La décision de la Cour suprême de ne pas intervenir dans un dossier de bilinguisme à la Ville de Gatineau fait craindre à certains qu’un nombre grandissant d’administrations publiques exigent la connaissance de l’anglais.
La Cour suprême a refusé jeudi d’accorder la permission d’en appeler d’une décision de la Cour d’appel concernant l’exigence de bilinguisme pour un emploi à la Ville de Gatineau.
« C’est une brèche additionnelle aux dispositions de la Loi 101 sur la langue de travail », a fait valoir jeudi le député péquiste Stéphane Bergeron en entrevue au Devoir. Selon lui, « ça va inciter d’autres employeurs » à exiger la connaissance de l’anglais.
Au cabinet du ministre responsable de la Charte, Luc Fortin, on fait valoir que cela n’affecte pas l’application de la loi « pour le moment », puisque la décision de la Cour d’appel a surtout pour effet de forcer un retour à l’arbitrage dans cette affaire, explique l’attaché de presse du ministre Karl Fillion.
« La Loi 101 existe pour être respectée et, s’il y a lieu d’agir, on va le faire », a-t-il aussi déclaré.
Pendant ce temps, à l’Hôtel de Ville de Gatineau, le maire se défend d’avoir voulu faire la promotion du bilinguisme. « J’insiste, ce n’est pas pour “bilinguiser” [sic] Gatineau. On ne remet pas en question la Charte de la langue française […] Mais pour nous, dans ce dossier-là, c’était une simple question de logique », explique Maxime Pedneaud-Jobin.
Me Josée Moreau, avocate des cols blancs de la Ville de Gatineau
Certains citoyens de la ville demandent à recevoir une copie en anglais de leur avis d’imposition et la Ville a besoin de gens pour « le leur expliquer », dit-il. « C’est le gros bon sens. »
Les origines de cette affaire remontent à 2009. La Ville avait alors affiché un poste de commis aux services des finances pour lequel les candidats devaient nécessairement être bilingues.
Or l’article 46 de la Loi 101 prescrit qu’il est interdit à un employeur d’exiger pour l’accès à un emploi la connaissance d’une autre langue que le français « à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance ».
Le syndicat des cols blancs avait déposé un grief et les tribunaux débattent depuis du sens à donner à la notion de « nécessité ».
Un jugement similaire à Québec
En 2013, un arbitre avait donné raison aux cols blancs en soutenant que la Ville ne devait pas confondre la nécessité « avec utilité, l’opportunité, la qualité du service offert ».
Or en 2016, la Cour d’appel annulait la sentence arbitrale avec une décision limitant la portée de la Loi 101. « Il existe ici une réalité linguistique, variable selon les localités. Il en résulte que quelques langues, assez répandues, et autres que la langue officielle, coexistent avec cette dernière », écrivait le juge Yves-Marie Morissette.
« Selon les circonstances, une personne qui s’exprime dans une telle langue devrait pouvoir compter sur une réponse intelligible dans cette langue… »
Le syndicat des cols blancs avait ensuite voulu porter la cause devant la Cour suprême, ce qui lui a été refusé jeudi. Le dossier devra donc être soumis de nouveau à un arbitre.
Pour l’avocate des cols blancs, Me Josée Moreau, l’impact de la décision de la Cour d’appel est « majeur ». « C’est clair que tous les employeurs vont user de ce jugement-là pour aller dans l’autre extrême. […] Dès qu’ils auront un client ou un citoyen [s’exprimant dans une autre langue], on pourra exiger des connaissances linguistiques autres que le français, et ça, à mon sens, c’est majeur. C’est rendu un dossier de société, de politique. »
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