L'auteur est chroniqueur au Globe and Mail et coauteur du livre «Hot Air, Meeting Canada's Climate Change Challenge» (McLelland & Stewart, 2007).
Les Québécois aiment bien se moquer du leader libéral fédéral Stéphane Dion pour toutes sortes de raisons. Mentionnez son nom en présence de gens polis et les Québécois se mettront à rire ou à lancer un grondement.
Nous verrons, étant donné sa réputation, si Dion pourra amener les Québécois à prêter attention à la substance de ses nouvelles propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les Québécois se considèrent de grands environnementalistes, mais la réalité est passablement différente de cette image. Ils estiment qu'ils jouent un rôle de leaders au Canada dans la lutte contre les émissions de GES. Ils devraient par conséquent applaudir aux propositions de Dion, bien que pour nombre d'entre eux, accueillir favorablement tout ce que Dion propose est une contradiction en soi.
Ses propositions, qui forment sa politique appelée "Le Tournant vert", sont les plus audacieuses, les plus sages et les plus risquées sur le plan politique jamais soumises aux Canadiens pour combattre les GES.
Dion joue son leadership sur ces propositions. Si les Canadiens les rejettent et s'il perd les prochaines élections, son leadership est fini. Si les Canadiens les acceptent, il pourrait devenir premier ministre.
Ces propositions s'appuient sur une combinaison consistant à taxer des produits qui produisent des émissions et à utiliser les revenus pour abaisser les impôts personnels et ceux des entreprises. Il s'agit par conséquent d'un transfert d'impôts. Mais, bien sûr, les taxes augmenteront maintenant ou dans l'avenir sur les carburants fossiles - le mazout, le diesel, le propane, et un jour, l'essence. Résultat? Les critiques, à commencer par le gouvernement Harper, vont crier: "Hausses de taxes!"
Ce qui sera potentiellement perdu dans cette explication est la diminution des impôts des particuliers et des entreprises.
Dans sa politique, Dion a profondément raison pour trois raisons.
D'abord, l'économie canadienne sera plus compétitive si, de manière générale, les taxes et impôts portent plus sur la consommation et moins sur les revenus et les entreprises. Des impôts moindres sur les revenus et sur les entreprises signifient plus d'argent pour les investissements, et les investissements ainsi que les épargnes se traduisent par des emplois et la création de richesse. À cet égard, la baisse de la taxe sur les produits et services accordée par le gouvernement Harper était une erreur sur le plan économique. Imposer une taxe à la consommation de carburants fossiles tout en réduisant les impôts sur le revenu et les entreprises, voilà une bonne politique fiscale, un point, c'est tout.
Carburants fossiles
En deuxième lieu, taxer les carburants fossiles produira au fil du temps des changements dans le comportement et la technologie de sorte qu'on y aura moins recours, ce qui aura des conséquences bénéfiques pour l'environnement. Il faudra du temps avant que des produits qui rejettent moins d'émissions arrivent sur le marché, des voitures hybrides, par exemple. La taxe doit donc être introduite graduellement pour donner aux gens et aux produits le temps de changer.
En troisième lieu, les Canadiens n'ont pas besoin d'impôts plus élevés. Si elle venait seule, une taxe sur le carbone serait mauvaise sur le plan économique et suicidaire politiquement. Mais en abaissant les impôts sur le revenu et les entreprises, les Canadiens n'auront pas à subir des impôts plus élevés. Dion a été très brillant en insistant pour que le Vérificateur général indique chaque année si l'argent recueilli grâce à la taxe sur le carbone a véritablement servi à abaisser les impôts ailleurs.
La Colombie-Britannique a déjà mis en place un programme assez semblable aux propositions de Dion: une taxe sur le carbone dont les revenus servent à abaisser les impôts sur le revenu et les entreprises. C'est une approche avec laquelle nombre d'économistes seraient d'accord. C'est une avenue que l'industrie du pétrole et du gaz devrait accueillir favorablement étant donné que cette industrie a toujours soutenu que tous les Canadiens doivent participer à la réduction des émissions, et non pas seulement les grandes entreprises.
La meilleure manière de contrôler les émissions des grandes industries consiste à faire appel à un système de transactions sur le carbone. Le gouvernement Harper en a proposé un; les libéraux et le NPD sont aussi en faveur d'un tel système. Bien. Mais ce système ne change pas le comportement des individus. Ensemble, un système de transactions sur le carbone et un transfert d'impôts comme celui proposé par Dion et la Colombie-Britannique permettront avec le temps de réaliser des progrès importants en ce qui concerne la réduction des émissions.
Parmi toutes les options pour combattre les émissions, celle-ci est la meilleure. Bien sûr, cette approche comporte des risques politiques étant donné que les critiques soutiendront qu'il s'agit d'une hausse des impôts déguisée.
Au Québec, où les impôts sont déjà les plus élevés au pays, cette attaque mal fondée pourrait toucher une corde sensible chez les électeurs. Mais si les Québécois sont aussi sérieux à propos de la réduction des émissions qu'ils le prétendent auprès des sondeurs, ils tenteront de surmonter leur antipathie pour Dion et ils écouteront vraiment ce qu'il a à proposer.
L'auteur est chroniqueur au Globe and Mail et coauteur du livre "Hot Air, Meeting Canada's Climate Change Challenge" (McClelland & Stewart, 2007).
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