Les voitures de métro du Réseau express métropolitain (REM) seront entièrement construites dans une usine indienne, a confirmé Alstom jeudi à l’occasion du coup d’envoi du chantier de 6,3 milliards de dollars. L’entreprise soutient cependant qu’elle créera davantage d’emplois permanents au Québec dans le cadre du projet du REM.
En partenariat avec SNC-Lavalin, Alstom a obtenu le contrat pour la fourniture de 212 voitures de métro de type Metropolis pour le REM. « Les voitures dont il est question sont des véhicules spécifiques et le centre de compétences se trouve en Inde. C’est pour cela que nous avons pris cette décision », s’est justifié Henri Poupart-Lafarge, p.-d. g. de la compagnie, jeudi, alors que le premier ministre Philippe Couillard, le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Michael Sabia, et la mairesse de Montréal, Valérie Plante, procédaient au lancement des travaux du REM.
Les deux tiers — soit 67 % — des 2,8 milliards de dollars du contrat du consortium dirigé par Alstom Canada seront investis au Québec, a insisté M. Poupart-Lafarge.
Le grand patron d’Alstom a aussi fait valoir que la fabrication des voitures représentait une centaine d’emplois en Inde pendant un an. Or, Alstom entend créer 250 emplois au Québec pour l’entretien et l’exploitation du REM pour les 30 prochaines années, a-t-il dit.
Centre d’expertise
Alstom a également annoncé que l’entreprise implanterait à Montréal un centre d’expertise mondiale dans la recherche et le développement de systèmes intégrés de contrôle en mobilité urbaine. Ce centre emploiera une centaine de professionnels et leurs travaux serviront à des projets d’Alstom dans le monde, a expliqué M. Poupart-Lafarge.
Le 8 février dernier, lors de l’annonce de la sélection d’Alstom pour le contrat des voitures du REM, des critiques déploraient que Bombardier n’ait pas été retenue alors que la Caisse de dépôt avait investi de façon importante dans cette entreprise en 2015. La Caisse est un investisseur et son objectif était d’obtenir le meilleur projet au meilleur prix, avait alors soutenu Michael Sabia.
Jeudi, M. Sabia a maintenu sa position. Et lorsque questionné sur les garanties que la Caisse aurait pu obtenir de Bombardier quant au lieu de construction des voitures si l’entreprise avait décroché le contrat, il a eu cette réplique : « Nous ne pouvons pas faire un commentaire direct pour répondre. La seule chose que je vais vous dire, c’est qu’au Québec, il n’y a pas d’usine outillée pour construire le REM, du point de vue technologique et de la machinerie. »
Quant à l’usine d’Alstom de Sorel-Tracy, son avenir semblait incertain compte tenu de la fin du contrat des voitures Azur. Mais le géant français a annoncé jeudi matin qu’il lui confierait deux mandats pour des clients internationaux. « L’annonce à Sorel-Tracy est importante », a avancé M. Sabia.
Début des travaux
La cérémonie symbolique de la pelletée de terre marque le début du vaste chantier du REM. Des travaux préparatoires ont déjà commencé, mais les activités devraient s’intensifier dans les prochaines semaines.
La Caisse de dépôt a mis en place un bureau de projet qui emploiera quelque 800 personnes. D’ici la fin avril, la séquence détaillée des travaux sera rendue publique. Pour l’instant, Michael Sabia se limite à dire que l’antenne entre la Rive-Sud et Montréal sera priorisée puisque c’est elle qui sera livrée en premier.
Le chantier pourrait causer des perturbations sur la ligne du train de banlieue entre Deux-Montagnes et le centre-ville de Montréal, destinée à devenir une antenne du REM. À compter du 20 avril, le service sur cette ligne sera suspendu le week-end pour permettre le début des travaux. Les rails devront être remplacés et les gares reconstruites, ce qui risque de créer d’importantes perturbations de services au cours des prochaines années.
CDPQ Infra promet de dévoiler, d’ici la fin du mois, la programmation des travaux. « Les perturbations seront inévitables », a reconnu Michael Sabia. « Mais nous sommes très conscients de l’importance de minimiser les interruptions du service. »
Privatiser le REM ?
Le projet du REM a été malmené au cours des dernières semaines, en raison notamment des privilèges qu’il aurait obtenus. Les critiques ont aussi dénoncé le manque de transparence de la CDPQ et les risques d’explosion des coûts pour les municipalités. Certains observateurs craignent même que la Caisse puisse éventuellement vendre le REM à des intérêts privés. « Pour nous, un actif qui va nous rapporter entre 8 et 9 % sur le très long terme et de façon très stable, c’est un actif idéal. Ce n’est pas notre intention actuellement de céder ou de vendre cet actif », a assuré M. Sabia. « La seule chose qui nous empêche [de vendre cet actif], c’est la logique. Et à la Caisse, on essaie toujours d’agir de façon logique. Ce n’est pas quelque chose qui va arriver. »
De son côté, le gouvernement Couillard s’est fait reprocher par l’opposition officielle à Québec de s’être ingéré dans les décisions de la Caisse de dépôt pour prolonger le REM dans l’ouest de l’île de Montréal de manière à privilégier les circonscriptions des ministres Martin Coiteux, Geoffrey Kelley et Carlos Leitão.
Le chef péquiste, Jean-François Lisée, a fait valoir jeudi que l’achalandage anticipé ne justifiait pas le coût de cette antenne évalué à 1,4 milliard. Un système rapide par bus (SRB) ou un tramway aurait été plus approprié et aurait coûté dix fois moins cher, a-t-il dit.
Le futur prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal, qui a été annoncé cette semaine au coût de 3,9 milliards, reviendrait à 35 000 $ par passager par jour, tandis que le REM sur cette antenne reviendrait à 60 000 $ par passager par jour.
Philippe Couillard a balayé les prétentions de son adversaire péquiste. « Ce n’est tout simplement pas vrai qu’on applique des critères de ce type-là », a-t-il dit.
Le premier ministre a affirmé que la défunte Agence métropolitaine de transport (AMT) et la Ville de Montréal, en 2008, avaient recommandé de pousser plus loin le transport en commun dans l’ouest de l’île. Le chef libéral a laissé entendre que l’opposition s’en prenait à cette portion du REM parce qu’elle allait servir à des populations à fortes proportions anglophones. « Nous, on traite tous les citoyens de toutes les origines de la même façon », a-t-il dit.