Dans l’état des choses, que le chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest, garde le pouvoir grâce au tumulte de la rue ou qu’il le perde dans l’étalement d’autres scandales, sa formation politique est en sursis.
Quand un parti en est rendu à miser sur des casseurs et sur l’insécurité qu’ils suscitent afin de s’accrocher au pouvoir, c’est qu’il n’a plus de leader ni d’équipe de gouvernement. Est-ce déjà le cas du Parti libéral du Québec (PLQ) ? On le croirait à voir ce qu’il en reste et à entendre son discours. Désabusés, des Québécois attendent d’une élection un « vrai changement ». Mais quel choix moins déprimant pourraient-ils faire avec les autres formations, médiocres ou marginales, qui seront dans la course ?
Le Parti québécois (PQ) peine encore, en effet, à se relever de sa dégringolade de 2003 au temps de l’Action démocratique du Québec (ADQ). Et le PLQ d’aujourd’hui n’a jamais été si bas dans l’estime populaire. Quant au Parti vert et à Québec solidaire (QS), malgré l’écologie à la mode et l’économie en décote, ils ne font aucune percée significative. Même la Coalition avenir Québec, la CAQ de François Legault, hier forte du déclin des « vieux » partis, recule à son tour plafonne dans les sondages.
Le Québec ne fera pas du neuf avec du vieux. Les partis de gouvernement qui ont déterminé son histoire offraient un leadership de changement : Duplessis, Lesage, Bourassa, Lévesque. En cas d’impasse, d’autres chefs ont su se retirer : Jacques Parizeau, Daniel Johnson, Bernard Landry. Ailleurs au pays, des politiciens se sont, au contraire, accrochés à leur poste, laissant leur parti en ruines. C’est justement le sort qui est survenu aux conservateurs et aux libéraux fédéraux au Québec. Et c’est ce qui attend le PLQ.
Dans l’état des choses, que le chef libéral garde le pouvoir grâce au tumulte de la rue ou qu’il le perde dans l’étalement d’autres scandales, le PLQ est en sursis. Et que le prochain gouvernement soit minoritaire ou formé d’une coalition, les affaires publiques du Québec seront entre les mains de la même classe politique. Incapables de résoudre une crise comme celle qui secoue l’enseignement supérieur, comment ces politiciens pourraient-ils offrir une relève qui redonne espoir ?
Un leader digne de ce nom n’attend pas d’avoir perdu l’appui de son parti pour préparer la relève. Il ne s’emploie pas à garder le pouvoir avec le tiers des votes alors que les deux tiers des citoyens veulent un autre chef de gouvernement. Deux urgences sollicitent le premier ministre. Il revient d’abord à Jean Charest de préserver le climat de la prochaine élection. Lui seul peut désamorcer la contestation sociale en confiant à une instance crédible la préparation d’un règlement du conflit étudiant.
En même temps, son mandat valant pour plus d’un an encore, il devrait profiter de ce répit pour demander au PLQ de choisir un nouveau chef, de reconstituer une équipe renouvelée et de définir un programme qui réponde d’abord et avant tout aux besoins du Québec. Car c’est avec des mesures radicales, et non par des calculs électoralistes à courte vue, qu’il retrouvera le respect de ses concitoyens et que le PLQ redeviendra un parti apte à solliciter un autre mandat de gouvernement.
Sans un tel renouvellement, qui voudra donner son appui au PLQ, faire campagne sous sa bannière, être candidat ? Dominés par des faiseurs d’élections, des collecteurs de fonds, des manipulateurs d’électorat, les grands partis sont voués à la déchéance. Ils en viennent à symboliser le contraire de la représentation démocratique. Les électeurs québécois méritent mieux qu’un avenir de cliques mafieuses ou de groupuscules sectaires.
Certes, d’autres formations vont solliciter leur vote. Le PQ aurait déjà l’appui d’un bon nombre d’électeurs libéraux si ce n’était de son option constitutionnelle. La CAQ n’a pas cet obstacle-là. Et quelques-unes de ses recrues apportent du sang neuf. Mais la nouveauté de cette « coalition » représente un risque. François Legault ne manque certes pas d’expérience politique, mais il n’est pas un chef qui en impose par des convictions fortes et par un grand talent de persuasion.
Dans la prochaine campagne électorale, il faudra aussi compter avec les étudiants, les modérés, mais aussi les radicaux. Bien qu’ils ne forment pas un parti, ces mouvements ont fait la preuve qu’ils pouvaient, sinon renouveler la politique québécoise, du moins la remettre en question. Malgré l’inexpérience de leurs porte-parole dans la négociation d’enjeux collectifs, une mobilisation spectaculaire leur a donné une crédibilité indéniable.
Paradoxalement, leur détermination aura aussi contribué à redonner au gouvernement libéral un certain appui dans la population. Si des étudiants veulent faire sentir leur présence lors de la campagne, ils seraient bien inspirés d’éviter les manifestations comme celles qui ont été infiltrées par des casseurs d’origine douteuse. (Depuis le temps que ces fauteurs de troubles sévissent, il est du reste fort étonnant que la police n’ait pas su les neutraliser.)
La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins, confirmait ce week-end à Montréal qu’elle allait encourager la population, les jeunes en particulier, à aller voter. Une plus forte participation au scrutin pourra, en effet, contribuer à mettre en échec les forces de l’argent. Elle souhaite aussi qu’ils continuent la lutte « pour faire changer les choses ». Là reste le principal défi.
Les choses, faut-il le rappeler, ne changeront pas si la même classe politicienne continue de dominer la scène politique. Après les casseroles, il faudra bien sortir le balai.
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Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l’Université de Montréal.
Le PLQ et les élections
Après les casseroles, il faudra bien sortir le balai
Dans l’état des choses, que le chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest, garde le pouvoir grâce au tumulte de la rue ou qu’il le perde dans l’étalement d’autres scandales, sa formation politique est en sursis.
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