Pour le journaliste et auteur Nicolas de Pape, le mouvement woke n'a pas pour finalité de rendre la société plus égalitaire ou de réduire l'expression de haines, mais bien de saper les fondements de la civilisation occidentale.
Beaucoup, notamment à gauche, se méprennent sur les intentions des woke (éveillés). La lutte contre les discriminations et phobies de toutes sortes n’est que le cache-sexe d’une ambition bien plus vaste : changer les normes sociétales et faire table rase d’un Occident accusé abusivement de patriarcat, machisme et racisme systémique. C’est la tyrannie des minorités contre une majorité sommée de travailler à sa propre destruction ou se taire. Dans Tout doit disparaître/cancel culture, wokisme et autres nihilismes contemporains, j’esquisse les contours de cette guerre idéologique pour le moment sans contre-pouvoirs.
Tout a commencé par #MeToo, proposant une juste dénonciation de la terrible condition des femmes harcelées et violées dans l’indifférence générale à la suite notamment de l’affaire Weinstein, mais qui s’est vite transformée, dans sa version française «Balance ton porc», en une chasse à l’homme et au masculin, jetant aux chiens plusieurs célébrités innocentes. Le mâle est désormais présumé coupable. On confond virilité protectrice et violence faite aux femmes.
Les Black lives matter se sont ensuite réveillés à la suite du meurtre de George Floyd, dont la lente agonie a légitimement ému toute l’Amérique et le monde pour se transformer en un instrument d’insurrection civile pendant toute l’année 2020 polluant, avec la complicité des antifas mais aussi du Parti démocrate, la campagne présidentielle américaine. Ce mouvement s’est dévoyé ensuite en un «néo-racisme» voyant dans tous les blancs des «coupables idéaux» (Pascal Bruckner) en raison de leur épiderme et devant s’agenouiller pour les crimes de leurs ancêtres esclavagistes. C’est notamment le procès d’intention mené par l’essayiste Robin DiAngelo dans son White Fragility, n’hésitant pas à écrire que «nul n’est innocent de sa race».
Alors que toutes les minorités se revendiquent d’un clan, d’une mouvance ou d’un groupe ethnique, la majorité silencieuse, encore genrée et européenne de souche, est sommée d’adhérer à cette tyrannie des minorités ou se taire. Toute revendication identitaire défensive de sa part la voue à des accusations infamantes, entre néofacisme et racisme. Un politiquement correct étouffant termine de faire taire toute parole qui se détache de l’orthodoxie néo-progressiste.
Des mouvements décoloniaux achèvent de détruire notre passé par des «lapidations» de statues de grands hommes qui, malgré leur ambiguïté sur le plan éthique à l’aune de la morale de leur temps, ont fait notre histoire. Au lieu d’affronter notre passé, il faudrait l’éradiquer…
Le paradoxe est que ces mouvements déconstructivistes sont les plus véhéments dans les deux parties du monde (Europe de l’Ouest et Amérique du Nord) où le patriarcat, le racisme, le machisme et l’homophobie ont été le plus combattus et sont en passe de disparaître.
L’Occident n’est certainement pas la pire des civilisations – elle a même atteint au XXIe siècle un sommet de démocratie et de tolérance – mais elle ne cesse, face à ces mouvements extrémistes, de faire son mea culpa dans une sorte d’exubérante auto-flagellation. Une faiblesse exploitée sans vergogne par ses ennemis de l’intérieur alors que les autres civilisations, bien plus attentatoires aux droits de l’Homme, observent notre suicide civilisationnel avec un regard sarcastique.
Nicolas De Pape
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