Immersion en anglais en 6ème année

Une girouette sur un toit qui coule

Tribune libre

Bien que je crois que l'enseignement de l'anglais doit être amélioré au Québec, ne serais-ce que pour réduire la tentation chez les parents francophones et allophones d'avoir recours aux écoles passerelles, je suis en désaccord avec le projet du gouvernement Charest de rendre obligatoire l'apprentissage exclusif de l'anglais durant la moitié de la 6ème année en comprimant toutes les autres matières académiques dans l'autre moitié.

Même si on arrive à trouver ou à former les enseignants spécialisés dont on aura besoins, on demande déjà aux enseignants réguliers une tâche impossible, soit d'intégrer à tout prix les élèves en difficultés d'apprentissage dans les classes régulières et ce à peu près sans ressource. On voudrait maintenant que chaque enfant, quelles que soit ses forces et ses faiblesses, assimile une année scolaire en 5 mois tout en devenant bilingue?

Notre obsession du bilinguisme est en train de donner à l'anglais un statut supérieur à toute les autres matière mises ensembles, y compris le français, dont la qualité se dégrade pourtant même chez les francophones. Alors qu'on minimise l'importance d'un français de qualité en se disant que quelques fautes ce n'est pas bien grave et que notre enfant ne va pas nécessairement devenir professeur, on trouve tout à fait normale l'idée que certains employeurs exigent un niveau de bilinguisme digne d'un diplomate pour travailler à la caisse d'un magasin. En outre, nous faisons preuve de malhonnêteté envers les enfants en leur laissant entendre que l'anglais est la seule voie vers le succès et l'ouverture sur le monde.

C'est d'abord dans la maîtrise du français que nous devrions concentrer nos efforts car les difficultés de compréhension du français freine l'évolution des jeunes dans plusieurs autres matières lorsqu'ils arrivent au Cégep et à l'Université. Ce n'est pas avec deux langues secondes que les enfants francophones ou allophones connaîtrons le succès! Faire passer la maîtrise de l'anglais avant celle du français équivaut à acheter une girouette pour une maison dont le toit coule!

Dans un contexte de baisse de la qualité globale du français, d'anglicisation et de coupures dans la francisation des nouveaux arrivants, difficile de ne pas se rendre compte qu'un tel projet n'est qu'une mesure électoraliste qui n'a de logique que dans la mesure où elle accélére la dilution de la culture québécoise et l'assimilation de la population à l'anglais. Nous ne pouvons pas nous permettre collectivement de traiter les enfants comme de simples valises à remplir et les priver de tout contact avec les matières de base, même si ce n'est que pour 5 mois.

"Les écoles passerelles":
http://www.centpapiers.com/les-ecoles-passerelles/18340

"Recul de la langue française à Montréal: l'apathie":
http://www.centpapiers.com/recul-de-la-langue-francaise-a-montreal-l%e2%...


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Marcel Haché Répondre

    28 février 2011

    Par suite de la perte du référendum de 95, le nationalisme civique fut incapable de servir de rempart à la montée des forces de dilution de la québécitude.
    Sur cette base, comment pourrait-on maintenant empêcher des parents de rendre bilingues leurs enfants ? Au nom de « l’État du Québec », de tous les québécois et de toutes les québécoises ? Risible. Au fait que la langue française est la langue nationale sur le fameux « territoire » du Québec ? Ridicule.
    Après que les habitants du territoire québécois auront accepté et assumé l’idée du bilinguisme des individus, comment faire valoir un seul instant—un seul !-- la nécessité de franciser les nouveaux arrivants ?
    Nous souhaitons franciser les nouveaux arrivants et, à long terme, nous « bilinguiser » nous-mêmes, avant que se mette en place les conditions définitives de notre affaiblissement et de notre minorisation. Célébrer maintenant le bilinguisme, c’est accepter demain le libre choix le plus total. Cette obsession du bilinguisme est un cheval de Troie.
    Nous n’arrivons pas à comprendre ce que les canadiens-français avaient pourtant très bien compris, et c’est nous, c’est bien nous, québécois et québécoises, qui oserions maintenant traiter rétroactivement les canadiens-français d’Elvis Gratton ?
    Sur pareille lancée, l’indépendance n’est plus très loin de passer du rêve à l’idée obsolète.