Ne vous méprenez pas.

On peut aimer ou pas Gabriel Nadeau-Dubois, l’annonce attendue de sa venue en politique institutionnelle québécoise représente un événement majeur.

Quand j’avais évoqué en chronique la possibilité que Françoise David soit remplacée par lui dans Gouin, certains internautes s’étaient empressés de commenter que cela entraînerait la fin de QS. Les gens qui, nombreux, sont encore ulcérés par le Printemps Érable d’il y a 5 ans font l’erreur commune de penser que leur propre opinion représente le sentiment général.

Ceux-ci se préparent donc à une très mauvaise surprise. Gabriel Nadeau-Dubois exerce une influence non négligeable sur une part significative de la population québécoise. Du nombre, une gauche qui a pour sale petit secret d’avoir besoin de leaders charismatiques pour arriver à lever, bien qu’elle aime plutôt prétendre reposer sur de vastes mobilisations citoyennes.

Sans égal

Pour se convaincre de la capacité d’attrait de GND, un chiffre : 385 000.

C’est le nombre de dollars amassés par une campagne lancée par Gabriel Nadeau-Dubois pour lutter contre l’oléoduc Énergie-Est, après qu’il eut invité la population à doubler le montant de la bourse de 25 000 $ que le Gouverneur général lui avait remise pour son premier livre.

Cherchez-en, des personnalités qui sont capables de récolter près de 400 000 $ pour une cause politique par une simple présence à Tout le monde en parle. Aucun des chefs de parti au Québec ne pourrait le faire. Pierre Karl Péladeau n’y serait pas parvenu non plus.

Portée nationale

Personnellement, j’ai tiqué en apprenant que GND annoncerait sa candidature dans Gouin à partir du musée de la Pointe-à-Callières, plutôt situé dans la circonscription électorale de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Il faut dire que pour les tenants de la proportionnelle, l’implantation territoriale d’un député tient souvent lieu de préoccupation secondaire, voire d’embarras. En s’adressant aux médias à partir du centre-ville de Montréal, Gabriel Nadeau-Dubois confirmera aussi sa candidature au poste de co-porte-parole de Québec Solidaire. Il affirmera ainsi la portée nationale de sa personnalité, ce qui est somme toute de bonne guerre.

Le rédacteur de discours en moi peut donc aisément imaginer ce qu’il envisagerait de placer comme référence dans une déclaration prononcée sur un tel site. Sur le lieu de fondation de Montréal, on évoquera le 375^e et la signature de la Grande paix avec les nations autochtones en 1701 pour affirmer la volonté d’en arriver à une nouvelle concorde entre tous les citoyens du Québec, inspirée des conclusions de la tournée Faut qu’on se parle.

Ça devrait être bon.

Cela dit, je trouve quand même déplorable qu’une telle annonce ne soit pas effectuée dans Gouin, qui compte certainement bien des lieux qui auraient pu procurer la même portée symbolique. Par ce choix, on confirme le caractère profondément montréalais de cette candidature et on accuse un faible attachement au territoire.

Ce n’est donc pas en 2018 que QS fera élire des députés hors du 514.

Dévastateur

À Montréal, toutefois, l’impact sera dévastateur. L’effet GND se fera sentir dans les sondages nationaux, faisant passer QS, à tout le moins temporairement, au-dessus de sa barre psychologique de 10 %.

Lors des élections, le mouvement sera encore intact. L’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois à la direction de QS pourrait bien balayer le PQ hors de l’île de Montréal, à l’exception de Pointe-aux-Trembles. Ce sera difficile même pour le chef Jean-François Lisée dans Rosemont.

En outre, QS pourrait menacer quelques comtés libéraux, dont

Crémazie
Maurice-Richard et Laurier-Dorion. Attendez-vous à ce que Gerry Sklavounos reçoive bientôt une lucrative offre dans le privé pour éviter que la frustration ne le pousse à tenter sa chance comme indépendant. Le PLQ peut également se consoler de perdre Outremont dans le redécoupage ; le mélange de bourgeois et d’étudiants qui composaient le comté en faisait un havre pour une petite vague orange.

Dans tous les cas, cette situation rend plus urgente encore la conclusion d’une entente de convergence, du point de vue du Parti Québécois à tout le moins. En même temps, cela permet à Québec solidaire de lui tenir la dragée haute.

Demeure quand même que si Gabriel Nadeau-Dubois veut un jour représenter quelque chose en dehors de Montréal, autant pour lui-même que pour les idées qu’il porte, il devra aussi envisager de construire des ponts.

Réunir des gens dans des assemblées de cuisine un peu partout au Québec est fort noble et certainement utile, mais ça ne représente pas encore un mouvement en marche. Loin de ce qu’on a vu dans les rues de la métropole en 2012, en tout cas.