Le philosophe Charles Taylor dénonce le manque de tolérance et la simplification outrancière d'une part des [«jugements en bloc»->9062] sur l'islam dans un texte diffusé depuis le début de la semaine dans le site Internet du Guardian de Londres.
Le coprésident de la Commission sur les accommodements raisonnables rapproche ces grossiers stéréotypes des clichés sur «les chrétiens et les juifs» colportés par ailleurs par certains extrémistes islamistes.
«Les penseurs en bloc de chaque côté aident et réconfortent les penseurs en bloc de l'autre côté, et chacun de leurs échanges nous rapproche un peu plus d'un abysse», écrit Charles Taylor dans son commentaire intitulé L'effondrement de la tolérance. Ces penseurs sans nuance «nous rapprochent du scénario cauchemardesque de Samuel Huntington», ajoute-t-il en évoquant l'auteur de l'essai Le Choc des civilisations, demandant de comprendre désormais les conflits en termes non plus idéologiques (comme au temps de la guerre froide) mais culturels.
Le philosophe montréalais évoque aussi les théories du prétendu projet occulte des islamistes. «Même les requêtes les plus simples, comme celle d'une écolière de porter un foulard en classe, sont soudainement chargées d'une immense signification politique et traitées comme des questions relevant des plus hautes instances gouvernementales, écrit-il. [....] En fait, il est pratiquement impossible de nos jours de parler des foulards comme d'un problème en soi. Toutes les preuves sociologiques concernant les motivations de l'écolière, qui demeurent très variées, sont balayées comme des arguments infondés. Tout ce qui compte, c'est la menace posée par l'islam.»
Le texte de Charles Taylor, publié une première fois à Berlin, en 2006, a été traduit en espagnol par le journal El País. Il paraît maintenant dans la section «Comment is free» du Guardian, une prestigieuse rubrique uniquement disponible dans Internet ([http://commentisfree.guardian.co.uk/charles_taylor/2007/09/the_collapse_of_tolerance.html->commentisfree.guardian.co.uk]).
Charles Taylor y est présenté comme un professeur de philosophie de l'université McGill sans référence à sa fonction de coprésident de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. En convalescence depuis une dizaine de jours, il devrait reprendre la semaine prochaine ses responsabilités officielles au côté de l'historien Gérard Bouchard, l'autre coprésident.
«Charles Taylor n'écrira pas de textes pendant les travaux», tranche Sylvain Leclerc, porte-parole de la commission. Mais il se peut que d'autres textes qu'il a signés refassent surface, comme au Gardian.»
La prédiction se réalise dès aujourd'hui avec la parution de son dernier livre, intitulé A Secular Age (Harvard University Press). Le philosophe y remet en question la place de la religion dans nos sociétés sécularisées. Pour lui, selon les résumés publiés par l'éditeur, nos sociétés se définissent moins par l'absence de religion que par la multiplication des possibilités de croire ou de ne pas croire pour finalement donner un sens à l'existence. Le texte relayé par le Gardian est paru pendant qu'il travaillait à ce livre au Wissenschaftskolleg de Berlin. Il suscite maintenant une avalanche de commentaires. Il y en avait déjà plus de 250 accumulés hier après-midi sur le site.
Beaucoup de lecteurs réagissent très favorablement («excellent», «enfin», etc.) et certains le critiquent férocement. «Le débat au Royaume-Uni ne tourne pas autour du foulard mais du niqab, le costume de ninja couvrant de la tête aux pieds», écrit un certain William Shaw. Il assimile ensuite le multiculturalisme à une position tolérante sur ce qui est intolérable, «comme des dindes votant en faveur de Noël». Un autre lecteur dénonce une lecture jugée naïve de l'islam. «Même la Turquie reconnaît que le port du foulard et d'autres éléments vestimentaires codifiés est la marque de ce que les Turcs appellent l'islam politique», dit cette fois le commentaire.
Charles Taylor déclenche une polémique en Europe
Le philosophe condamne l'intolérance dans une lettre disponible sur le site Internet du Guardian
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