Quel est le ministère le plus important à Ottawa? Avec les Finances, la réponse de plus en plus souvent donnée à cette question est les Affaires étrangères. Et pour cause. Ce ministère est non seulement, prestigieux, mais il représente aussi les intérêts de tous les autres sur la scène internationale. À une époque où les frontières s'abolissent, son influence devient déterminante dans plusieurs dossiers.
Contrairement à ce se passe aux États-Unis pour le poste de secrétaire d'État, les qualifications personnelles ne sont pas toujours le premier critère retenu par le premier ministre pour attribuer ce portefeuille. Ainsi, le principal mérite de l'actuel ministre, Peter Mackay, ne relève ni de son parcours professionnel, qui le destinait davantage à la Justice -- c'est un ancien procureur de la Couronne --, ni de son parcours politique, qui ne l'a jamais mis en contact avec les questions internationales. Son principal atout est d'avoir été l'artisan, lorsqu'il était chef du Parti progressiste conservateur, de la fusion de son parti avec l'Alliance canadienne de Stephen Harper.
Les renvois d'ascenseur peuvent parfois donner de bons résultats. Le meilleur exemple en est la nomination en 1984 de Joe Clark à la tête des Affaires étrangères. Le premier ministre Brian Mulroney, qui lui avait ravi un an plus tôt la direction du Parti conservateur, lui devait bien cela. Ce choix se révéla néanmoins excellent. M. Clark apportait son prestige d'ancien premier ministre du Canada et une grande expérience politique. Pour le ministère, son arrivée fut un don du ciel en ce qu'il lui permit de s'affirmer.
En composant son premier cabinet, Jean Chrétien attribua en 1993 le portefeuille des Affaires étrangères à André Ouellet dont le principal mérite, outre le fait qu'il avait occupé plusieurs ministères, était d'avoir été un organisateur électoral hors pair à qui le nouveau premier ministre était redevable. Davantage intéressé par la fonction que par les questions de politique étrangère, M. Ouellet n'a pas laissé de souvenir particulier à ce ministère qui ne s'est réveillé qu'avec l'arrivée de Lloyd Axworthy en janvier 1996.
Peter Mackay, on l'a vu dans la crise ouverte par la guerre entre Israël et le Hezbollah libanais, n'a pas la maturité politique d'un Joe Clark, ni même d'un André Ouellet, qui avait tout même été confronté à quelques dossiers difficiles dans sa carrière. Son inexpérience a pour effet de faire du premier ministre Harper son propre ministre des Affaires étrangères dans les faits.
Qu'un premier ministre s'intéresse aux questions de politique étrangère est dans l'ordre des choses... à la condition de ne pas prendre toute la place et de ne pas diriger le ministère des Affaires étrangères à partir de son bureau de l'édifice Langevin où ne se trouvent pas les expertises nécessaires. Cela ne peut que créer de la confusion et des empiétements nuisibles, comme cela fut le cas au moment d'entreprendre l'évacuation des ressortissants canadiens du Liban. Surtout, cela empêche le ministère de jouer pleinement son rôle et de faire valoir les politiques et les expertises développées au fil des ans sur des questions comme la paix et la sécurité. Dès lors, le ministre devient un simple intendant. Ce qui pose un problème. À moins que ce soit ce que voulait Stephen Harper en nommant Peter Mackay à ce poste.
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