Découvrant qu’il a été sanctionné pour malversation, la candidate à la course à la direction du Parti libéral Dominique Anglade a rompu ses liens avec un courtier immobilier déchu qui gérait son image publique, a appris notre Bureau d’enquête.
L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a rendu l’an dernier deux décisions à l’endroit de Thierry Lindor, dont le permis de pratique est actuellement révoqué.
«Sa feuille de route depuis son admission démontre une pratique défaillante marquée au coin de la malhonnêteté», a indiqué le comité de discipline de l’OACIQ en mai 2018.
L’année dernière, l’OACIQ a conclu que Thierry Lindor a eu recours à un prête-nom dont il finançait également la mise de fonds, lors d’une transaction en 2011. Selon les membres du comité de discipline de l’OACIQ, il s’agit d’un «stratagème élaboré par l’intimé pour obtenir un financement gonflé d’une institution financière».
FRAUDE
Les membres du comité ont aussi conclu qu’en 2010 et 2012, M. Lindor a gonflé le prix de deux transactions immobilières impliquant un vieil ami ainsi que des partenaires d’affaires.
Une porte-parole de l’OACIQ, Marie-Ève Bellemare-Tessier, a expliqué que le gonflement de prix est «une fraude immobilière».
Ce procédé illégal prévoit habituellement que le vendeur remettra à l’acheteur une certaine somme d’argent chez le notaire, indique la porte-parole. «Cette entente peut viser plusieurs fins, comme financer des travaux, payer une dette ou laisser croire que l’acheteur détient la mise de fonds suffisante», dit-elle.
Au total, l’OACIQ a condamné l’an dernier M. Lindor à payer 11 000 $ d’amende, en plus de suspendre son permis pendant près d’un an.
En le sanctionnant, les membres du comité de discipline ont souligné que M. Lindor «se croit au-dessus de tout» et qu’il a démontré «sa volonté consciente de transgresser les normes déontologiques».
«L’intimé a un grave problème avec la vérité, ont-ils écrit dans leur décision. Le risque de récidive en l’espèce nous apparaît très élevé.»
MANDATS ANNULÉS
Dans un premier temps, lundi, l’organisation de Mme Anglade s’est contentée de plaider qu’elle n’a «jamais eu recours aux services de courtier immobilier de M. Lindor».
Pressée de nouvelles questions par notre Bureau d’enquête, l’organisation a finalement fait volte-face. «À la suite d’éléments nouveaux portés à notre attention, nous avons mis un terme à cette collaboration», nous a-t-on indiqué, hier.
Un ancien partenaire d’affaires de M. Lindor, qui a refusé d’être identifié par peur de représailles, a affirmé que les condamnations de l’OACIQ sont fondées. Il confirme que l’homme d’affaires disposait pour ses «arnaques» d’un réseau lui permettant par une succession d’achats et de ventes de gonfler le prix des propriétés. «Je me suis fait flouer», dit-il, dépité.
— Avec la collaboration d’Antoine Robitaille et Philippe Langlois
Lindor s’est occupé du «branding» de la candidate à la course à la direction du PLQ
Sanctionné par les autorités de l’immobilier qui ont suspendu son permis de courtier, Thierry Lindor s’est consacré ces derniers mois au secteur des communications.
Une entreprise qu’il a fondée, Influence Orbis, a notamment reçu des mandats de la candidate à la course à la direction du Parti libéral Dominique Anglade.
«C’est quelqu’un que j’admire, qui a de belles idées pour le Québec», a-t-il dit dans une entrevue à notre Bureau d’enquête.
Selon M. Lindor, Influence Orbis a réalisé des vidéos pour la candidate, en plus de gérer son image sur internet et les réseaux sociaux.
«On s’est occupé du branding, du site web. On a fait de la création, principalement vidéo. On fait aussi de la gestion: les médias sociaux, Instagram. Un peu de Facebook.»
L’équipe de campagne de Mme Anglade a confirmé qu’Influence Orbis «a eu un mandat de gestion des outils numériques et de production de contenu».
CRÉDIBILITÉ
Même si l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) l’a sanctionné, M. Lindor est serein. «Je ne pense pas que mes déboires avec l’OACIQ font de moi une personne qui est moins intègre», plaide-t-il.
Selon M. Lindor, qui se présente toujours sur son site web comme un expert en immobilier, ses «déboires» ont commencé à cause d’un client insatisfait qui lui réclamait 5000 $. «J’ai reçu un appel d’un client qui voulait me faire chanter», a-t-il dit.
Après avoir reçu une plainte de ce client, l’OACIQ a sorti «tous les bobos de la transaction», réalisée en 2011, a expliqué M. Lindor.
L’organisme a également étoffé la preuve contre lui en se penchant sur d’autres transactions en 2010 et 2012, même si aucun des clients ou institutions financières impliqués ne s’était plaint, a-t-il affirmé.
«J’ai refusé d’admettre ma culpabilité, dit l’homme d’affaires. J’ai toujours nié que j’avais fait quoi que ce soit de mal.»