Pas de troisième mandat pour les républicains. Un grand vent de changement bleu a soufflé hier sur les États-Unis. À Grant Park, au bord du lac Michigan, à Chicago, les partisans démocrates ont afflué hier soir par centaines de milliers pour célébrer en liesse la victoire historique à la présidentielle américaine de Barack Obama. Par contraste, le républicain John McCain a accepté la défaite en présence d'une foule maussade et dispersée à l'Arizona Biltmore, un prestigieux hôtel de Phoenix.
M. Obama l'a emporté de façon décisive contre M. McCain par 333 voix de grands électeurs contre 155. Il en fallait 270 pour devenir président. Des victoires prévues sur la côte ouest -- en Californie, en Oregon et dans l'État de Washington -- ont enfoncé les derniers clous dans le cercueil républicain.
Le premier coup dur pour M. McCain, qui n'avait pas droit à l'erreur, est venu en début de soirée de la Pennsylvanie, facilement gagnée par M. Obama. L'État vote démocrate depuis vingt ans à l'échelle présidentielle, mais le républicain, qui y a investi beaucoup d'efforts, jugeait crucial d'y marquer des points pour concrétiser ses chances de décrocher la présidence. Ensuite, M. Obama a fait des gains nombreux dans des États qui avaient voté Bush: hautement représentatives de sa percée sont ses victoires dans les États-clés de l'Iowa, du Nouveau-Mexique et du Colorado, mais surtout en Floride et en Ohio, ces États qui ont fait basculer la présidence du côté républicain en 2000 et 2004. Il était par ailleurs en avance dans les autres États-clés de la Caroline du Nord et de la Virginie, qui ont également voté républicain en 2004.
Barack Obama, 44e président des États-Unis? Qui l'eût cru il y a moins d'un an, alors que Hillary Clinton paraissait pratiquement assurée d'obtenir l'investiture démocrate. Vingt et un mois de campagne et 600 millions de dollars en dépenses électorales plus tard, il devient le premier président noir de l'histoire des États-Unis et sera «commandant en chef», alors que son parti comptait il y a encore 40 ans des membres opposés à la déségrégation de l'armée. Même s'il a cherché à «déracialiser» sa campagne et à présenter sa candidature comme postraciale, son élection n'en traduit pas moins une sorte de réconciliation des Noirs avec l'histoire du pays. Aussi, M. Obama aura-t-il été élu hier soir par la conjonction d'un appui unanime de la part des électeurs noirs, d'une participation accrue des jeunes et d'un déplacement significatif du vote des Blancs et des Latinos. Les sondages de sortie des urnes indiquaient aussi qu'une majorité de femmes ont voté pour lui.
Dans la foule, hier soir à Grant Park, où M. Obama a pris la parole, le militant Jesse Jackson pleurait à chaudes larmes. Plus loin, Ron Hilson, un vétéran des combats pour les droits civiques, se rappelait le désespoir qui s'était emparé de la communauté noire après l'assassinat de Martin Luther King, il y a 40 ans. Mais «le mouvement a repris vie, l'espoir est revenu -- avec le succès de la campagne d'Obama --, et cela a renouvelé notre espérance de prendre part au système politique».
À Phoenix, M. McCain a rendu un vibrant hommage à son adversaire: «Les Américains ont parlé et ont parlé clairement.» Et d'ajouter: «C'est une élection historique qui a une signification particulière pour les Afro-Américains. [...] Il n'y a pas plus grande indication du chemin parcouru par les Américains depuis cent ans que l'élection de Barack Obama.» Il a invité les Américains à s'unir derrière lui.
Au Sénat, qui plus est, les démocrates s'acheminaient vers une majorité anti-obstruction de 60 sièges. La sortante républicaine en Caroline du Nord, Elizabeth Dole, et son collègue John Sununu, au New Hampshire, ont mordu la poussière. En Virginie, le démocrate Mark Warner a battu le candidat républicain, Jim Gilmore. On s'attendait à ce que les démocrates augmentent d'au moins vingt sièges leur majorité à la Chambre des représentants.
Les Américains écrivaient dans l'urne, hier, la conclusion d'une saga politique de près de deux ans qui a vu leur confiance dans le président George W. Bush et dans sa manière de diriger le pays toucher le fond du baril. Deux visions politiques différentes s'affrontaient, s'agissant de la répartition du fardeau fiscal, du règlement de la crise en santé ou de la guerre d'Irak. N'aura pas fonctionné la stratégie de McCain consistant à tenter de faire passer Obama pour un «libéral d'extrême gauche» qui allait augmenter les taxes, ou pour un politicien, entré au Sénat il y a seulement quatre ans, bien trop inexpérimenté pour devenir commandant en chef.
Participation massive
On s'attendait à une participation massive, elle l'a été. Toutes les télévisions du monde ont montré hier les longues files d'attente devant les bureaux de vote. Les Américains demeurent traumatisés par les graves problèmes sur lesquels le système électoral avait trébuché en 2000 et 2004. Des informations ont fait état hier de problèmes de vote, notamment en Virginie, mais ils ont semblé dans l'ensemble assez mineurs.
On s'attendait à ce qu'au total entre 130 et 135 millions d'électeurs se rendent aux urnes, ce qui allait constituer le taux de participation le plus élevé en cent ans. Quelque 123,5 millions de personnes ont voté en 2004 (taux de participation de 60,1 %), environ 20 millions de plus qu'en 2000. Près de 31 millions d'électeurs s'étaient déjà prononcés dans la trentaine d'États où le vote anticipé était autorisé. Le taux de participation a atteint un niveau «sans précédent» dans les États-clés, ont indiqué hier des responsables des États concernés.
M. Obama avait voté peu après 7h30 du matin à l'école élémentaire Beulah Shoesmith, à Chicago. «Le voyage touche à sa fin, mais voter avec mes filles, ç'a été un grand moment», a confié le sénateur de l'Illinois. John McCain a voté à Phoenix, en Arizona. Il est reparti sans faire de déclarations. Sarah Palin a voté dans sa petite ville de Wasilla, en Alaska, au moment où ouvraient les bureaux de vote. «C'est un événement historique quelle que soit l'équipe qui gagnera, a-t-elle déclaré. J'espère, je prie, je crois que je pourrai me réveiller demain comme vice-présidente élue.»
M. Obama avait remporté, très tôt hier matin, ses toutes premières -- quoique toutes petites -- victoires. Elles étaient de bon augure. Comme le veut la tradition aux États-Unis, deux villages du New Hampshire avaient déjà commencé à voter dès minuit: à Dixville Notch, les électeurs ont choisi Barack Obama par 15 voix contre 6 pour John McCain. À Hart's Location, le candidat démocrate l'a emporté par 17 voix contre 10. Lors des deux dernières présidentielles, George W. Bush avait remporté ces deux localités.
Le président George W. Bush sera resté invisible jusqu'au bout, alors que se décidait sa succession à la Maison-Blanche. Il soupait avec son épouse à la Maison-Blanche pour suivre les résultats. Sa porte-parole a simplement fait savoir que M. Bush avait téléphoné à M. Obama pour le féliciter de sa victoire. La transition peut commencer.
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