Le plan de lutte contre les changements climatiques présenté cette semaine par le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, procède d'une bonne intention. En proposant une taxe sur les émissions de CO2 qui ira en augmentant de 10 $ à 40 $ la tonne en quatre ans, il s'attaque au problème des gaz à effet de serre. Mais cela ne va pas sans effets pervers majeurs pour l'économie et pour les consommateurs.
Si les Canadiens choisissaient d'élire un gouvernement majoritaire dirigé par Stéphane Dion, ils auraient droit à une petite révolution en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Selon l'approche proposée, la meilleure façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) est d'augmenter le prix des énergies fossiles que sont le pétrole, le gaz, le propane et le charbon.
En imposant ces sources d'énergie en proportion de la quantité de carbone produite, on évalue pouvoir récolter 15,3 milliards de dollars par année. Signe des temps, on ne propose pas de créer de nouveaux programmes avec cet argent, mais de le retourner aux entreprises et aux particuliers sous forme de baisses d'impôt et de crédits pour lutter contre la pauvreté.
Or, même s'il est convenu théoriquement qu'une nouvelle taxe sur le carbone aurait un effet dissuasif, le plan Dion ne permet pas de quantifier les réductions de GES. En fait, le seul moyen d'atteindre les cibles inscrites au protocole de Kyoto serait de fixer des plafonds d'émissions pour chacun des grands émetteurs, et d'autoriser les échanges d'excédents à la Bourse du carbone. M. Dion soutient qu'on y viendra un jour, mais en attendant, les entreprises canadiennes ne pourront toujours pas participer à ce marché international lucratif pour qui a fait ses devoirs.
Le deuxième problème découle du fait que certaines catégories de ménages et d'entreprises seront pénalisées de façon excessive par cette taxe. Les familles qui chauffent au gaz et au mazout, par exemple, déjà durement frappées, verront leur facture annuelle grimper de quelques centaines de dollars si elles habitent une région tempérée, et de beaucoup plus si elles habitent le Québec, par exemple. Une telle pénalité accentuera l'électrification du parc immobilier québécois, ce qui n'est pas une bonne chose compte tenu des coûts financiers et environnementaux de construction de barrages, d'éoliennes et peut-être même de centrales... au gaz.
Pour ce qui est des entreprises, le plan Dion aurait pour conséquence d'accroître les coûts non pas des grands producteurs, mais de toutes les compagnies qui doivent utiliser le pétrole pour se chauffer, produire ou livrer leurs marchandises. Or, seules celles qui font des profits, dont les pétrolières, auront droit aux réductions d'impôt promises par le plan. Pire, on ne prévoit rien pour contrer la concurrence déloyale des produits importés de pays où il n'y a pas de taxe sur le carbone.
En refusant de s'attaquer en priorité aux grands émetteurs de CO2 par une politique de réduction absolue des émissions de GES, en liant sa lutte pour l'environnement à toutes sortes d'autres causes telles que la pauvreté au lieu de s'en tenir à des baisses d'impôt générales et des aides directes aux victimes d'une telle taxe, le plan Dion n'atteint qu'une partie de la cible et encore, au prix de dommages collatéraux non négligeables pour les PME, les consommateurs, l'emploi et l'inflation.
Reste à voir si le reste du Canada boira ces paroles lénifiantes sur l'environnement -- comme il a avalé la couleuvre de la «clarté» référendaire -- tout au long de l'exercice pédagogique que M. Dion promet de tenir jusqu'aux prochaines élections.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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