Québec - Le député libéral Thomas Mulcair accepte de ne plus défier son chef Jean Charest sur la place publique, mais il ne se rallie pas pour autant à la décision de privatiser une partie du parc national du Mont-Orford.
À la sortie d'une longue et tumultueuse réunion du caucus libéral qui a forcé le report de commissions parlementaires, Jean Charest et Thomas Mulcair se sont présentés devant la presse hier matin pour projeter l'image de deux hommes qui enterrent la hache de guerre.
" On a eu l'occasion de s'expliquer et de se parler franchement sur le dossier d'Orford. Ce qui en ressort, c'est que nous sommes solidaires. Et on a décidé de travailler ensemble dans l'avenir pour régler le dossier. Ça nous permet de tourner la page ", a déclaré le premier ministre.
Jean Charest a renoncé à expulser le député du caucus ou à lui imposer une sanction.
Il a préféré convenir d'un cessez-le-feu avec son député, qui a subi la colère de ses collègues réunis en caucus.
Aux côtés du premier ministre, Thomas Mulcair est resté muet. Les deux hommes ont échangé une poignée de main furtive. Leurs regards se sont à peine croisés. Ils ont quitté le hall du parlement en trombe, chacun de leur côté.
Fuyant les journalistes, Thomas Mulcair s'est contenté de dire que " les discussions ont été franches ".
Plus loquace
Quelques heures plus tôt, vers 7h45, le député de Chomedey s'était fait plus loquace à l'entrée du caucus. Revenant sur son opposition au projet de privatisation partielle du parc du Mont-Orford, il a contredit une fois de plus son chef sur les raisons de son congédiement du Conseil des ministres, le 27 février.
Il a reproché au gouvernement d'" associer son nom à la décision " de privatiser une partie du parc, ce qui l'a forcé à faire une sortie publique selon lui.
" J'ai au contraire ordonné à l'administration (du Ministère) de ne produire aucun document avec mon nom dessus dans ce dossier ", a-t-il martelé.
Le 13 février, lors d'une réunion du comité des priorités qui rassemble les poids lourds du Conseil des ministres, M. Mulcair, alors titulaire de l'Environnement, dit avoir prévenu ses collègues qu'une privatisation partielle du parc du Mont-Orford allait provoquer une levée de boucliers.
" J'ai dit que je craignais qu'on paierait le plein prix politique d'une décision sur laquelle on serait obligé de faire volte-face ", a-t-il précisé. Mais ses collègues ont voulu " aller de l'avant " malgré tout, selon ses dires.
Le 21 février, Thomas Mulcair a présenté au comité des priorités un avis juridique démontrant qu'un échange de terrains avec le promoteur était illégal et que seule une loi spéciale permettrait d'aller de l'avant. Il a aussi démontré que le nouveau maire d'Orford avait été élu avec la promesse de faire échec à la privatisation.
Thomas Mulcair a toutefois reconnu que les hauts fonctionnaires de son ministère avaient préparé un projet de privatisation partielle. " Mais avec moi, il leur manquait encore un ingrédient important: un ministre prêt à mettre son nom là-dessus ", a-t-il dit.
Quelques minutes plus tard, la ministre des Relations internationales et responsable de la région de l'Estrie, Monique Gagnon-Tremblay, a réitéré que le projet présenté par son collègue Claude Béchard est " la proposition de M. Mulcair ".
Rencontre mouvementée
La controverse des derniers jours a mis la table à une réunion du caucus fort mouvementée, selon les informations obtenues par La Presse. D'entrée de jeu, les ministres Michel Després et Michelle Courchesne ont martelé l'importance que le caucus fasse preuve d'une solidarité sans faille. Ils ont écorché au passage Thomas Mulcair.
Puis, le député de Chomedey s'est levé pour donner sa version des faits. Mais la ministre Line Beauchamp lui aurait servi une douche froide en affirmant, " au nom des membres du comité des priorités ", qu'il avait bel et bien proposé la privatisation partielle du parc du Mont-Orford.
Les ministres Henri-François Gautrin et Yvon Vallières ont pris la parole, sans toutefois blâmer ouvertement Thomas Mulcair. Ils ont insisté sur la nécessité de former un caucus uni. Claude Béchard n'a pas ouvert la bouche, ni Philippe Couillard d'ailleurs.
Personne ne se serait levé pour défendre M. Mulcair et l'autre dissident, Pierre Paradis. Dans une atmosphère tendue, des députés ont affirmé qu'ils souhaitent en finir au plus vite avec la controverse autour du parc du Mont-Orford en cette ère préélectorale.
Le caucus s'est terminé après plus de deux heures de débats. Mais pendant une trentaine de minutes, Jean Charest, Thomas Mulcair, le whip Norman MacMillan et le président du caucus, David Whissel, se sont parlés dans le blanc des yeux derrière des portes closes. Un cessez-le-feu a été conclu. M. Mulcair renonce à s'attaquer de nouveau à son chef sur la place publique.
Mais les personnes présentes se sont montrées incapables d'affirmer que M. Mulcair s'était rallié à la décision sur la privatisation partielle du parc du Mont-Orford. " Ce que je vous dis, c'est qu'en termes d'appui au premier ministre, au caucus, au Parti libéral, l'ensemble des députés étaient solidaires ", a dit M. Whissel.
Afin d'éviter de défier à nouveau son chef ou d'être forcés de voter en faveur du projet du mont Orford, Thomas Mulcair et Pierre Paradis ne se sont pas présentés au Parlement lorsque les députés ont été appelés à voter sur une motion de l'opposition péquiste. Cette motion demandait à Jean Charest " de renoncer au projet de vendre une partie du parc national du Mont-Orford à des intérêts privés ". Elle a été rejetée par la majorité libérale.
Avec la collaboration de Denis Lessard
UNE PAIX SANS CALUMET
Orford - Charest et Mulcair déclarent une trêve mais restent sur leurs positions
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