Alors que l’éditorialiste en chef d’un autre quotidien estimait récemment que « la montée du bilinguisme à Montréal [constituait] une grande richesse », Robert Dutrisac regrette, lui, « La bilinguisation du Québec » (Le Devoir du 5 janvier). En tant que francophone parfaitement bilingue qui a connu les avancées du français dans le Montréal d’avant 1995, mais qui vient de subir un « no, I don’t speak French » (sans « sorry » !) d’une jeune vendeuse chez Ogilvy, je partage l’inquiétude de M. Dutrisac.
Si on veut corriger la tendance actuelle, il faudra cependant s’assurer d’abord que Montréal et le reste du Québec partagent la même lecture des enjeux, soient sur la même longueur d’onde. Pour l’instant, l’incontestable bilinguisation de Montréal n’entraîne pas que le Québec entier se sent « bilinguisé ». Jusqu’où ira alors l’empathie de la province pour Montréal ?
Combien de francophones à Québec ou à Roberval, à Granby ou à Matane, considèrent l’anglicisation de Montréal comme un phénomène relativement étranger, finalement inévitable pour une métropole en notre ère de mondialisation ? Ce Québec, sécurisé dans sa langue et intégrant facilement sa « diversité » émergente, a-t-il peut-être fait une croix sur un Montréal anglo-ethno-Plateau inextricable ? Un ami en région, nationaliste, me demandait récemment si les francophones de Montréal ne crient pas au loup un peu trop facilement !
Dans ce contexte, des resserrements à la loi 101 auraient-ils l’appui du Québec francophone entier, au risque de nouvelles querelles linguistiques ? La CAQ, qui ne doit rien à Montréal, pourrait-elle être plus courageuse que naguère les libéraux ou le PQ ?