Le Québec doit-il opter pour une laïcité radicale et interdire à ses enseignants et à ses fonctionnaires d’afficher le moindre signe religieux au travail? Nous répondons non. Les Québécois, qu’importent leur origine, leur religion ou leur culture, doivent apprendre à coexister dans l’espace public plutôt que d’adopter une attitude rigide qui conduit à l’exclusion et à la ghettoïsation.
Soyons précis. Il n’est pas question pour nous d’accepter que des enseignantes ou des représentants de l’État se présentent devant des élèves ou des concitoyens le visage voilé ou avec une burqa. Les femmes et les hommes sont ici égaux. Les relations élève-enseignant ou citoyen-fonctionnaire doivent aussi se faire à visage découvert. Nous croyons également qu’il n’appartient pas à l’État de fournir un enseignement religieux à l’école. L’État est neutre. Il est séparé des Églises.
Cela ne veut pas dire pour autant que toute manifestation du religieux doit être prohibée dans les institutions publiques. Permettre à une enseignante de porter le foulard islamique sur sa tête ou à un fonctionnaire d’accrocher une petite croix à son cou ne signifie pas que l’État perd sa neutralité, qu’il se soumet de nouveau aux volontés des Églises et qu’il s’incline devant des intégristes. En quoi le port d’un foulard ou d’une croix pourrait-il nuire à un bon enseignement, à un service professionnel, efficace et courtois, à de bonnes relations entre les employés de l’État et les citoyens?
L’État, et les citoyens également, doit faire preuve de cohérence. Nous nous sommes dotés de chartes des droits et libertés qui assurent à tous les citoyens une liberté de religion et de conscience. Si nous voulons comme société confiner la liberté religieuse entre les quatre murs du domicile ou du temple religieux, il faudra conclure que cette liberté est restreinte et fragile. Il faudra aussi s’avouer collectivement que nous prônons la liberté de religion à la condition qu’elle s’apparente à la nôtre et qu’elle ne vienne pas heurter nos croyances. Ce n’est pas faire preuve d’une très grande ouverture. Et pourtant, il faut s’adapter et chercher un juste milieu pour que les droits et libertés des uns et des autres puissent coexister.
Il y a donc d’abord une question de cohérence. Mais aussi, le Québec n’a pas le choix d’apprendre à vivre avec la diversité religieuse qu’entraîne la présence accrue d’immigrants d’origines variées. Pour pallier le déclin démographique et le vieillissement de sa population, le Québec devra compter de plus en plus sur leur apport. Pour que la cohabitation de tous soit harmonieuse, chacun devra faire preuve de compréhension, d’ouverture et consentir certains compromis, sans pour autant renier les valeurs communes qui cimentent le Québec.
Il est aussi important que l’État serve de guide. Comment pourrait-on exiger des entreprises privées qu’elles accueillent dans leur milieu des travailleurs de tous horizons et de toutes religions, si l’État-employeur se montre intransigeant devant la moindre manifestation d’expression religieuse chez ses salariés?
Il y a également confusion si, comme société, nous permettons que des enfants fréquentent l’école publique avec un foulard et un kirpan, et ce, au nom de l’intégration, et que l’on interdit aux enseignants de se présenter en classe avec le moindre signe religieux sur eux.
L’objectif d’inclure les jeunes à la société québécoise plutôt que de les maintenir dans des ghettos doit aussi prévaloir pour les adultes sur le marché du travail. La religion ne doit pas servir de prétexte pour établir des catégories de citoyens, les bons et les méchants.
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