Conseil général du PLQ: tout débat sur une commission d'enquête est écarté

Enquête publique - un PM complice?


Robert Dutrisac Lévis — Le chef libéral Jean Charest a reçu, aujourd'hui, une preuve éloquente de l’emprise qu’il exerce sur son parti. Les militants libéraux, réunis en Conseil général, ont refusé net de débattre de la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction.
Un militant de la circonscription de Groulx, Martin Drapeau, membre du Parti libéral du Québec depuis 30 ans, a tenté de présenter un amendement visant la tenue «d’une vaste enquête sur l’attribution des contrats publics au Québec, particulièrement à l’industrie de la construction». Mais cet amendement n’a pu être débattu puisque personne parmi les quelque 500 libéraux présents dans la salle ne s’est levé pour seconder la présentation de la proposition de M. Drapeau.

Dans l’entourage de Jean Charest, on s’est bien défendu d’avoir manigancé pour empêcher qu’on débatte de la question. «On ne contrôle pas les militants dans un Conseil général», a-t-on fait valoir.
Que les militants du parti au pouvoir refusent de débattre d’une question qui est sur toutes les lèvres au Québec, alors que se multiplient les révélations sur les liens entre la mafia montréalaise et l’industrie de la construction, apparaît pour le moins incongru. Il faut dire que Jean Charest avait donné l’exemple vendredi soir quand il n’a soufflé mot sur le sujet lors de son allocution à l’ouverture du Conseil général.
«La discipline dans un parti est habituellement un avantage mais parfois elle peut être un inconvénient», estime, pour sa part, l’ancien ministre Benoît Pelletier.
«S’il y avait des gens [qui appuyait l’amendement], je pense que ça aurait été important que les gens se lèvent. On est un parti qui est très ouvert et qui est très objectif dans ses opinions», a affirmé le député de Chomedey, Guy Ouellette, un des nombreux élus qui se sont évertués dans les couloirs, hier et aujourd'hui, à défendre la position du gouvernement de ne jamais tenir de commission d’enquête sur l’industrie de la construction.
Le sujet est d’ailleurs revenu brutalement sur le tapis dans la journée. La vice-première Nathalie Normandeau, courroucée, est montée au créneau pour réclamer que le chef de l’Action démocratique du Québec, Gérard Deltell, retire les propos qu’il venait de tenir lors du congrès de son parti à Granby. Le chef adéquiste avait traité Jean Charest de «bon parrain du Parti libéral».
«Gérard Deltell insulte le premier ministre, il insulte le gouvernement, il insulte 100 000 militants libéraux», a vitupéré Nathalie Normandeau. Il s’agit «d’un dérapage, d’un ‘déraillage’» qui témoigne qu’il est désespéré, estime-t-elle. «Gérard Deltell est allé beaucoup trop loin. Il doit absolument retirer ses propos s’il a un minimum de sens de l’honneur», a-t-elle poursuivi. «S’il ne le fait pas, il devrait sérieusement songer à démissionner.»
Cette allusion au «parrain» mafieux «pousse d’un cran» les accusations lancées cette semaine à l’Assemblée nationale par le Parti québécois. Le député de Verchères, Stéphane Bergeron, avait traité des élus libéraux de «complices du crime organisé» tandis que la chef péquiste avait affirmé que les taxes des Québécois «faisaient vivre» la mafia en raison de la cote que les criminels prenaient sur les contrats publics.
Une question de crédibilité
Le militant Martin Drapeau s’est dit «déçu» qu’aucun libéral n’ait accepté, aujourd'hui, de débattre de la tenue d’une commission d’enquête sur la construction. Selon lui, c’est la seule façon pour le gouvernement de rétablir sa «crédibilité». «Dans l’esprit de bien des gens, il ne faut pas faire par exprès pour perdre ses élections. Mais je crois qu’au stade où on en est, il y a de fortes chances que même si on ne fait pas de commission d’enquête, on soit dans le trouble assez rapidement», a-t-il analysé.
«Même si cela envoie notre parti dans l’opposition pour huit ou dix ans, il faut avoir le courage de tenir quand même cette enquête», a-t-il écrit dans un texte qu’il pensait lire devant les militants pour appuyer son amendement. «Ne rien faire maintiendrait le climat de suspicion qu’ont les électeurs par rapport à notre parti. Nous risquons quand même de perdre la confiance de nos électeurs sans avoir amélioré la situation au Québec. Il faut crever l’abcès», voulait-il faire valoir.
Martin Drapeau faisait partie de la poignée de militants qui avaient mené une fronde contre la privatisation du parc du Mont Orford en 2006. Appuyée par Pierre Paradis et Thomas Mulcair, cette fronde avait fait long feu durant un Conseil général, alors que les militants avaient rejeté à la quasi unanimité une proposition demandant au gouvernement de faire marche arrière. On connaît la suite : le gouvernement Charest avait finalement cédé devant le tollé général.
***
A lire également:
Les militants libéraux en faveur d'un titre de journaliste professionnel


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->