Le gouvernement fédéral vole au secours de l'industrie forestière avec un très attendu plan d'aide sur trois ans dont l'enveloppe atteint près 900 millions de dollars.
Le programme de soutien financier comprend des centaines de millions de dollars tant pour les entreprises que pour les travailleurs, notamment en garanties de prêt et en bonifications à l'assurance-emploi.
Le coup de pouce d'Ottawa était attendu depuis un bon moment par l'industrie forestière, qui doit composer depuis avril avec la décision américaine de frapper les importations canadiennes de droits compensatoires à la frontière.
Les trois ministres mobilisés pour en présenter les grandes lignes, jeudi, à Ottawa, ont assuré que le Canada continuerait à se battre «vigoureusement» devant les tribunaux pour s'opposer à l'imposition de ces tarifs.
«Laissez-moi répéter que notre gouvernement est en désaccord complet avec les poursuites commerciales intentées par le département du Commerce», a insisté en conférence de presse le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr.
«Nous continuerons à nous battre contre ces tarifs avec vigueur, incluant devant les tribunaux», a-t-il insisté, disant avoir «confiance d'obtenir gain de cause, comme cela a toujours été le cas dans le passé».
Sa collègue aux Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a souligné que les négociations en vue de la conclusion d'une nouvelle entente sur le bois d'oeuvre se poursuivaient avec les responsables du département du Commerce américain.
Celle qui cumule les fonctions de diplomate en chef du Canada et de gardienne de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a refusé se prononcer sur un échéancier, disant vouloir «une entente demain» tout en étant consciente de n'en être pas «très, très proche».
La ministre a par ailleurs affirmé qu'elle était ouverte à l'idée de profiter de la renégociation prochaine du traité pour y enchâsser le bois d'oeuvre et ainsi régler une fois pour toutes la question qui revient périodiquement empoisonner la relation commerciale canado-américaine.
«Ce n'est vraiment pas impossible, on doit considérer toutes les possibilités», a dit Mme Freeland, persistant à dire que l'administration Trump, malgré son protectionnisme, est bien consciente de l'importance du lien commercial unissant les deux nations voisines.
Mais pour assurer la pérennité de l'industrie forestière du Canada, il est aussi primordial de réduire sa dépendance au marché américain et d'en percer d'autres à l'international, a plaidé à ses côtés le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne.
Et il n'y a «jamais eu de meilleur moment pour diversifier nos marchés», a-t-il insisté, citant abondamment les nombreuses occasions d'affaires que le Canada se doit selon lui de saisir du côté de l'Asie, entre autres en Chine.
En attendant que ces occasions se matérialisent, les États-Unis demeurent le premier destinataire des produits du bois d'oeuvre, et il est «certain qu'on reste à l'affût pour voir les développements, pour toujours appuyer l'industrie (...) dépendant de l'évolution de la situation», a dit M. Champagne.
Le gouvernement a dû jouer à l'équilibriste en élaborant ce plan d'aide. Il devait trouver une façon de soulager l'industrie et ses travailleurs en tâchant d'éviter que son programme soit perçu comme une subvention directe au sud de la frontière.
Les libéraux estiment avoir relevé le défi. «Tout geste a le potentiel d'entraîner des risques sur le plan commercial. Nous pensons avoir été prudents. (...) Nous croyons qu'il s'agit d'une réaction adéquate», a offert le ministre Carr.
Le puissant lobby américain de la foresterie n'a pas tardé à laisser savoir qu'il ne voyait pas les choses du même oeil, accusant le Canada de «refuser de jouer selon les mêmes règles du jeu» que les États-Unis dans un communiqué publié jeudi, peu après l'annonce d'Ottawa.
«Ce nouveau financement s'ajoute aux subventions gouvernementales existantes qui stimulent l'industrie canadienne du bois d'oeuvre, désavantageant l'industrie du bois d'oeuvre des États-Unis et menaçant les emplois américains», a pesté Zoltan van Heyningen, porte-parole de la U.S. Lumber Coalition.
Les partis d'opposition à Ottawa ont tous jugé que les mesures dévoilées jeudi étaient satisfaisantes mais ont déploré à l'unanimité la lenteur du gouvernement à agir dans ce dossier - l'entente sur le bois d'oeuvre est venue à échéance en octobre 2015.
Autres réactions
Le programme a été accueilli favorablement par l'industrie, ses regroupements de travailleurs ainsi que les municipalités, qui commençaient tous à taper du pied à quelques semaines de l'imposition probable de droits antidumping, attendus le 23 juin.
«Ça va en droite ligne avec les attentes qu'on avait formulées», s'est réjoui à l'autre bout du fil le vice-président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Drummondville, Alexandre Cusson.
Au Conseil de l'industrie forestière du Québec, le président André Tremblay parle quant à lui d'«un excellent pas dans la bonne direction», surtout que le fédéral a envoyé le signal qu'il «pourrait intervenir à nouveau si jamais il y avait une détérioration du contexte».
C'est ce qu'a aussi noté le ministre des Forêts, Luc Blanchette, du côté de l'Assemblée nationale.
«On nous a assuré, au gouvernement fédéral, que, si la situation ou le contexte devait changer (après le 23 juin), il pourrait y avoir d'autres ajustements, d'autres programmes, d'autres mesures que le gouvernement fédéral devrait lancer», a-t-il dit en point de presse.
Le ministre Blanchette s'est par ailleurs dit «très content» des mesures fédérales et de leur «complémentarité» avec le plan d'appui mis de l'avant il y a quelques semaines par le gouvernement du Québec.
Le Conference Board du Canada a prévenu dans un rapport publié mercredi que les producteurs canadiens de bois d'oeuvre seraient durement affectés par une nouvelle guerre commerciale.
L'industrie débourserait 1,7 milliard en droits par année, supprimerait 2200 emplois et perdrait 700 millions en exportations vers les États-Unis au cours des deux prochaines années.
Au cours d'une dispute antérieure entourant le bois d'oeuvre, le Canada avait perdu 20 000 emplois en foresterie de 2000 à 2006. Environ 400 scieries avaient également fermé complètement entre 2004 et 2009.
Le syndicat Unifor, qui représente 24 000 travailleurs forestiers oeuvrant au sein de 134 entreprises, évalue que les droits cette fois-ci imposés pourraient toucher 25 000 emplois canadiens.
> Lire la suite de l'article sur La Presse
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé