Au Québec, le gouvernement Legault fête le premier anniversaire de son élection historique. Son franc nationalisme québécois cache-t-il un projet souverainiste? L’hypothèse fait les choux gras de certains analystes. Pour François Côté, avocat et analyste politique, la vérité est ailleurs. Entrevue.
Ce premier octobre, cela fait aujourd’hui exactement un an que la Coalition Avenir Québec a remporté pour la première fois de son histoire l’élection provinciale au Québec. Fondé en 2011, le jeune parti de centre-droit parvenait à mettre fin à quinze années de règne libéral marqué par un rapprochement avec Ottawa. Un véritable coup de tonnerre.
«Aujourd’hui, on a marqué l’histoire. On a réussi à rassembler et c’est dans cet esprit de rassemblement que j’ai l’intention de gouverner. […] Pour moi, la principale qualité d’un Premier ministre, c’est d’aimer les Québécois. Je n’oublierai jamais ça», déclarait M. Legault durant son discours de victoire à Québec.
Anticipant le premier anniversaire de cette élection historique, le Premier ministre a récemment dressé le bilan de son début de mandat. Selon lui, son premier legs est d’avoir redonné leur «fierté» aux Québécois, notamment en adoptant la loi sur la laïcité de l’État. M. Legault avait aussi promis de revoir le nombre d’immigrés reçus annuellement à la baisse, ce qu’il a fait.
«Les demandes qu’on a faites à Ottawa, le fait qu’on ait modifié les règles concernant la francisation, concernant le choix des immigrants, concernant le nombre d’immigrants: Je pense que les gens se disent qu’il y a quelqu’un qui protège notre nation», a-t-il déclaré lors d’un entretien accordé dans ses bureaux au groupe TVA Nouvelles.
Ancien ministre phare du Parti québécois (1998-2003), une formation résolument souverainiste, François Legault a longtemps prôné l’indépendance totale du Québec. C’est donc souvent à l’aune de ce passé qu’est jaugée son action. Ses adversaires fédéralistes n’ont d’ailleurs jamais hésité à rappeler ses anciennes allégeances pour tenter de miner sa crédibilité.
[BLOGUE] La ruse souverainiste de Legault: «derrière les postures de François Legault se cache toujours un souverainiste convaincu.»https://t.co/rQOfneWsdv
— Journal de Montréal (@JdeMontreal) 12 février 2019
Pour l’avocat et analyste politique François Côté, si M. Legault n’a pas vraiment renoué avec le projet d’indépendance, il est évident qu’il a inauguré une nouvelle ère nationaliste et autonomiste. M. Legault ne vise plus la souveraineté, mais sans aucun doute à accroître les pouvoirs du Québec au sein de la fédération.
«Le gouvernement caquiste est, à mon humble avis, résolument nationaliste, au sens que sa priorité première est la défense politique, légale et juridique de la nation québécoise au sein de la fédération canadienne. La nouvelle loi sur la laïcité de l’État en est un exemple absolument resplendissant», a d’abord mentionné Maître Côté au micro de Sputnik France.
Le 18 septembre dernier, M. Legault a demandé aux partis fédéraux investis dans la campagne électorale fédérale en cours à s’engager à respecter l’autonomie du Québec s’ils étaient portés au pouvoir. Réagissant à cette intervention, le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, a réitéré qu’il n’entendait pas contester la loi québécoise sur la laïcité en cas de victoire. Un engagement qu’a préféré ne pas prendre le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, ne jurant que par les droits individuels. Dans tous les cas, François Côté voit dans cette requête de François Legault une preuve supplémentaire de son programme autonomiste:
«Ce n’est rien de moins qu’une réaffirmation du modèle national et sociologique distinct au Québec en matière de laïcité […]. Aujourd’hui, François Legault semble résolument nationaliste, et je crois sincèrement qu’il considère qu’il y a des gains à faire pour le Québec au sein de la fédération», a poursuivi l’avocat qui intervient régulièrement dans les médias francophones.
Maître François Côté ne croit pas à la thèse d’obscurs desseins souverainistes du Premier ministre. Une hypothèse aux accents quelque peu machiavéliques, fréquemment évoquée sur les réseaux sociaux. En revanche, il estime que l’ingérence d’Ottawa dans des dossiers comme la laïcité et la langue française pourrait forcer le gouvernement Legault à adopter une posture proche de celles des anciens Premiers ministres souverainistes:
«Je ne crois pas que François Legault ait un programme souverainiste secret, mais plutôt qu’il est sincèrement un fédéraliste-nationaliste. Cela dit, pourrait-il renouer avec l’idée d’un souverainisme de coalition transpartisane, comme celui qui a marqué l’époque des anciens Premiers ministres René Lévesque et Jacques Parizeau? Je n’exclurais certainement pas cette possibilité, surtout si vient encore le temps de défendre la survie du Québec par rapport à un cadre fédératif qui deviendrait étouffant», a tranché Maître Côté.
Le 21 octobre prochain, un nouveau gouvernement fédéral sera choisi par les électeurs. La reconduite des Libéraux de Trudeau ou l’élection d’un autre parti pourrait rapidement changer la dynamique entre Québec et Ottawa. Généralement considérés comme plus à l’écoute des intérêts du Québec, les Conservateurs de Scheer pourraient bien contribuer à apaiser ces tensions, qui sont finalement aussi anciennes que l’histoire du Canada.