Selon la Presse Canadienne, le gouvernement Charest jette aux oubliettes son projet de loi 16, qui voulait ouvrir la voie aux accommodements dits raisonnables dans les services publics sans rendre opérationnelle la primauté de l’égalité des sexes sur les choix religieux.
Selon le bureau de la ministre, tout le projet de loi est “sous analyse”. Une suggestion pour la ministre: qu’elle lise avec attention le dernier numéro de L’actualité, Vive le Québec laïque !. Il explique comment, de la Belgique aux USA, en passant par la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, on aborde avec une grande diversité les questions d’accommodements, mais aussi de port des signes religieux et des liens entre école et religion. Bref, contrairement à ce que les ayatollahs québécois des accommodements veulent nous faire croire, les Québécois ne sont coupables de rien.Il n’existe simplement pas deux démocraties occidentales avancées qui appliquent le même rigorisme ou le même laxisme, c’est selon, en ces matières. Ce qui signifie aussi qu’il n’existe pas de norme absolue à laquelle les Québécois devraient aspirer. Il n’y a pas de religion ou de bible de l’accommodement. Dans le respect des droits, il n’y a pas de péché. J’emploie ces termes religieux car il existe au Québec en ce moment des intellectuels qui veulent culpabiliser les Québécois de ne pas aspirer à la même lecture qu’eux de ce que devrait être notre rapport à l’autre.
Le rapport Bouchard-Taylor, bien sûr, transpire cette culpabilisation en affirmant que les Québécois furent victimes de “fausses perceptions” et qu’il leur faut une grande campagne d’information sur l’interculturalisme pour les faire changer d’avis. Il y a deux semaines, La Presse a publié un sondage où une écrasante majorité de Québécois s’opposait toujours à l’orientation actuelle en matière d’accommodements, sondage qui doit avoir fait beaucoup pour provoquer «l’analyse» du projet de loi 16.
A l’occasion de la publication de ce sondage, mon collègue de l’UdeM Daniel Weinstock (un homme charmant et érudit avec lequel j’adore discuter) s’est auto-désigné ayatollah en chef dans le compte-rendu qu’en a fait Louise Leduc. D’abord, Daniel s’en prend à ceux qui utilisent l’argument de l’égalité des sexes pour refuser des accommodements qui, justement, impliquent des entorses à cette égalité, pour des motifs de pratique religieuse:
«Aux audiences de la commission Bouchard-Taylor, cette récupération subite et opportuniste de l’égalité hommes-femmes était flagrante! C’est comme si tout d’un coup, certaines personnes avaient compris qu’elles risquaient moins de se faire traiter de racistes si elles enrobaient leur discours de l’argument de l’égalité hommes-femmes.»
C’est une lecture des choses. Une autre est que le choc des pratiques consensuelles québécoises avec des demandes religieuses intrinsèquement discriminatoires a mis en lumière, chez beaucoup de Québécois, l’importance des gains sur l’égalité des sexes accomplis en un demi-siècle et en a renforcé le caractère essentiel. Tout progressiste, il me semble, devrait applaudir. Daniel préfère y voir un paravent pour le racisme, voilà un jugement qui fera date. Mais il n’en avait pas terminé dans son entreprise de culpabilisation de la majorité:
«Manifestement, la préoccupation identitaire des Québécois est plus forte que dans le reste du Canada. Le Canadien anglais, c’est déjà un “post-ethnique”, une personne qui peut aussi bien être de souche écossaise que polonaise ou sud-américaine. Les Québécois, eux, ont toujours cette idée qu’ils ont un “nous” à protéger.» Aussi philosophe soit-il de profession, M. Weinstock doute que ce soit les grands énoncés qui fassent avancer les mentalités. Il croit plutôt à la force des choses. Quand Montréal comptera un aussi haut pourcentage d’immigrants que Toronto, ces questions ne se poseront plus avec autant d’acuité, croit-il. Et encore moins quand on constatera qu’on n’a pas les moyens de se priver, par exemple, d’une infirmière, «hijab ou pas».
Bref, le problème avec l’approche Bouchardo-Tayloriste, c’est le peuple. Il faut changer de peuple. Et, grâce à l’immigration, il est en train de changer. Grâce aussi, faut-il préciser, à l’interprétation que fait la Cour suprême d’une Charte des droits à laquelle le Québec n’a jamais consenti. Nous en aurions écrite une autre, aussi bonne, mais légèrement différente. Comme les autres peuples qui, comme l’illustre le numéro de L’actualité, ont chacun leur personnalité, respectable, dans ce débat.
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