À peine 15% des élèves des écoles publiques ordinaires vont à l’université

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L'école publique québécoise nivelle vers le bas


Les élèves issus des écoles secondaires publiques ordinaires sont toujours peu nombreux à étudier dans les universités du Québec, est-il révélé dans une récente étude.


Ils ne sont que 15 % à fréquenter l’université, a conclu Pierre Canisius Kamanzy, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, dans sa recherche publiée dans la revue Social Inclusion.


Les élèves des écoles secondaires privées — qui coûtent des milliers de dollars aux parents chaque année — sont encore proportionnellement les plus nombreux à se rendre sur les bancs de l’université.


Le professeur estime ainsi que le système scolaire québécois « contribue aux inégalités sociales ».



Je suis allé voir si les politiques publiques et l’organisation du système scolaire ne seraient pas responsables de [ces grands écarts], dit-il. Et le constat a été que oui.




 

Les chiffres calculés dans l’étude sont les suivants : 60 % des jeunes des écoles privées vont à l’université, contre 51 % de ceux des écoles publiques de type enrichi — avec des programmes renforcés en mathématiques, en sciences ou en langues, comme dans une école dite « internationale » — et 15 % de ceux en provenance des écoles publiques ordinaires. Un élève sur deux du public ordinaire arrête ses études au terme du cycle secondaire.


L’écart est ainsi plus faible entre les élèves du privé subventionné et ceux des écoles publiques à vocation particulière — 60 % contre 51 % —, souligne le professeur Kamanzy, spécialisé en inégalités sociales et scolaires.


Les écoles publiques offrant toutes sortes de programmes enrichis sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses au Québec : elles misent sur ces spécialités pour faire concurrence aux écoles privées, mais ajoutent souvent des frais à la facture des parents.


Le professeur et chercheur tire bon nombre de constats : si, globalement, il y a de plus en plus de jeunes qui étudient désormais à l’université, le taux d’accès aux études supérieures varie grandement selon le type d’école secondaire qu’ils ont fréquenté, ainsi que selon le niveau de scolarité et le revenu de leurs parents. Son étude a évalué ces deux aspects de façon indépendante.


« Je suis allé voir si les politiques publiques et l’organisation du système scolaire ne seraient pas responsables de ça, dit-il. Et le constat a été que oui. Le système scolaire est maintenant stratifié, segmenté, en trois paliers principaux » : l’école privée, l’école publique à programmes enrichis et l’école publique à programmes ordinaires.


« Au niveau politique, cette étude justifie la pertinence d’une réflexion sur les politiques éducatives au Québec », est-il écrit.


En 2016, un rapport du Conseil supérieur de l’éducation concluait d’ailleurs que l’école québécoise est la plus inégalitaire au pays.


Les données utilisées par le professeur Kamanzy proviennent d’une étude menée sur une cohorte de 2677 élèves québécois nés en 1984 et ayant pris part à l’Enquête auprès des jeunes en transition, une étude de Statistique Canada amorcée en 2000 qui a suivi le parcours de près de 30 000 enfants sur une période de 10 ans.


Depuis, les écarts sont devenus encore plus grands, juge le chercheur et professeur, car la compétition est de plus en plus féroce.


Il s’agit évidemment ici de statistiques : des élèves issus de l’école publique ordinaire font de très longues études supérieures, et d’autres, de familles aisées, deviennent des décrocheurs.


Il est à noter que la qualité des enseignants dans les écoles publiques ordinaires n’est absolument pas remise en question dans cette étude.


Pourquoi ces écarts ?


Si le milieu social d’origine a un impact sur l’accès aux études universitaires, le type d’école secondaire fréquenté aussi, dit le chercheur.


Il note d’abord que l’offre d’enseignement y est inégale. Il est question ici des ressources mises à la disposition des élèves : pédagogiques, informatiques, sans oublier les activités scolaires et parascolaires qui ont leur importance.


« Je me rappelle d’avoir voyagé avec de jeunes Montréalais qui sont allés visiter Londres et Paris. Ça dit ce que ça dit. Au retour, ils avaient toutes les ambitions, toutes les aspirations de faire la médecine, l’architecture. »


L’école va augmenter le niveau de connaissances des jeunes, mais aussi le niveau culturel, explique-t-il. « Et les élèves vont intégrer ça. »


Il signale aussi que dans les écoles privées ou publiques enrichies, il y a des attentes plus élevées envers les élèves. « Ça fait qu’ils vont s’investir davantage. »


Dans une école internationale, « on a le sentiment d’être capable ». L’estime de soi élevée, ça génère l’engagement envers la réussite, tranche-t-il. Et puis les jeunes se motivent les uns et les autres. Ce n’est pas négligeable du tout, constate-t-il, en citant des études sociologiques.


Pourtant, l’école publique à programmes enrichis est gratuite en théorie, donc accessible à ceux dont le compte bancaire est moins bien garni.


Vrai, dit le chercheur, mais ces écoles sont devenues tellement compétitives que les examens de sélection sont maintenant la norme. Les élèves provenant de milieux plus riches y sont davantage préparés et performent mieux lors de ces tests.


Mais tout n’est pas sombre. Le professeur Kamanzy note qu’un nombre croissant d’élèves, même issus de milieux défavorisés, ont accès au cégep et à l’université — les taux d’accès augmentent chaque année.


Ses recherches montrent aussi des pistes de solutions.


D’abord, il croit que le système scolaire devrait essayer d’atténuer les effets de la sélection, en laissant plus de temps aux élèves avant d’accéder aux programmes enrichis. La sélection ne devrait pas être faite dès la rentrée au secondaire, sinon, elle reste étroitement liée à l’origine sociale, juge-t-il.


Il estime que les écoles privées devraient être plus accessibles à n’importe quel type d’élève, ceux de milieux défavorisés comme ceux avec des difficultés d’apprentissage. Bref, il prône plus de mixité.


Une question demeure toutefois : décrocher un diplôme universitaire n’est-il pas un peu surévalué, lorsque des travailleurs munis d’un diplôme collégial gagnent très bien, et même mieux leur vie que ceux ayant fréquenté l’université ?


Tout à fait vrai, dit-il. Mais il ne faut pas réduire un diplôme à un salaire, précise le chercheur : la satisfaction et l’accomplissement personnel comptent aussi.




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