Belle province, routes affreuses

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L'État doit intervenir pour assainir les routes du Québec


OTTAWA | Lorsqu’on demande aux conducteurs ontariens de nous décrire leur expérience sur les routes du Québec, les réponses sont souvent crues, parfois savoureuses, mais jamais flatteuses.


Gilles Pilon a travaillé durant 35 ans comme contrôleur aérien dans les Forces armées canadiennes. En matière de bitume, il s’y connaît.


Aujourd’hui à la retraite, il se tient occupé l’été en navigant sur les eaux de la rivière des Outaouais à bord d’un traversier.


Le timonier fait l’aller-retour entre l’Ontario et le Québec à la hauteur de Thurso, en Outaouais. La petite bourgade de 2500 âmes est située à quelque 150 km à l’ouest de Montréal.


Gilles Pilon habite Embrun, dans l’Est ontarien, une région majoritairement francophone. Son chalet est situé de l’autre côté de la rivière, au Québec.


Il connaît donc bien la différence entre les deux réseaux routiers.


« En Ontario, je ne sais pas si t’as remarqué, mais les routes sont pas mal plus belles », dit-il d’emblée.


« Au printemps, c’est nid-de-poule par-dessus nid-de-poule au Québec. Des fois, c’est quasiment huit, dix pouces de creux ! »


« C’est dur sur les suspensions. Et je ne suis pas le seul qui le dit », ajoute-t-il.


Sur son traversier, la piètre qualité des routes québécoises alimente les conversations entre automobilistes, raconte l’ancien militaire.


Quelle est donc la réaction des Ontariens comme vous, M. Pilon, lorsqu’ils franchissent la frontière québécoise ?


« On rentre dans la boîte à outils à monseigneur ! » lance-t-il au journaliste qui le fait répéter faute d’avoir bien compris.


« On rentre dans la boîte à outils à monseigneur. On dit des câl!$ et des tab@%#?& », dit-il en éclatant de rire.


Cela résume bien l’affaire.


De façon étonnante, plusieurs Ontariens n’ont pas que des opinions de surface sur nos routes. Nombreux sont ceux qui ont un avis sur les causes plus profondes pouvant expliquer nos chemins embarrassants. Comme l’utilisation d’asphalte recyclé que nous intégrons à notre bitume. Une façon de faire aujourd’hui bannie au pays de Doug Ford.


Le vent est doux de part et d’autre de la rivière des Outaouais en cet après-midi ensoleillé de juin. Plusieurs motocyclistes ont enfin sorti leur deux-roues laissés trop longtemps au fond du garage à cause du printemps tardif.


Par milliers, chaque année, les amateurs de moto ontariens prennent d’assaut nos routes de campagne. Malgré la beauté du panorama, leur expérience de randonnée est souvent ternie par des balades cahoteuses.


« On fait de la moto de l’autre côté, parce que les paysages sont plus beaux, avec les lacs, et tout ça », raconte Sonia Duval, attablée dans un Tim Hortons de Hawkesbury.


Mme Duval et ses compagnons de route ont appris à éviter certains secteurs de l’Outaouais. Il s’agit pour eux d’une question de sécurité.


« Nous autres, en Ontario, on n’a pas ça des o$!& de gros trous pour se péter la yeule, lance-t-elle, un peu contrariée, déclenchant les hochements de têtes approbateurs de ses amis motocyclistes. C’est à cause que notre asphalte ici n’est pas recyclé. »


La sûreté des routes québécoises est aussi une source d’irritants pour Josée et Luc Chalifoux.


Croisés à bord de leur motocyclette près d’un traversier en banlieue d’Ottawa, le couple réduit sa vitesse lorsqu’il roule dans la Belle Province, afin d’éviter le plus possible de tomber sur un nid-de-poule.


« Il y a une très grosse différence entre les routes du Québec et de l’Ontario. Au Québec, il y a beaucoup de nids-de-poule un peu partout. Quand j’en frappe un en moto, ça me donne des maux de ventre », raconte Josée Chalifoux, sans perdre son sourire.


Pour d’autres automobilistes ontariens croisés à la frontière, la qualité des routes québécoises agace moins que le tempérament bouillant des conducteurs.


Comme quoi il y aura toujours une raison de se plaindre derrière le volant.