«J'ai écrit comme j'ai gouverné» confie Jean Chrétien au début de ses mémoires [Passion politique, Éditions du Boréal.] C'est-à-dire, pourrait-on ajouter, brouillon, à la petite semaine, sans panache. Souvent mesquin. Parfois très méchant. Mais, comme le dit le titre de la préface, c'est «Entre nous», sur le ton de la confidence et de l'anecdote.
Le «petit gars de Shawinigan» ne fait pas dans la dentelle lorsqu'il explique pourquoi il n'a jamais rien fait d'autre que de la politique... «On va parler franchement : faire de la politique, c'est convoiter le pouvoir, le prendre, l'exercer et le conserver.» Il aurait pu ajouter : «jalousement» tant il peut être méchant pour ses adversaires - et de mauvais goût dans ses attaques.
Il dit par exemple de Lucien Bouchard - décidément la saison littéraire n'est pas tendre pour l'ancien premier ministre! - que «la façon dont il se déplaçait en s'appuyant sur sa canne entretenait le mythe du miraculé dans la conscience des Québécois.» Quelqu'un de plus cultivé que lui eût évoqué le mythe d'Orphée mais Jean Chrétien n'est pas de ceux-là.
La pire bassesse, Jean Chrétien la réserve évidemment à Paul Martin qu'il accuse d'être responsable des dizaines de morts que l'armée canadienne enregistre en Afghanistan. Il utilise, dans l'édition originale anglaise, à propos de la région de Kandahar, l'expression «killing fields» qui évoque le terrible film sur les massacres perpétrés par les Khmers rouges au Cambodge. Ce n'est pas cela tout de même et Paul Martin n'y est pour rien sinon d'avoir accepté la recommandation de son chef d'État major, Rick Hillier, d'exposer les troupes canadiennes à l'épreuve du feu, donc dans des conditions dangereuses.
Mais cet homme qui fut premier ministre pendant dix ans nous avait déjà donné un aperçu du peu de considération qu'il a pour la fonction au moment de l'affaire Airbus. Il en parle peu d'ailleurs, sinon pour prétendre qu'il n'est pour rien dans l'acharnement de la Gendarmerie royale et du ministère de la Justice contre son prédécesseur Brian Mulroney. Il consacre aussi quelques pages pour se justifier de son opposition à l'Accord du lac Meech.
Jean Chrétien explique que son livre a été écrit, comme le précédent, par un chroniqueur politique, Ron Graham à partir d'entrevues enregistrées par les Archives nationales dans le cadre de son programme d'histoire orale du pays et dont la transcription couvre plus de 1200 pages. «J'ai toujours parlé plus vite que je n'écrivais» explique-t-il. Son livre de 460 pages a ainsi le mérite de se lire vite !
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