Ils ont bravé la mer sur des barques incertaines, marché des jours, et ils se retrouvent maintenant devant une clôture, alors qu’ils rêvent de rejoindre les pays les mieux nantis de l’Union européenne (UE). Des dizaines de migrants bloqués en Serbie ont fait sentir leur frustration, causant des heurts avec la police hongroise. D’autres ont quant à eux tenté leur chance en Croatie.
Les yeux rougis par des gaz lacrymogènes, des candidats à l’exil ont réussi à arracher le grillage censé les arrêter près du passage frontalier de Röszke, en Hongrie. À l’assaut des forces antiémeutes avec des pierres ou des pavés, ils scandaient « allons-y », « je te déteste Hongrie », selon un journaliste de l’AFP.
Il s’agit du premier incident de ce type depuis que Budapest a complètement bouclé cette limite de son territoire avec le pays voisin. Dans la nuit de lundi à mardi, la dernière brèche a en effet été bouchée par des barbelés, une fermeture complète évoquée comme un « nouveau rideau de fer » aux portes de l’Europe.
Les deux voies d’accès menant vers la Hongrie, d’habitude empruntées par des voitures, sont transformées en camping avec plus d’une centaine de tentes dressées à même l’asphalte.
Le calme est revenu dans la soirée, et la police hongroise a assuré avoir « maîtrisé la situation ». Selon un bilan révisé à la baisse par la police, 14 membres des forces de l’ordre ont été blessés. Des sources serbes ont indiqué avoir compté plusieurs migrants blessés, sans donner plus de détails.
Depuis New York, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a jugé « inacceptable » le traitement des migrants par la police hongroise.
Un flot en mouvement
À une cinquantaine de mètres du lieu des échauffourées, Walid, un Syrien de Damas d’une trentaine d’années, lance à un journaliste de l’AFP : « Habibi ! [Mon ami] est-il risqué d’essayer d’aller vers l’Allemagne en passant par la Croatie ? S’il vous plaît, ne me mentez pas. »
Une question qui laisse présager qu’une nouvelle route d’entrée vers l’UE pourrait se dessiner dans les prochains jours. Jusqu’à mardi, la Hongrie a constitué le principal pays de transit en Europe centrale, avec plus de 200 000 passages depuis janvier.
Face à la Hongrie barricadée, les migrants se tournent en effet vers la Croatie. Près de 1200 d’entre eux sont entrés dans ce pays depuis la Serbie, a indiqué dans la soirée un communiqué du ministère croate de l’Intérieur.
Le premier ministre croate, Zoran Milanovic, a quant à lui assuré que son pays était prêt à diriger les migrants « vers les destinations où ils souhaitent se rendre, l’Allemagne et la Scandinavie ». Son pays est prêt à accorder le droit d’asile à quelques milliers de migrants, mais pas à des « dizaines de milliers », a averti la chef de la diplomatie croate, Vesna Pusic, mercredi soir à la télévision nationale HRT.
Un déplacement des flux migratoires est prévisible selon Catherine-Lune Grayson, chercheuse invitée au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). « Les gens évaluent très vite par où ils pourront passer », note-t-elle d’expérience. « Les contrôles frontaliers très stricts ne font pas que moins de gens traversent, ils font que les gens changent de trajectoire », explicite celle qui a également travaillé auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que leur nombre a explosé sur la « route des Balkans » depuis le début de 2015. La Libye était « devenue un point de passage à partir du moment où le gouvernement a été déstabilisé », rappelle Mme Grayson. Une route d’immigration des côtes libyennes vers l’Italie s’était alors tracée en Méditerranée centrale. Cette trajectoire devenue plus dangereuse entre autres à cause d’un renforcement des patrouilles de Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières, les passeurs ont choisi de plus en plus la route des Balkans. Les réfugiés, dont une forte proportion est des réfugiés irakiens et syriens, passent donc de la Turquie aux îles grecques, puis de la Macédoine à la Serbie.
Catherine-Lune Grayson estime que la Hongrie viole en partie ses obligations internationales et celles de l’UE : « On a le droit de fermer une frontière, on a le droit d’empêcher les gens de la franchir. Mais il doit y avoir des centres où les gens peuvent demander l’asile », détaille-t-elle. Le pays a en outre menacé de criminaliser toute personne qui franchissait sans permission sa frontière, prévoyant des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. « La détention ne devrait être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles, de menace à la sécurité nationale », avertit la chercheuse du CERIUM. Elle rappelle que les réfugiés ont des droits fondamentaux, « ce qui inclut de subvenir à leurs besoins et d’être traités dignement ».
Mardi, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a évoqué la probable construction d’un nouveau mur à la frontière entre la Hongrie et la Croatie, dans un entretien au journal français Le Figaro à paraître, où il réaffirme sa farouche opposition aux quotas obligatoires de réfugiés en Europe.
Les pays membres de l’Union ont échoué à s’entendre sur une répartition des réfugiés et plusieurs pays ont rétabli leurs contrôles aux frontières. Une autre réunion extraordinaire entre les 28 ministres de l’Intérieur est prévue le 22 septembre, alors que la crise migratoire ne donne pas de signes d’essoufflement.
CRISE MIGRATOIRE
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