Un groupe d'experts de l'ONU sur le Yémen fait état de «multitude de crimes de guerre» commis durant le conflit. Si la coalition saoudienne est directement visée, les ventes d'armes par les nations occidentales sont pointées du doigt.
Dans un communiqué publié le 3 septembre, le groupe d’experts sur le Yémen créé en 2017 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (CDH) fait état «d'une multitude de crimes de guerre qui auraient été commis par diverses parties au conflit au cours des cinq dernières années», citant «des raids aériens, des tirs d'obus aveugles, des francs-tireurs, des mines antipersonnel, des meurtres, des détentions, des actes de torture [et] de violence sexuelle».
Un rapport des experts missionnés par l’ONU, qui sera présenté le 10 septembre devant le CDH, constate que les gouvernements du Yémen, de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, ainsi que les rebelles houthis contre lesquels ils luttent, ont joui d’une «absence généralisée de responsabilité» en ce qui concerne les violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme.
«Personne n'a les mains propres dans ce conflit»
Le communiqué précise que le groupe d’experts a «identifié» des «personnes susceptibles d’avoir commis des crimes internationaux» et note qu’une «liste confidentielle mise à jour de noms» a été transmise à Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme.
Elle comporterait 160 noms de dignitaires militaires et politiques saoudiens, émiratis, yéménites et houthis, d’après des informations du Guardian. Certains des actes relevés peuvent «entraîner la condamnation de personnes pour crimes de guerre si un tribunal indépendant et compétent en est saisi», explique le communiqué.
«Personne n'a les mains propres dans ce conflit», a rappelé Charles Garraway, un des experts de l’ONU, lors de la présentation du document de plus de 270 pages à la presse. Le rapport insiste plusieurs fois sur «l’obligation des Etats-tiers d’assurer le respect du droit international», citant des pays comme la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou la République islamique d’Iran qui «influencent ou apportent un soutien à une quelconque partie du conflit».
Les Etats peuvent être tenus responsables de l'aide ou de l'assistance qu'ils fournissent pour la commission de violations du droit international si les conditions de complicité sont remplies
«Les Etats peuvent être tenus responsables de l'aide ou de l'assistance qu'ils fournissent pour la commission de violations du droit international si les conditions de complicité sont remplies», est-il souligné dans le texte, jugeant que la «légalité des transferts d'armes par la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et d'autres Etats reste discutable».
«Cinq ans après le début du conflit, les violations contre les civils yéménites se poursuivent sans relâche, avec un mépris total pour le sort de la population et l'absence d'action internationale pour responsabiliser les parties au conflit», s'insurge Kamel Jendoubi, président du groupe d'experts, dans le communiqué.
Auteur: RT France
Une question posée en Europe
Depuis plusieurs mois maintenant, les débats font rage sur le Vieux Continent autour de la vente d’armes à la monarchie wahhabite, que celle-ci pourrait utiliser contre des civils au Yémen. En mai dernier, plusieurs dizaines d'activistes, dont des militants d'ONG et de partis politiques, s’étaient réunis dans le port du Havre pour empêcher le départ du Bahri-Yanbu, ce navire qui, selon le site d’investigation Disclose, devait livrer «huit canons de type Caesar» à l’Arabie saoudite. Le président de la République avait alors «assumé» ces livraisons.
Mais la France n’est pas seule dans ce cas. Par la voix de son chef de la diplomatie, Didier Reynders, la Belgique faisait savoir début mai qu’elle envisageait de suspendre ses livraisons d’armes au royaume des Saoud. Le 21 mai, en Italie, des syndicats de dockers refusaient de procéder au chargement de générateurs électriques sur le Bahri-Yanbu. Enfin, le 20 juin au Royaume-Uni, le gouvernement de l'époque annonçait la suspension de tous nouveaux contrats portant sur des armes pouvant être utilisées au Yémen.
Le conflit au Yémen, où l'Arabie saoudite mène une coalition militaire régionale depuis 2014, a fait des dizaines de milliers de morts, et trois millions de déplacés, d'après les Nations unies. Il s'agit de «la pire catastrophe humanitaire actuelle» selon l'ONU. Récemment, des lignes de fractures sont apparues au sein même de la coalition, après la prise du palais présidentiel à Aden par le 10 août par des séparatistes soutenus par les Emirats arabes unis, au détriment du gouvernement appuyé par Riyad.
Alexis Le Meur
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