L'égalité des sexes prime la liberté de religion

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Vote voilé - turbulences dans l'ordre démocratique


(Photo Martin Tremblay, archives La Presse)

L’égalité entre les hommes et les femmes est une valeur absolument fondamentale au Québec comme au Canada et elle ne devrait pas être subordonnée à la liberté de religion, soutiendra, la semaine prochaine, le Conseil du statut de la femme, dans un avis fort attendu sur la «diversité religieuse».


Selon les informations réunies par La Presse, ce constat sera rendu public le 27 septembre, par la présidente de l’organisme, Me Christiane Pelchat. Cet avis, destiné au gouvernement Charest, servira aussi d’éclairage à la commission Bouchard-Taylor qui tient actuellement des audiences partout au Québec, sur les «accommodements raisonnables».
Déjà, le Conseil avait annoncé ses couleurs. Dans une déclaration au moment du débat sur le vote voilé, Me Pelchat s’était opposée à la décision du DGE fédéral, Marc Mayrand, qui avait autorisé les femmes à voter le visage couvert pour des motifs religieux.
«Le fait de permettre à des femmes de voter le visage couvert est attentatoire (porte atteinte) à l’égalité entre les femmes et les hommes», avait soutenu Me Pelchat. «L’ouverture aux autres, le multiculturalisme et la tolérance ne doivent pas servir de prétexte pour nier la valeur fondamentale que constitue l’égalité entre les femmes et les hommes», poursuivait-elle. Pour le Conseil, l’égalité entre les sexes est «une valeur intrinsèque à notre système démocratique».
La longue étude juridique du Conseil, d’un peu moins de 200 pages, observe que l’égalité des sexes est un droit absolument incontournable dans la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.
L’article 28 de la Charte canadienne assure que l’égalité des sexes est une valeur tellement fondamentale qu’elle ne pourrait pas même être mise en parenthèse par la clause dérogatoire (nonobstant) de la Constitution. «Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes», stipule la Charte canadienne.
Dans l’article 15 de cette même charte, le principe de l’égalité des sexes est, cette fois, mis sur le même pied que la liberté de culte. La loi s’applique également à tous, «indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales». Mais l’article 28 est si clairement rédigé, qu’il confère à l’égalité entre les hommes et les femmes une valeur de clause interprétative, une prémisse, un préalable qui ne doit jamais être perdu de vue dans l’interprétation de l’ensemble des autres articles.
Cette égalité des sexes n’était pas aussi solidement protégée dans la première mouture de la Charte canadienne. Mais peu avant son adoption, le gouvernement Trudeau avait rajusté le tir, devant les pressions des groupes féministes. Des dispositions sur les droits des autochtones avaient été ajoutées au même moment.
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne est antérieure de quelques années à la fédérale, à une époque où les juristes étaient moins sensibles aux questions d’égalité entre les sexes. Dans la Charte québécoise, la parité entre les hommes et les femmes et la liberté de culte sont deux principes reconnus, mais l’égalité entre les sexes n’est pas explicitement prédominante sur la liberté de religion.
Dans les milieux spécialisés, certains croient que le Conseil pourrait même carrément proposer d’amender la Charte québécoise pour y affirmer cette prédominance au même titre que dans la Charte canadienne.
Reste à savoir si le gouvernement Charest aura le goût de se lancer dans un tel débat politique. Théoriquement, le Conseil du statut de la femme, où siègent plus de 20 personnes, transmet ses avis au gouvernement sans égard aux considérations politiques. Mais sa présidente, Christiane Pelchat, était, il y a moins d’un an, chef de cabinet de la ministre de la Famille, Carole Théberge. Elle est aussi la belle-mère d’Olivier Marcil, conseiller aux politiques publiques au cabinet du premier ministre Charest. Le jeune Marcil était, mardi matin, assis à la place habituelle du chef de cabinet, Stéphane Bertrand, lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres.
On y reconnaît à l’article 10 que tout le monde a droit aux mêmes libertés, «sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap».
Accommodements raisonnables
L’égalité entre les sexes est au cœur du débat sur les accommodements raisonnables. Des organismes publics comme la Police de Montréal et la Société d’assurance automobile du Québec demandent à leurs employées féminines d’éviter de traiter avec certaines clientèles, moins ouvertes à l’équité entre les sexes. Dans le passé, Jean Charest a maintes fois soutenu que cette parité absolue était «non négociable» au Québec.
Dans le passé, la Cour suprême avait toujours refusé d’établir la primauté d’une valeur comme l’égalité des sexes par rapport à la liberté de religion. Aussi, l’article 28 de la Charte canadienne «n’a jamais été testé à fond» en Cour, explique un spécialiste.
On ne pourrait s’en servir toutefois pour réclamer, par exemple, que les femmes puissent être ordonnées prêtres – ces règles relèvent de l’Église et non du droit public. En revanche, une policière qui verrait ses fonctions restreintes, à cause du refus de groupes religieux d’admettre l’autorité des femmes, pourrait faire valoir que ses droits devraient être, exactement, comparables à ceux de ses collègues
masculins.
En revanche, dans la cause sur le port du kirpan à l’école, les adversaires ont d’abord plaidé sur des questions de sécurité, plutôt que sur les valeurs collectives.
La liberté de culte n’a pas été confrontée au droit à des écoles strictement laïques pour la majorité des élèves. Les juges n’avaient pu prohiber le port de ce poignard, un rituel religieux, sur la base de la menace qu’il représentait pour les autres élèves.


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