WikiLeaks frappe encore. La nébuleuse numérique vient de jeter un peu de lumière sur un quart de million de notes confidentielles émanant des services diplomatiques américains. Ce n’est pas la première fois que WikiLeaks révèle des trucs à faire dresser les cheveux sur la tête. Ce ne sera pas la première fois que le public s’en contre-fiche.
Je lis les notes confidentielles qui commencent à s’infiltrer dans la sphère publique, via ces vieux médias que sont le New York Times, le Guardian, le Der Spiegel, Le Monde et El Pais.
Et c’est fascinant, comme le sont toujours les réelles pensées des gens qui nous endorment à grands coups de langue de bois.
Au premier coup d’oeil, au moment d’écrire ces lignes, hier soir, un constat : WikiLeaks donne de la couleur et de la saveur à des informations qui étaient bien souvent connues.
C’est embarrassant, bien sûr. Parce que la diplomatie, comme son nom l’indique, n’est surtout pas l’art d’insulter des gouvernements étrangers. Dire, par exemple, que l’Iran est un État fasciste (un conseiller diplomatique de Sarkozy), qu’Angela Merkel est peu créative (l’ambassade US de Berlin) ou que Hugo Chavez est fou (le même conseiller de Sarkozy) n’est pas très gentil. Même si c’est probablement vrai…
Et le Canada, dans tout ça ?
On ne sait pas encore. Les cinq médias choisis par WikiLeaks pour décortiquer les données confidentielles se concentrent, d’abord et avant tout, sur celles concernant leurs dirigeants et les intérêts de leurs pays respectifs.
Pour vous donner une idée du peu de poids du Canada dans le grand ordre des choses, la carte interactive du quotidien londonien The Guardian, hier soir, ne permettait pas encore de fouiller les données touchant le Canada !
Dans le grand ordre des choses, le Canada ne compte pas. Même si nous essayons très fort de nous faire accroire le contraire…
Le plus drôle, c’est d’entendre les gouvernements occidentaux faire la danse du bacon indigné, cette danse où ils nous disent sur tous les tons que les révélations de WikiLeaks sont « irresponsables ». Qu’elles vont mettre des vies en danger.
Comme à peu près tout ce que révèle WikiLeaks, les révélations d’hier sont surtout embarrassantes pour les parties concernées. Rien de plus.
On le sait, que les Américains considèrent que le Pakistan n’est pas un allié fiable dans la « guerre » au terrorisme.
On le sait que les Chinois ciblent les ordinateurs du gouvernement américain et les serveurs de Google.
On le sait que des ressortissants saoudiens sont de généreux financiers de la bande de ben Laden.
On le sait que le président russe Medvedev est un « le Robin du Batman Poutine ». Que Sarkozy est un « roi nu et autoritaire ».
On sait tout ça, si on lit un peu, si on se renseigne, si on n’est pas sourd ou aveugle.
Mais nos gouvernements, qui nous servent toujours de la moulée de communiqué de presse pour parler de ces choses-là, ne sont pas habitués à ce qu’on entende la version pour adultes du réel état du monde. Too bad.
D’ailleurs, quand on s’y arrête, il est drôle de voir les officiels américains et leurs alliés comiquement atterrés par ces révélations de WikiLeaks.
Car les révélations de WikiLeaks, en juillet et octobre, sur les saloperies commises au nom de la Démocratie en Afghanistan et en Irak, contenaient des informations autrement plus consternantes et dommageables.
Or, le Spiegel notait justement, en octobre dernier, l’indifférence quasiment généralisée à propos des descriptions pourtant très précises de crimes de guerre commises par les Américains dans ces deux pays.
La guerre du Viêtnam, une autre guerre de choix menée à coups de mensonges, suscitait au moins un minimum de colère, de manifestations, d’actes de dissidence.
Aujourd’hui ?
Aujourd’hui, nous sommes anesthésiés. C’est comme si le muscle de l’indignation avait été amputé, quelque part entre la chute du Mur de Berlin et maintenant.
En 2010, l’indignation, c’est signer une pétition sur le web. La colère c’est « retweeter » un message décapant de 140 caractères. La mobilisation, c’est créer une page Facebook « contre » quelque chose.
Il n’y a plus d’indignation. Si les enquêtes journalistiques du Watergate avaient lieu en 2010, pensez-vous que Richard Nixon démissionnerait ? Pas sûr.
Bref, qu’importe ce qu’on apprendra des 250 000 notes diplomatiques éventées par WikiLeaks, le public ne se rebiffera pas. Le public est anesthésié, de Melbourne à Paris en passant par New York et Toronto.
Ah, j’oubliais, à La Pocatière aussi, le muscle de l’indignation a été amputé. C’est pourquoi la candidate libérale va gagner, cedemain soir, dans Kamouraska-Témiscouata.
Et maintenant, pardonnez-moi, j’écris ces lignes à 20h, dimanche, et je dois vous laisser, je dois aller tweeter pendant Occupation double, il paraît que ça va frencher dans le Jaccuzi.
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