Zubaida*Sami - Mis à part les membres de son clan et ceux qui l'idolâtrent pour son idéologie, Saddam Hussein était unanimement reconnu comme un des pires criminels contre l'humanité au cours du siècle dernier.
Son parti Baas a pris le pouvoir en 1968 par un coup d'État militaire et a immédiatement déclenché un bain de sang : massacre de ses adversaires politiques (majoritairement communistes, puissants à l'époque), pendaisons publiques de juifs décrétés espions d'Israël et de l'Iran, arrestations arbitraires, tortures brutales et assassinats.
Saddam allait bientôt émerger des coulisses pour devenir l'homme fort du régime et, en 1979, son chef incontesté. Lui et sa clique consolidèrent leur pouvoir par une série de purges sanglantes de leur propre parti et de leurs alliés, qui ont culminé avec la télédiffusion de la sinistre investiture de Saddam en tant que président.
Au cours d'une assemblée du parti, Saddam, trônant sur un podium et fumant un gros cigare, éventait de soi-disant conspirations. Les personnes nommées étaient immédiatement abattues par leurs collègues du parti, qui applaudissaient leur chef de façon hystérique tout en tremblant d'entendre prononcer leur nom. La vidéo a été largement distribuée pour dissuader les autres.
Une guerre de huit ans avec l'Iran a suivi, commencée par Saddam en 1980. Elle a fait des millions de victimes des deux côtés et entraîné une destruction indicible.
La guerre a servi de prétexte à des attaques sectaires et à la persécution des chiites, notamment par des expulsions massives de certaines communautés et familles sous prétexte qu'elles étaient d'origine iranienne.
Les Kurdes, aussi des jouets dans cette guerre, ont subi des massacres et des déplacements massifs, qui ont culminé dans le bombardement aux armes chimiques de la ville de Halabja en 1988. La guerre du Koweït a suivi.
L'Irak avait le potentiel pour être un des pays les plus prospères de la région, avec son pétrole mais aussi ses abondantes réserves d'eau et sa société fortement scolarisée et qualifiée.
Saddam a détourné ces ressources pour mener ses guerres et ses répressions, qui ont causé la destruction du pays et de ses voisins et la décimation de la population. Existe-t-il de plus grand crime contre l'humanité?
Vu son indéniable brutalité, Saddam devait-il périr sur la potence? La plupart des Irakiens répondraient par l'affirmative, et plusieurs diront même que la pendaison était une mort trop douce pour lui. Pourtant, tout en compatissant avec eux, pouvons-nous, au nom des valeurs libérales, donner notre assentiment?
Méthodes discutables
D'abord, il existe une objection d'ordre général contre la barbarie d'un meurtre officiel par l'État. Il y a aussi la question cruciale de la légalité.
La cour qui a condamné Saddam Hussein est d'une légalité discutable, et il n'est pas clair selon quelle loi elle a été instaurée par les Américains, et quel code de loi et quelles procédures elle suit.
La procédure et les changements de juges ont souvent semblé arbitraires et hautement politisés, de même que la conduite de l'accusé et de ses défenseurs. Cela n'a certes pas établi un précédent pour le rétablissement de l'État de droit maintes fois annoncé par les Américains et leurs alliés.
Tout cela était prévisible dès le départ, et plusieurs d'entre nous préconisaient que Saddam soit jugé par un tribunal international auquel l'Irak aurait participé.
L'exécution de Saddam ajoutera au conflit sanglant et au chaos du pays, et n'aura que peu de signification au milieu de tant de morts et d'une telle destruction, une situation que le règne de Saddam avait préparée et que les vicissitudes de l'invasion américaine ont réalisée.
L'auteur est professeur de politique et de sociologie au Birkbeck College, à Londres. Il a rédigé plusieurs ouvrages sur le monde islamique et a participé à la rédaction du Livre Noir de Saddam Hussein (2005, Oh! Éditions).
Exécution de Saddam
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