L'auteur fera une présentation aujourd'hui devant les membres du Réseau Liberté-Québec lors de leur premier colloque à Montréal.
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On m'a demandé à quelques reprises ces derniers temps pourquoi je participerais à la première réunion du Réseau Liberté-Québec (RLQ). Je ne crois pas que l'on fasse avancer ses idées en prêchant juste à des convertis, je valorise la liberté de penser et la résistance aux excommunications. Voilà pourquoi.
C'est avec plaisir que j'ai accepté l'invitation audacieuse de gens qui savaient que je ne ferais pas qu'entériner dans ma présentation ce dont le RLQ est porteur. L'idée est d'essayer d'influencer un groupe encore jeune, porteur de certaines idées fortes dont le Québec a besoin, à partir de cette puissante valeur qu'est la liberté. Me touche tout particulièrement la critique de la déresponsabilisation systématique des Québécois, en lien avec la bureaucratisation et la réglementation excessives de notre société.
Grille gauche-droite
Ce n'est pas un hasard si le RLQ tire son origine de l'est du Québec, s'il a pris son envol dans cette ville de Québec où le paramètre symbolique n'est pas la division entre francophones et anglophones, comme à Montréal, mais une haute ville gouvernementale et élégante dominant une basse ville populaire et frustrée. Ô combien frustrée, comme on le constate à l'écoute de ce phénomène fascinant qu'est la radio populaire là-bas.
Si le RLQ se limitait à exprimer cette frustration, son intérêt resterait réel, mais limité. Mais il est également porteur d'une grille gauche-droite qui prend de l'importance tout en incarnant la vitalité spécifique de la région de Québec. Ses membres ont réussi à se connecter à une valeur puissante dont le Québec a besoin, cette liberté devenue à ce point importante pour plusieurs qu'ils sont devenus des libertariens à l'américaine.
Il y a là un risque clair de dérapage, à l'image de ces déclarations déconnectées d'un Maxime Bernier ne voyant plus dans la loi 101 qu'une contrainte à la liberté. Poussées à l'extrême, toutes les idéologies deviennent absurdes, camouflant mal l'incapacité à affronter un réel plus complexe que les plus belles théories. Ce dogmatisme idéologique peut engendrer des positions dangereuses, sinon suicidaires, comme le retour au complet libre choix de la langue d'enseignement au Québec.
Territoire miné
La réalité est que le Québec n'est ni le Wisconsin ni l'Alberta, Liberté Québec entrant à Montréal dans un territoire miné où l'anglais et le multiculturalisme ne sont pas que des concepts comme à Québec. Le Réseau se condamnera de lui-même à la marginalité s'il ne mise que sur une idéologie de droite à l'américaine déconnectée d'une réalité enracinée dans 400 ans d'histoire. La liberté ne libère personne s'il n'y a pas une identité pour la porter.
Il est révélateur que, contrairement aux autres droites dans le monde, y compris aux États-Unis, celle qui essaie de se cristalliser au Québec ne soit pas nationaliste. On est clairement en réaction à plusieurs décennies d'hégémonie d'une culture souverainiste devenue symbole d'échec, jointe à la sacralisation d'un modèle québécois ancré à gauche. Le Québec ne se résume pourtant pas au mouvement souverainiste, alors que l'intérêt national québécois est quelque chose de plus fondamental qu'un consensus ponctuel de gauche. Nous avons plus besoin ces temps-ci de l'esprit des coureurs de bois auquel en appelle Michel Kelly-Gagnon que de la folle bilinguisation systématique de la 6e année que Jean Charest veut imposer aux seuls jeunes francophones avec la complicité du PQ.
Mieux connecté au Québec
Ce qui frappe entre autres dans le réseau Liberté-Québec, c'est la jeunesse, l'enthousiasme, c'est l'énergie. Le Québec, dont on a parfois l'impression qu'il se meurt à petit feu de la peur de déplaire, doit intégrer ce qu'il y a de juste et de fort dans cette critique radicale. Une alternative de droite prendra tôt ou tard le pouvoir à Québec alors que ni le RLQ ni l'ADQ n'ont actuellement de préoccupations identitaires. Il serait tragique que l'échec que nous avons vécu quant à la question nationale empêche la droite de demain de s'intéresser à l'avenir de notre peuple.
Il est dans l'intérêt du Réseau Liberté-Québec de se connecter davantage au Québec sur le plan de l'identité dans des dossiers comme la critique du multiculturalisme à la canadienne, de même que d'une politique linguistique fermement axée sur la claire prédominance du français sans exclusion de l'anglais. Une société obsédée d'inclusion de façon parfois maladive doit résister à la tentation de traiter en parias des Québécois souvent jeunes, qui estiment que seuls des changements radicaux permettront de dégager notre société de l'ornière où elle est enlisée.
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Christian Dufour, politologue à l'ENAP
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