Dès l’âge de 17 ans, il avait publié « L’insurrection » (1838)

Chauveau, Premier Ministre du Québec (1867), écrivain engagé

Son « Charles Guérin » (1846) dénonce invasion immigrante, oppression du boss

L’âme des peuples se trouve dans leur histoire

Nous avons antérieurement parlé de la première poussée indépendantiste au Québec autour des années 1930, avec Bourassa et Groulx http://www.vigile.net/La-premiere-grande-poussee. Or il appert que la révolte des Patriotes en 1837, suivie de la solution Durham, ait inspiré déjà le désir d’une revanche des descendants de Nouvelle-France.
On ne sait pas toujours que Pierre Joseph Olivier Chauveau, premier Premier Ministre du Québec dans la Confédération canadienne (1867), sous l’émulation des politiciens français Châteaubriand et Victor Hugo, ou même de Balzac, succomba à la tentation de publier ses réflexions politiques. Mais l’époque surchauffée en étant une de répression, s’il signa, exceptionnellement, ses feuilletons, il dut utiliser les genres fictifs, comme la poésie et le roman. Et ce genre étant quand même suspect, il décrivit les « mœurs canadiennes » dans son roman « Charles Guérin » avec tellement de périphrases que les premiers critiques le reçurent comme insignifiant.
Pourtant Maurice Lemire, qui présente l’édition de Fides, en 1978, en donne un éclairage sans équivoque.

« Dans cette intrigue, tout l’odieux retombe sur Wagnaër, le marchand. Mais est-ce véritablement un Anglais? Le romancier a délibérément voulu entretenir la confusion à ce sujet. Nulle part, il ne parle de lui comme d’un Anglais. Cet immigrant des îles anglo-normandes est sûrement sujet britannique et protestant, mais il pourrait également être de culture française comme beaucoup d’habitants de ces îles. Chauveau le qualifie toujours de « jersais » ou encore d’étranger, sans plus…
… Mais l’artifice du romancier ne doit pas nous tromper, Wagnaër est vraiment l’agent principal de corruption. C’est avec son arrivée que s’est déclenché le temps tragique qui doit conduire la famille Guérin à la catastrophe. Avant c’était le temps édénique qui ne mesurait que des journées de bonheur. Les Guérin jouissaient d’une supériorité de fortune que personne ne songeait à leur disputer… Pour un marchand anglais, il n’existe plus aucune valeur absolue et tout peut être objet de spéculation. Voilà ce que décrit Chauveau en termes généraux dans la lettre de Pierre Guérin à sa mère :

« Dévorer comme un vampire toutes les ressources d’une population; déboiser les forêts avec rage et sans aucune espèce de prévoyance de l’avenir; ne pas voler ouvertement mais voler par réticence, et en détail, en surfaisant à des gens qui dépendent uniquement de vous, ce qu’ils pourraient avoir à meilleure composition partout ailleurs; reprendre sous toutes les formes imaginables aux ouvriers que l’on emploie le salaire qu’on leur donne; engager les habitants à s’endetter envers vous, les y forcer même de plus en plus une fois qu’on les tient dans les filets, jusqu’à ce qu’on puisse les exproprier forcément et acheter leurs terres à vil prix; voilà ce que certaines gens appellent du commerce et de l’industrie. »

En fait l’introduction de l’industrie et du commerce en particulier au Canada (Qc) par les marchands anglais allait provoquer un affrontement de deux morales, l’une traditionnelle, fondée sur les principes immuables de la religion, l’autre opportuniste, appelée « morale de situation » qui ne vise qu’à légitimer par des arguments spécieux des actes franchement malhonnêtes. C’est le choc de ces deux morales que nous présente « Charles Guérin ».
… Charles Guérin lève le camp pour les solitudes nordiques comme le firent toutes les populations trop faibles pour soutenir l’assaut des envahisseurs. Il trouve le salut de sa race dans la vastitude du continent un peu comme le firent les troupes russes face à Napoléon. N’a-t-on pas rêvé, à un certain moment, d’un pays français qui couvrirait tout le nord du Québec, de l’Ontario et du Manitoba et qui resterait français parce que les Anglais n’oseraient pas s’y aventurer à cause de la rigueur du climat. (oh, boy!)
… la dénonciation de P.-J.-O. Chauveau n’est point sans mérite. Les nombreuses études sur l’économie, la sociologie et l’histoire de cette période nous permettent aujourd’hui d’affirmer jusqu’à quel point l’intuition du romancier était juste. On pourra toujours lui reprocher de simplifier les questions mais on aura tort d’attendre d’un romancier une étude aussi étendue et aussi complexe que peuvent en donner les (experts). »

Quant à nous, début 2012, un siècle et demi plus tard, nous trouvons-nous beaucoup plus brillants dans nos efforts d’autonomie? On a eu « Menaud, maître draveur » qui ne put rien contre la Price, on a aujourd’hui cet autre exemple d’extorsion des employés par la fermeture de White Birch et les autres, jour après jour… on a ce discours du directeur de l’Action nationale, Robert Laplante : « On n’est pas des francophones! On est des Québécois », résumant ainsi notre acceptation passive de cette diminution qui nous est encore imposée… gouvernance souverainiste, jusqu’à ce que le peuple soit prêt… sur la glace pour 15 ans, pour la génération future, tout ça gobé après les 10 de moratoire qu’a réussi à nous prédire Mario Dumont, avant un autre référendum.
166 ans après…, mais Chauveau hurlait dès la Rébellion des Patriotes par son poème trop rare, « L’insurrection » dans le journal Le Canadien, 6 avril 1838 (174 ans). Indignation qu’il dut, là aussi, camoufler par un amalgame de Montcalm et Papineau. Ne devons-nous pas encore camoufler nos griefs, aujourd’hui, sur Vigile, pour éviter les poursuites?...

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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3 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    21 janvier 2012

    M. P Lefort, merci de votre précision. En effet, en suivant minutieusement la filière des références numériques, on arrive facilement à ouvrir la page du poème. lisible sous la loupe.
    Information capitale pour qui n'a pas le loisir de se rendre à la grande Bibliothèque pour lire le microfilm comme j'ai fait enfin. À ne pas négliger, cependant, cette démarche dans la prestigieuse institution nationale quand on le peut, pour profiter des services professionnels et fort accueillants des préposés à la Collection nationale en particulier.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2012

    Pour lire le poème L'Insurrection, allez sur le site de la Collection numérique de la Bibliothèque nationale pour y consulter l'édition du 6 avril 1838 du journal Le Canadien

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2012

    L'Histoire ne fait que se répéter. Ce que décrit Guérin, c'est l'exploitation héhontee que subissent encore trop de travailleurs, la braderie de nos ressources et le capitalisme sauvage comme on le connaît depuis 10-15 ans.
    On n'aura pas lu le poème de Chauveau, mais nous avons chaque jour de multiples raisons de nous indigner, raisons constamment dénoncées sur bien des tribunes dont Vigile.
    On peut lire le poème "L'Insurrection" à la BAnQ sur microfilm, secteur Collection nationale au niveau 1