Comme il est long le «dialogue» entre la communauté hassidique et le ministère de l'Éducation, le MEQ, pour obtenir le respect de ce qui est pourtant un fondement de notre société: l'obligation de fréquenter l'école jusqu'à 16 ans en respectant le programme d'apprentissages prescrit.
Depuis des décennies, de jeunes juifs se consacrent plutôt exclusivement à l'étude de textes sacrés, ce qui contrevient à la Loi sur l'instruction publique. Mais comme la situation a vu le jour avant même la création du MEQ et que ces communautés vivent en vase clos, il a fallu un incident malheureux -- un attentat au cocktail Molotov dans une école juive -- pour que le grand public soit informé de ce contournement à la loi qui touche cinq écoles et plus de 700 adolescents.
Le MEQ, qui connaît la situation depuis des années, se montre patient. Au moins, les écoles primaires de ces communautés prodiguent maintenant un enseignement séculier, se réjouit-on; à force de discuter, les écoles secondaires finiront bien par rejoindre le mouvement. Et puis, les moyens d'action du ministère sont bien faibles : comment menacer, par exemple, de couper les vivres aux écoles rabbiniques quand celles-ci ne sont même pas subventionnées ?
Quelle ironie de constater que le ministère peut plus facilement sévir si un enseignement est mal prodigué que s'il n'y a pas d'enseignement du tout ! Le MEQ devrait au contraire faire preuve de fermeté et exiger rapidement le respect de la fréquentation scolaire, d'autant qu'il existe déjà des écoles secondaires hassidiques où la journée se divise entre formation religieuse et séculière.
Le passage du temps ne donne ici aucun acquis : un tel refus de l'institution scolaire ne serait plus toléré aujourd'hui chez aucune communauté, et même les parents qui optent pour l'école à la maison doivent obtenir une dérogation de la commission scolaire et répondre aux exigences du ministère.
Le spectre de l'antisémitisme étant réel, les remises en question du mode de vie hassidique se font toujours sur la pointe des pieds, et le malaise du MEQ face à ce dossier s'explique. Néanmoins, il ne s'agit pas ici de faire respecter une législation sur le bruit ou le stationnement illégal, mais d'une obligation citoyenne. Chaque petit Québécois a droit à un apprentissage complet, point.
Cela dit sans illusion : la journaliste de la radio de Radio-Canada Émilie Dubreuil, qui a révélé l'existence de ces écoles juives parallèles, avait aussi démontré l'an dernier que les écoles hassidiques «légales» détricotaient sans vergogne l'enseignement séculier donné aux élèves. Aux théories scientifiques enseignées il fallait préférer les vérités de la Torah -- géocentrique, où le monde n'a pas plus de 5765 ans et où Darwin n'existe pas. Une fermeture intellectuelle comme il en surgit parfois ailleurs -- ainsi du rejet de Darwin dans des écoles inuites du nord du Québec --, mais qui est ici organisée et qui débouche sur un enseignement pauvre, censuré, qui divise radicalement filles et garçons, et qui empêche d'aspirer au cégep et à l'université.
De cela aussi il faudra bien un jour que le ministère accepte de s'occuper...
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jboileau@ledevoir.ca
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