La taxe sur la santé au Québec

Une mauvaise réponse à une bonne question

Santé - ticket modérateur et taxe santé

En annonçant ce qui deviendra une taxe sur la santé de 200 $ par personne et le projet d'imposition d'un ticket modérateur, le budget du Québec a ramené le financement de notre système de soins de santé à l'avant-plan de l'actualité. Nous sommes tous d'accord pour affirmer que le système universel de soins de santé du Canada a besoin de nouvelles idées pour affronter l'avenir avec confiance.
Mais l'expérience du Royaume-Uni et d'autres pays laisse entendre qu'il existe de meilleures solutions de rechange que celles annoncées la semaine dernière pour réformer — et maintenir — des soins de santé universels.
Nous ne devrions pas présumer que la réponse se trouve dans l'accroissement du financement. Le Canada dépense déjà plus que la majorité des pays de l'OCDE en soins de santé et, bien que le Québec ne soit pas la province où ces dépenses sont les plus élevées, elles y demeurent supérieures à celles de la plupart des autres provinces. Les personnes les plus pauvres sont celles qui souffrent le plus d'un tarif fixe imposé sous forme de taxe, et les personnes à faible revenu paient déjà davantage, puisqu'elles vivent en moins bonne santé et moins longtemps. Un ticket modérateur réduira certes la demande, mais lésera les personnes à faible revenu, les poussant à attendre que leur état s'aggrave, rendant ainsi leur guérison plus coûteuse.
Par ailleurs, il n'existe pas de preuve selon laquelle notre système de soins de santé est efficace ou efficient. Sans une reddition de comptes plus soutenue, non seulement envers le gouvernement mais aussi envers le public et les patients, la population risque de ne pas accepter de payer davantage, contrairement à ce qu'avance le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand.
Coût et efficacité
Il faut du courage pour modifier radicalement la conception du système de soins de santé. Ma liste abrégée comprend quelques mesures à prendre et à éviter. Examinons de près le coût et l'efficacité de nos services de santé. Car plutôt que d'accroître le financement, il est plus judicieux d'étudier la manière dont les fonds sont utilisés.
À l'heure actuelle, on récompense l'acte, mais nous proposons en revanche bien peu pour l'innovation ou l'efficacité. Plutôt que de réagir aux demandes de services existants, on a récemment réorganisé les soins de santé du Québec en prenant un virage vers une démarche santé fondée sur la population, visant à assurer que les services répondent aux besoins les plus importants. Il est temps que le financement soit alloué en fonction de ces critères et évalué pour refléter des besoins variables, et que soit adoptée une approche proactive à l'égard des services, en orientant ces derniers vers les personnes qui en ont le plus besoin. De nombreux pays ont créé des systèmes où les fonds «suivent le patient».
Au Royaume-Uni, le rendement général du système s'est amélioré grâce à l'introduction de tarifs standards pour les traitements courants et, de plus en plus, pour des «programmes complets de soins». Dans ce système, un tarif fixe est établi et les hôpitaux reçoivent ce montant pour les patients qu'ils traitent; par conséquent, cela crée des incitatifs pour maintenir les coûts au niveau de ceux des meilleures pratiques ou les faire passer sous ce seuil.
Première ligne
Nous avons également besoin de remplacer les soins tertiaires coûteux dispensés dans un hôpital par des soins de santé de première ligne et par la prévention. Montréal peut à juste titre s'enorgueillir des progrès qu'a permis l'établissement des groupes de médecine familiale et des cliniques-réseau. Néanmoins, trop peu de Québécois ont accès à un fournisseur de soins de santé de première ligne.
Dispenser davantage de soins médicaux et personnels à domicile réduirait la demande de soins critiques coûteux, tout en respectant la prédilection des aînés pour les soins à domicile. Invariablement, les études indiquent que plus de la moitié des personnes qui se présentent à l'urgence seraient mieux servies dans une clinique de soins de première ligne ou de blessures mineures. Au Royaume-Uni, pour détourner de la salle d'urgence les demandes inappropriées, on a créé, à l'extérieur des hôpitaux, des centres qui se consacrent aux diagnostics, aux blessures mineures et aux traitements de première ligne.
Des renseignements
En outre, le système a besoin de plus de transparence pour que les patients, de même que les administrateurs et les cliniciens, distinguent clairement ce qui fonctionne ou pas. Par l'entremise du programme Patient Choice («choix du patient»), le service national de santé britannique a présenté des renseignements conviviaux sur la santé, tels la qualité générale du service (évaluée par un organisme de régulation indépendant), les taux de mortalité, l'opinion d'autres patients, les délais d'attente, les taux d'infection, la qualité de la nourriture et même l'accès à des aires de stationnement.
En disposant de plus de renseignements sur les différences dans l'accès et les résultats obtenus au sein de leur système universel, les patients peuvent choisir ce qui fonctionne. Lorsque le financement suit leurs décisions, le fait de bien servir les gens commence à avoir, outre une signification clinique, une signification financière. Dans la mesure où le coût des services de santé spécifiques est connu, il est possible d'introduire un élément concurrentiel dans les quasi-réformes de marché: une façon de faire qui s'est soldée par une réussite au Royaume-Uni. Les fonds alloués aux soins de santé, qui proviennent en totalité des revenus fiscaux, pourraient être répartis parmi une vaste gamme d'institutions, ouvrant ainsi la voie à un choix élargi, à de meilleures pratiques et à l'apport d'autres améliorations.
Attitudes
Au sein d'une structure transparente à l'égard des normes et de la reddition de comptes, les services de santé et les hôpitaux ont besoin de plus d'incitatifs et de flexibilité. Les personnes, qu'il s'agisse de collectivités ou de professionnels, sont les ressources les plus précieuses du système. Elles ont besoin d'être motivées et soutenues pour innover et générer des solutions créatives en réponse à des problèmes en apparence insolubles.
Finalement, on doit éviter de procéder à une autre restructuration profonde et complète du système de santé. L'enjeu ne réside pas dans la structure et les grands projets, mais dans les attitudes et les activités qui dépendent de la manière dont fonctionne le système. La taxe sur la santé et le ticket modérateur proposé ne vont pas d'office produire les changements nécessaires pour mettre le système de santé sur la route de la durabilité. Une partie du courage politique dont nous avons été témoins la semaine dernière devrait s'intéresser au patient, au financement fondé sur la population et les patients, à la reddition de comptes et à la transparence quant à ce qui fonctionne réellement et au coût qui y est lié.
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Wendy Thomson - Directrice de l'École de travail social de l'Université McGill et ex-conseillère de l'ancien premier ministre britannique Tony Blair

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Directrice de l'École de travail social de l'Université McGill et ex-conseillère de l'ancien premier ministre britannique Tony Blair





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