'une expertise existe déjà dans le milieu», observe Mme Azdouz, qui appuie néanmoins les recommandations «vertueuses» de la commission.
Elle juge toutefois «troublant» que les recommandations reprennent essentiellement des pistes de solution déjà prônées depuis une vingtaine d'années, notamment au chapitre de la francisation, de l'intégration des immigrants, du rapprochement interculturel. «Est-ce qu'il n'y a pas eu assez de moyens pour la mise en oeuvre?», demande Mme Azdouz, convaincue que les problèmes se poseront dans les mêmes termes dans dix ans à défaut d'un suivi serré, à l'aide d'indicateurs.
La sociologue Céline Saint-Pierre, ancienne présidente du Conseil supérieur de l'éducation, voit dans les suites de la commission Bouchard-Taylor une occasion à saisir pour accentuer l'éducation à la citoyenneté, du primaire à l'université, en passant par la formation continue et les groupes d'éducation populaire. Les nouveaux cours d'éthique et culture religieuse et d'histoire et éducation à la citoyenneté offrent une piste en ce sens, à condition que le volet éducation à la citoyenneté ne soit pas escamoté, croit Mme Saint-Pierre.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé