Publication de ses mémoires

Une mince victoire du Oui n'aurait pas suffi, dit Chrétien

"Passion Politique" de Jean Chrétien

Presse Canadienne (PC) Par Isabelle Rodrigue - Une victoire du camp du Oui par une mince majorité au référendum sur la souveraineté de 1995 n'aurait pas été suffisante pour séparer le Québec du Canada, confie le premier ministre fédéral de l'époque, Jean Chrétien, dans ses mémoires portant sur ses 10 ans à la tête du pays.
Levant le voile sur l'une des plus dures bataille (sic) de sa carrière politique, M. Chrétien consacre tout un chapitre au référendum et aux répercussions qu'aura eu cet épisode sur les décisions qu'il prendra par la suite.
Bien qu'il prend la peine de souligner qu'il n'a jamais discuté et n'entend jamais le faire de ce qu'aurait été sa réaction si le Oui l'avait emporté, l'ancien premier ministre libéral ne cache pas qu'il considère que la question «tordue» posée aux Québécois ne donnait aucun «mandat de sécession» au gouvernement péquiste de Jacques Parizeau.
«Les événements auraient été chaotiques; les émotions auraient été portées à leur comble; mais le fait demeure qu'une mince majorité pour le Oui n'aurait pas pu être interprétée comme la preuve irréfutable que la majorité des Québécois voulaient rompre leurs liens historiques avec le Canada», peut-on lire dans la version française des mémoires intitulées Passion Politique, qui seront sur les tablettes des librairies dès lundi.
«Il aurait fallu beaucoup, beaucoup de temps pour résoudre tous les problèmes, sans que les séparatistes soient sûrs de leur triomphe en fin de compte.»
Et faisant honneur à son image de vieux lion de la politique, Jean Chrétien admet qu'il n'aurait pas baissé les bras si facilement.
«Si Jacques Parizeau avait proclamé unilatéralement l'indépendance sans l'appui des Québécois, il aurait été obligé d'agir en conséquence par après. Il aurait eu à édifier des frontières et à s'emparer des institutions fédérales au Québec. Et il se serait retrouvé avec toute une bataille sur les bras, menée par Jean Chrétien lui-même.»
Cette révélation risque de piquer à vif les forces indépendantistes, qui y verront probablement la preuve que le gouvernement fédéral n'avait jamais l'intention d'accepter le verdict, même devant une victoire du Oui.
Mais l'histoire a voulu que le camp du Non l'emporte, par une faible majorité qui a eu pour effet de sonner le réveil des fédéralistes. A Ottawa, M. Chrétien recrutera un nouveau ministre spécialiste de la Constitution, Stéphane Dion, et il s'évertuera à s'assurer «que plus jamais nous n'aurions à revivre de tels moments». C'est pour «en finir avec la folie des questions référendaires mensongères» que l'ancien premier ministre dit avoir misé sur un recours devant la Cour suprême du Canada, puis sur la Loi sur la clarté.
C'est également après le référendum de 1995 que le premier ministre ressuscitera la réserve sur l'unité canadienne pour augmenter la visibilité du gouvernement canadien au Québec, dotée d'un budget annuel de 50 millions $.
Cet ancêtre du fameux programme des commandites était «un prix raisonnable à payer pour éviter la facture qui nous attendait si le pays était démantelé», souligne l'ancien premier ministre, qui admet que l'objectif premier de l'exercice était de consacrer le programme au Québec «dans le but de faire connaître aux Québécois la grandeur du Canada».
À la suite du scandale qui émanera de ce programme, Jean Chrétien continue de soutenir qu'il ne savait rien des manigances de ceux qui en ont profité malhonnêtement. En fait, il maintient que le programme avait un rôle important à jouer dans la lutte contre les séparatistes, et dit regretter qu'une «poignée d'individus sans scrupules aient enfreint la loi et ainsi trahi leurs collègues».
Il se garde par contre de commenter directement la Commission d'enquête présidée par le juge John Gomery, étant donné qu'il y a toujours litige devant les tribunaux. Mais il ne laisse aucune équivoque sur son dégoût des commissions d'enquête de façon générale. «Il est dans la nature des enquêtes publiques de se muer en procès-spectacle, en parodie de justice, en cirque politique», lit-on dans l'ouvrage.
Passion Politique est le deuxième livre que Jean Chrétien consacre à sa carrière politique. Le premier ouvrage a été publié au milieu des années 1980 alors qu'il s'était éloigné de l'arène politique, tout juste avant son retour à la tête des libéraux en 1990.
Dans ce deuxième volet de ses mémoires, M. Chrétien s'attarde uniquement aux années 1993 à 2003, où il occupait le poste de premier ministre. Disant vouloir «décrire les choses telles (qu'il les a) vues», l'ex-chef libéral lève le voile sur sa façon de gouverner, sur ses liens avec les autres leaders mondiaux, sur les raisons motivant certaines décisions comme la stratégie de lutte au déficit, la création du registre des armes à feu, le refus de se joindre à la guerre en Irak ou la ratification du Protocole de Kyoto.
Ici et là dans les quelque 450 pages de l'ouvrage, il a un bon mot pour certaines personnes, se tenant loin des règlements de compte. Il ne fait qu'une exception, pour son adversaire de longue date, Paul Martin, qu'il accuse de «trahison» et même de mensonge.
«Ce qui me fatiguait royalement, c'était d'entendre dire souvent que Martin avait confié à des gens qu'il les avait défendus au cabinet (...) alors que je savais qu'il n'en était rien», se rappelle M. Chrétien, qui raille aussi le choix de son successeur de se précipiter au pouvoir malgré le rapport accablant que s'apprêtait à déposer la vérificatrice générale sur les commandites.
M. Chrétien, qui récupère d'un récent quadruple pontage coronarien, [a été forcé d']annuler toutes les activités liées à la parution simultanée de ses mémoires en anglais et en français.
Dans l'introduction de son livre, le «p'tit gars» de Shawinigan admet qu'il a toujours eu la passion de la politique. «Faire de la politique, c'est convoiter le pouvoir, le prendre, l'exercer et le conserver», admet l'ancien premier ministre, qui affirme que les motivations ne sont jamais qu'uniquement «altruistes».
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